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30/11/2017 | FRANCE | N°17DA00756

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 30 novembre 2017, 17DA00756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...B..., Mme G...J..., M. A... C...et M. F... E...ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mai 2016 par lequel le maire de la commune de Jouy-sur-Eure a opposé un refus à la demande de permis de construire une habitation individuelle déposée par M. C... et M. E... sur un terrain situé chemin rural n° 118.

Par un jugement n° 1601788 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 2 mai 2016.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2017, et un mémoire, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...B..., Mme G...J..., M. A... C...et M. F... E...ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mai 2016 par lequel le maire de la commune de Jouy-sur-Eure a opposé un refus à la demande de permis de construire une habitation individuelle déposée par M. C... et M. E... sur un terrain situé chemin rural n° 118.

Par un jugement n° 1601788 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 2 mai 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2017, et un mémoire, enregistré le 9 novembre 2017, la commune de Jouy-sur-Eure, représentée par Me I...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... et autres la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me I...D..., représentant la commune de Jouy-sur-Eure.

1. Considérant que le 4 avril 2016, M. C... et M. E... ont déposé une demande de permis de construire une habitation sur un terrain, appartenant à Mme B... et à Mme J..., situé chemin rural n° 118 dans la commune de Jouy-sur-Eure ; que, par un arrêté du 2 mai 2016, le maire de cette commune a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée ; que Mme B..., Mme J..., M. C... et M. E... ont alors saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce refus et d'une demande en référé tendant à la suspension du même arrêté ; que, par une ordonnance du 9 mai 2016, le juge des référés en a suspendu l'exécution et a enjoint au maire de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire dans un délai de quinze jours ; que, par un arrêté du 24 juin 2016, le maire a de nouveau opposé un refus à la demande de permis de construire présentée par M. C... et M. E... ; que Mme B... et autres ont alors saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 24 juin 2016 et ont introduit une demande en référé tendant à la suspension de ce nouvel arrêté ; que, par une ordonnance du 24 novembre 2016, le juge des référés a suspendu l'exécution de cet arrêté et a enjoint au maire de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire dans un délai de quinze jours ; que, par un arrêté du 9 décembre 2016, en exécution de l'ordonnance précitée, le maire a accordé le permis de construire sollicité ; que la commune de Jouy-sur-Eure relève appel du jugement du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen, statuant au fond, a annulé l'arrêté du 2 mai 2016 ;

Sur les conclusions présentées par Mme B... et autres tendant au prononcé d'un non-lieu à statuer :

2. Considérant qu'une décision intervenue pour l'exécution de l'ordonnance par laquelle le juge des référés d'un tribunal administratif a suspendu l'exécution d'un acte administratif revêt, par sa nature même, un caractère provisoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur le recours en annulation présenté parallèlement à la demande en référé ; qu'il en est notamment ainsi lorsque l'administration décide, à l'issue du réexamen faisant suite à la décision de suspension d'un refus prise par le juge des référés, de faire droit à la demande ; qu'eu égard à son caractère provisoire, une telle décision peut être remise en cause par l'autorité administrative ;

3. Considérant qu'un permis de construire délivré à la suite du réexamen ordonné en conséquence d'une mesure de suspension prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et pour l'exécution de l'ordonnance du juge des référés revêt un caractère provisoire ; qu'un tel permis peut être retiré à la suite du jugement rendu au principal sur le recours pour excès de pouvoir formé contre la décision initiale de refus sous réserve que les motifs de ce jugement ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à ce que l'administration reprenne une décision de refus ; que cette décision de retrait doit toutefois intervenir dans un délai raisonnable, qui ne peut, eu égard à l'objet et aux caractéristiques du permis de construire, excéder trois mois à compter de la notification à l'administration du jugement intervenu au fond ; qu'elle ne peut, en outre, être prise qu'après que le pétitionnaire a été mis à même de présenter ses observations ;

4. Considérant que les deux jugements du 23 février 2017 par lesquels le tribunal administratif de Rouen, statuant au principal, a annulé les arrêtés des 2 mai et 24 juin 2016 du maire de la commune de Jouy-sur-Eure refusant à M. C... et à M. E... la délivrance d'un permis de construire, ont mis fin à la suspension de ces arrêtés prononcée respectivement par les ordonnances des 9 mai et 24 novembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen ; qu'en revanche, au regard des motifs d'annulation retenus, le maire de la commune de Jouy-sur-Eure n'a pas usé de la faculté de retrait du permis de construire qu'il a délivré le 9 décembre 2016 en exécution de l'ordonnance du 24 novembre 2016 ; que, toutefois, les jugements du 23 février 2017 étant frappés d'appel, le permis de construire pris en exécution de cette ordonnance conserve son caractère provisoire aussi longtemps que, la juridiction du fond n'ayant pas statué définitivement sur le recours en annulation, l'administration conserve une faculté de retrait dans le délai qui lui est accordé pour en user ; que, par suite, l'intervention et le maintien du permis de construire du 9 décembre 2016 ne rendent pas sans objet les appels formés contre les jugements rendus au principal et, dans la présente instance, contre la requête dirigée contre celui par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 2 mai 2016 ;

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

5. Considérant que, pour prononcer l'annulation de la décision précitée, le tribunal administratif de Rouen a considéré que les pétitionnaires bénéficiant à compter du 20 décembre 2012 d'une décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable de création d'un lotissement de deux lots, le maire de la commune de Jouy-sur-Eure ne pouvait pas, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme, opposer les règles du plan local d'urbanisme adopté le 22 mars 2014 à la demande de permis de construire formée le 4 avril 2016 ; qu'en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur cet unique motif d'annulation contesté devant elle ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant : / 1° La date de la non-opposition à cette déclaration, lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable / (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... et Mme J... ont déposé le 20 octobre 2012, une déclaration préalable portant sur la création d'un lotissement de deux lots sur un terrain leur appartenant situé chemin rural n° 118 ; que, par un jugement n° 1301639 du 20 mars 2015 devenu définitif, le tribunal administratif de Rouen a considéré que les intéressées bénéficiaient d'une autorisation tacite à compter du 20 décembre 2012 ; que ces dernières n'avaient pas à confirmer leur demande auprès de la commune ; que la requérante ne produit aucun élément permettant de considérer que le projet des intéressées ne constituait pas un lotissement au sens et pour l'application de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ; qu'au demeurant, la déclaration préalable déposée par les intéressées n'entre dans aucune des catégories mentionnées à l'article R. 442-1 du code de l'urbanisme qui répertorie les différentes divisions ne constituant pas des lotissements ; qu'est à cet égard sans influence la circonstance, à la supposer établie, que la création du lotissement ne nécessiterait la réalisation d'aucun travaux d'aménagement ; qu'en outre, l'article L. 442-14 n'impose pas qu'un permis de construire soit déposé par le titulaire de l'autorisation de lotir ; que, dès lors, pour répondre à la demande de permis de construire déposée par M. C... et M. E... le 4 avril 2016 soit dans un délai de cinq ans à compter de l'intervention de l'autorisation tacite du 20 décembre 2012, le maire de la commune de Jouy-sur-Eure ne pouvait pas se fonder sur les dispositions du plan local d'urbanisme adopté par délibération du 22 mars 2014 ; que, par conséquent, la commune de Jouy-sur-Eure n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a retenu ce moyen à l'encontre de l'arrêté du 2 mai 2016 ;

Sur la demande de substitution de motif en appel :

8. Considérant que la commune de Jouy-sur-Eure soutient, dans ses écritures tant de première instance que d'appel, qui ont été communiquées à Mme B... et autres, que la parcelle en litige est située en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ; qu'elle doit ainsi être regardée comme se prévalant, pour justifier le refus de permis de construire attaqué, du nouveau motif tiré de ce que le projet des pétitionnaires méconnaît les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, applicable le 20 décembre 2012, date à laquelle Mme B... et Mme J... ont bénéficié d'une décision tacite de non-opposition à leur déclaration préalable portant création d'un lotissement ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; / 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs (...) / (...) / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes. / 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet présente une superficie de 11 829 m² et est composé de pâtures et de terres cultivées ; qu'il est situé à l'intérieur d'un compartiment de terrains délimité par la rue de l'ancienne abbaye, la rue des masures et le chemin rural n° 118 ; que si la partie nord comprend une vingtaine de constructions, la parcelle en litige est séparée des constructions les plus proches par des terrains non bâtis ; qu'elle appartient à un compartiment de terrain à l'état naturel et s'ouvre sur une vaste zone agricole ; que, dans ces conditions, le terrain d'assiette du projet est situé hors des parties actuellement urbanisées de la commune ; que ce nouveau motif ne prive pas les intéressés d'une garantie ; que, par suite, la commune de Jouy-sur-Eure est fondée à demander à ce qu'il soit substitué à ceux de son arrêté pour le justifier légalement ; qu'il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Jouy-sur-Eure aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif tiré de la méconnaissance du l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;

11. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...et autres devant la juridiction administrative ;

Sur la compétence du signataire de l'acte attaqué :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme (...). Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ; / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes. / Les demandes de permis de construire, (...) sur lesquelles il n'a pas été statué à la date du transfert de compétence restent soumises aux règles d'instruction et de compétence applicables à la date de leur dépôt " ;

13. Considérant que, par une délibération du 22 mars 2014, le conseil municipal de la commune de Jouy-sur-Eure a adopté un plan local d'urbanisme communal ; que la demande de permis de construire une habitation a été déposée le 4 avril 2016 ainsi qu'il a été dit au point 1 ; qu'en application des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme citées au point précédent, le maire de la commune était donc compétent pour délivrer le permis de construire en litige, quand bien même les dispositions du plan local d'urbanisme ainsi adoptées ne seraient pas applicables au projet en litige à la faveur de la cristallisation des droits résultant de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ; que, par suite, le moyen d'ordre public soulevé pour la première fois en appel tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté ;

Sur l'existence d'un droit à construire :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant : / 1° La date de la non-opposition à cette déclaration, lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable ; / (...) " ;

15. Considérant que si la non-opposition tacite à déclaration préalable relative à la division en deux lots du terrain dont les propriétaires ont bénéficié a cristallisé les dispositions applicables en vertu de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme, ces mêmes dispositions ne confèrent aucun droit à la délivrance du permis de construire ; que, par suite, Mme B...et autres ne sont pas fondés à soutenir que les pétitionnaires pouvaient bénéficier d'un permis de construire sur ce fondement ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit de statuer sur la régularité du jugement, que la commune de Jouy-sur-Eure est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 2 mai 2016 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et autres, qui ont, dans la présente instance, la qualité de parties perdantes, la somme globale de 1 000 euros à verser à la commune de Jouy-sur-Eure sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme B... et autres à l'encontre de la commune de Jouy-sur-Eure sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 février 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... et autres et leurs conclusions d'appel, notamment celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Mme B... et autres verseront à la commune de Jouy-sur-Eure une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Jouy-sur-Eure, à Mme H...B..., à Mme G...J..., à M. A... C...et à M. F... E....

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure et, en application des dispositions de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evreux.

N°17DA00756 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00756
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SARBIB

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-11-30;17da00756 ?
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