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19/12/2017 | FRANCE | N°17DA00953

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 19 décembre 2017, 17DA00953


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...née A...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 5 août 2016, portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire national pour une durée de deux ans.

Par un jugement n°1604068 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2017, la préfète de la Seine-Maritim...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...née A...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 5 août 2016, portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire national pour une durée de deux ans.

Par un jugement n°1604068 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2017, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 27 avril 2017 ;

2°) le rejet de la demande de Mme B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2016 refusant son admission au séjour, portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Odile Desticourt, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme B...néeA..., ressortissante kosovare née le 3 septembre 1974 à Gllogoc, est entrée en France en 2013 et y a sollicité la qualité de réfugié ; que, par une décision du 22 janvier 2014, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande ; que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile en date du 10 juillet 2014 ; que l'intéressée s'est vu notifier un refus de titre de séjour pris par le préfet de la Seine-Maritime le 22 décembre 2014 ; que l'intéressée a présenté une nouvelle demande de titre de séjour qui a été rejetée par une décision de la préfète de la Seine-Maritime du 5 août 2016 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que la préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen du 27 avril 2017 annulant l'arrêté du 5 août 2016 ;

2. Considérant que Mme B...soutient qu'elle est entrée en France en 2013 accompagnée de son époux et de leurs trois enfants, âgés respectivement de 15 ans, 11 ans et 7 ans à la date de l'arrêté attaqué ; que ces derniers étaient scolarisés depuis leur arrivée en France et que leurs relevés de notes et bulletins attestent d'une scolarité exemplaire et d'une volonté d'intégration ; que cependant, la requérante ne démontre pas que les enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité et leurs activités sportives au Kosovo ; qu'en outre, la cellule familiale peut se reconstituer hors de France ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B... ; que la préfète est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, par l'article 1er du jugement attaqué, prononcé l'annulation de ses décisions du 5 août 2016, au motif qu'elles étaient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de ces décisions ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) "

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance et contrairement à ce que soutient la requérante, que le médecin de l'agence régionale de santé a bien été saisi et a rendu son avis le 1er avril 2016 ; que, dès lors, le moyen manque en fait ;

6. Considérant qu'il ressort de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 1er avril 2016, sur lequel s'est fondée la préfète de la Seine-Maritime pour refuser un titre de séjour en qualité d'étranger malade à MmeB..., que l'état de santé de celle-ci nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en outre, cet avis précise qu'il existe un traitement dans son pays d'origine ; que si Mme B...a versé au dossier plusieurs certificats médicaux qui font état de troubles psychologiques, ces derniers ne mentionnent toutefois pas que le défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni que cette prise en charge ne pourrait pas être assurée au Kosovo ; qu'il résulte au contraire de l'instruction, et notamment des pièces produites par la préfète de la Seine-Maritime, que le Kosovo est en état de traiter des troubles sociaux et psychologiques ; que, par suite, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; que toutefois, l'intéressée a sollicité son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L.313-11 11° de ce même code ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.313-11 7° est inopérant ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que si Mme B...fait valoir qu'elle réside en France depuis 2013 avec son conjoint et ses trois enfants, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'époux de l'intéressée, de même nationalité, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'en outre, Mme B...ne démontre pas avoir tissé en France des liens personnels d'une particulière intensité et par suite, rien ne s'oppose à ce que sa vie privée et familiale se reconstitue en dehors du territoire national ; qu'elle ne justifie pas davantage être privée de toute attache familiale au Kosovo où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 39 ans ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour de l'intéressée en France, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'aux termes du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

11. Considérant que si la requérante soutient que ses trois enfants poursuivent une scolarité exemplaire en France, toutefois, il ressort des pièces du dossier que ces derniers sont arrivés en France à l'âge de 12, 8 et 4 ans et qu'ils étaient, à la date de l'arrêté attaqué, en classe de 4ème, CM2 et CP ; que la requérante ne démontre pas qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine ; qu'en outre, son époux, de même nationalité, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ; que dès lors, la préfète de la Seine-Maritime, dont la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer la requérante de ses enfants, n'a pas porté, à l'intérêt supérieur de ces derniers, une atteinte méconnaissant les stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant :

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sous trente jours :

12. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 11, que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait elle-même illégale ;

14. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

15. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11, la requérante n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

16. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 2, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

17. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 11, que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des refus de titre de séjour pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait elle-même illégale ;

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;(...) " ;

20. Considérant que la requérante, dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a, ainsi qu'il a été dit au point 1, été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 janvier 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 juillet 2014, ne démontre pas qu'elle serait personnellement exposée à des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

21. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. " ;

22. Considérant que si Mme B...s'est maintenue sur le territoire national malgré un rejet de sa demande d'asile, elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; qu'elle est en outre présente avec son époux et ses trois enfants sur le territoire national depuis 2013 ; que par suite, et alors même qu'elle n'aurait aucune attache familiale ou affective en France a l'exception de ceux-ci, l'interdiction de retour prononcée à son encontre pour une durée de deux ans présente un caractère excessif ; que, dès lors, Mme B...est fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur dans l'appréciation de sa situation ; qu'il y a lieu, par conséquent, d'annuler l'arrêté du 5 août 2016 en ce qu'il a fixé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

Sur la demande d'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :

23. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

24. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

25. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celui-ci de la somme de 800 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n°1604068 du 27 avril 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : L'interdiction de retour sur le territoire français est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Solenn Leprince, avocat de MmeB..., la somme de 800 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D...B...née A...et à Me Solenn Leprince.

Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime

6

N°17DA00953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00953
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Odile Desticourt
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-12-19;17da00953 ?
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