Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SAS Ghesquières a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de lui accorder la restitution de l'impôt sur les sociétés et les contributions sociales acquittées au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, soit respectivement les sommes de 92 693 euros, 284 063 euros et 80 392 euros, assorties des intérêts au taux légal, avec capitalisation de ces intérêts et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1206397 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a accordé à la société Ghesquières la restitution demandée de la somme totale 457 148 euros au titre des exercices 2009 à 2011, a mis à la charge de l'Etat les sommes de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 35 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête, un mémoire et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 11 août 2015, 21 octobre 2016 et 18 juillet 2017, le ministre des finances et des comptes publics, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er, 3 et 4 de ce jugement ; 2°) de remettre à la charge de la société Ghesquières les sommes dont la restitution lui a été accordée pour un montant total de 457 148 euros et de lui restituer les sommes de 1 500 euros et 35 euros qui lui ont été allouées au titre, respectivement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................................. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; - l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 12 juin 2014 dans les affaires jointes C-39/13, C-40/13 et C-41/13 ; - l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 12 juin 2014 dans les affaires jointes C-39/13, C-40/13 et C-41/13. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public. 1. Considérant que la société CEPAP, dont le siège est situé en France, a opté pour le régime de l'intégration fiscale en application de l'article 223 A du code général des impôts et a inclus dans le périmètre de son groupe, sa filiale détenue à 100 %, la société Stockgraph ; que, par application des dispositions de l'article 223 A du code général dans leur rédaction alors en vigueur, la société Ghesquières n'a pu être incluse dans le périmètre du groupe fiscal CEPAP ; que, compte tenu des bénéfices réalisées, elle a acquitté un impôt sur les sociétés d'un montant de 92 693 euros au titre de l'exercice 2009, 284 063 euros au titre de l'exercice 2010 et 80 392 euros au titre de l'exercice 2011 ; que, par une réclamation contentieuse du 17 juillet 2012, elle a sollicité la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et des contributions sociales dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et qu'elle n'aurait pas acquittées si elle avait pu être comprise dans le périmètre du groupe d'intégration fiscale ; que le service a rejeté cette demande le 24 octobre 2012 ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 11 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales acquittées au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et a mis à sa charge les sommes de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice et R. 761-1 du code de justice administrative ; Sur l'incompatibilité du régime de l'intégration fiscale défini aux articles 223 A et suivants du code général des impôts avec la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : 2. Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe / (...) / Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats / (...) Seules peuvent être membres du groupe les sociétés ou les établissements stables qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues aux articles 214 et 217 bis. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 B du même code : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe (...) " ; que sont neutralisées par application de ce dernier article et des articles 223 D et 223 F du même code, les opérations internes au groupe, telles que celles relatives aux provisions pour créances douteuses ou pour risques, aux abandons de créance, aux subventions internes, aux provisions pour dépréciation de participations et aux cessions d'immobilisations entre sociétés du groupe ; 3. Considérant que la liberté d'établissement, que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) reconnaît aux ressortissants européens, et qui comporte pour eux l'accès aux activités non salariées et l'exercice de celles-ci ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l'article 54 TFUE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union européenne, le droit d'exercer leur activité dans l'État membre concerné par l'intermédiaire d'une filiale, d'une succursale ou d'une agence ; qu'à cet égard, la possibilité ouverte, par le régime de l'intégration fiscale, à une société mère résidente d'alléger son imposition en lui permettant de consolider les résultats de toutes les sociétés du groupe fiscalement intégré, est constitutive d'un avantage de trésorerie pour les sociétés concernées en ce que, notamment, la compensation des bénéfices et des pertes autorisées permet au groupe une prise en compte immédiate des pertes de certaines sociétés membres et, ainsi, de conserver aux transactions effectuées au sein du groupe un caractère fiscalement neutre ; 4. Considérant qu'en vertu des articles 223 A et suivants du code général des impôts dans leur rédaction alors en vigueur, cet avantage fiscal n'est toutefois pas accordé à des sociétés ayant leur siège en France mais qui sont détenues directement ou indirectement par une société mère établie dans un autre État membre au moyen, le cas échéant, de filiales intermédiaires elles-mêmes établies dans d'autres États membres, du moins tant que la société mère et les filiales intermédiaires n'exercent aucune activité en France, notamment par l'entremise d'un établissement stable, alors qu'une société mère française a la faculté de constituer une intégration fiscale avec ses filiales ou ses sous-filiales résidentes détenues par l'intermédiaire de filiales établies en France ou y ayant un établissement stable ; que les dispositions précitées créent ainsi une différence de traitement entre, d'une part, les sociétés mères ayant leur siège en France qui, grâce au régime de l'intégration fiscale, peuvent, aux fins de l'établissement de leur bénéfice imposable, imputer immédiatement les pertes de leurs filiales déficitaires sur les résultats de leurs filiales bénéficiaires et, d'autre part, les sociétés mères détenant également des filiales en France mais qui, ayant leur siège dans un autre Etat membre et ne disposant pas d'établissement stable en France, sont exclues du bénéfice de l'entité fiscale et, partant, de l'avantage de trésorerie auquel elle ouvre droit ; qu'ainsi, en tant qu'elles défavorisent, sur le plan fiscal, les situations européennes par rapport aux situations purement internes, ces dispositions constituent une restriction en principe interdite par les stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la liberté d'établissement ; que l'existence de cette restriction n'est pas remise en cause par la circonstance que la société mère commune des filiales à consolider se trouve à un niveau plus élevé de la chaîne de participations du groupe dès lors que les sociétés intermédiaires, dont le siège n'est pas en France et qui n'y disposent pas d'un établissement stable, ne peuvent pas elles-mêmes faire partie de l'intégration fiscale ; 5. Considérant toutefois, qu'une telle différence de traitement demeure compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté d'établissement si elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si elle est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; que la comparabilité d'une situation européenne avec une situation interne doit être examinée en tenant compte de l'objectif poursuivi par la législation en cause ; 6. Considérant que l'objectif du régime français de l'intégration fiscale, qui est de permettre aux sociétés d'un même groupe d'être considérées le plus possible comme une entreprise unique formant un seul et même contribuable, peut être atteint aussi bien par des groupes dont la société mère est résidente que par ceux dont la société mère ne l'est pas, à tout le moins pour ce qui concerne l'imposition des seules sociétés assujetties à l'impôt en France ; que, dès lors que l'article 223 A du code général des impôts permet, dans le cas d'un groupe dont la société mère est résidente, la consolidation des filiales et que cet objectif peut également être en partie atteint, dans le cas d'une société mère étrangère, en ne permettant qu'aux seules filiales établies en France de faire l'objet d'une consolidation de leurs résultats, la différence de traitement, s'agissant de la possibilité d'intégrer uniquement des sociétés " soeurs " ou " cousines " résidentes, n'est pas justifiée par une différence de situation objective, ni par un motif impérieux d'intérêt général, ainsi qu'en a jugé, à propos du régime néerlandais d'intégration fiscale, la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 12 juin 2014, sous l'affaire C-40/13, au terme duquel elle a dit pour droit que l'article 49 TFUE, lu en combinaison avec l'article 54 TFUE, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à un régime d'intégration fiscale qui, dans le cadre de l'imposition des bénéfices des sociétés, n'offre aux filiales nationales la possibilité de constituer entre elles une entité fiscale que si leur société mère est également établie sur le territoire national ou si, bien qu'établie dans un autre État membre, elle dispose d'un établissement stable sur ce territoire ; 7. Considérant que si les régimes d'intégration fiscale français et néerlandais diffèrent en ce que, dans le système français, chaque société établit son propre résultat et ne s'octroie qu'ensuite les effets de l'intégration fiscale sous la forme de transferts de perte et de la neutralisation fiscale de chacune des transactions internes au groupe, alors que, dans le système néerlandais, ce résultat est atteint en traitant les sociétés du groupe comme un seul contribuable, cette circonstance n'est pas de nature à entraîner une appréciation différente quant à l'existence d'une restriction injustifiée à la liberté d'établissement ; Sur l'exercice d'une option : 8. Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts : " Les options mentionnées aux premier, deuxième ou troisième alinéas sont notifiées au plus tard à l'expiration du délai prévu au deuxième alinéa du 1 de l'article 223 pour le dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice précédant celui au titre duquel le régime défini au présent article s'applique. Elles sont valables pour une période de cinq exercices. Les accords mentionnés au sixième alinéa sont formulés au plus tard à l'expiration du délai prévu pour le dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice précédant celui où la société devient membre du groupe (...). Les options et les accords sont renouvelés par tacite reconduction, sauf dénonciation (...) " ; qu'aux termes de l'article 46 quater-0 ZD de l'annexe III à ce code, pris pour leur application : " Les options mentionnées aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 223 A du code général des impôts sont notifiées au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration du résultat d'ensemble. / La société mère adresse à ce même service : 1. Lors de la notification de l'option : a) la liste des personnes morales et des établissements stables qui seront membres du groupe / (...) / b) Des attestations par lesquelles les sociétés filiales font connaître leur accord pour que la société mère retienne leurs propres résultats pour la détermination du résultat d'ensemble (...) " ; qu'enfin, en vertu de l'article 46 quater-0 ZE de la même annexe : " Les sociétés filiales qui acceptent de faire partie du groupe défini à l'article 223 A du code général des impôts adressent l'attestation mentionnée à l'article 46 quater-0 ZD au service dont elles relèvent au plus tard à l'expiration du délai de dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice précédant celui au titre duquel le régime défini à l'article 223 A précité s'applique. L'accord est valable jusqu'à la sortie du groupe de la société filiale concernée. Il peut être dénoncé au plus tard à l'expiration du délai de dépôt de la déclaration de résultat du dernier exercice précédant la période couverte par le renouvellement de l'option prévu au septième alinéa de l'article 223 A précité. / (...) / Pour remplir les obligations prévues au présent article et à l'article 46 quater-0 ZD, la société doit utiliser des documents conformes aux modèles établis par l'administration " ; 9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, la société Ghesquières a manifesté sa volonté de participer à l'intégration horizontale et que, d'autre part, par un courrier du 20 juillet 2017, la société CEPAP a donné son accord pour l'intégration fiscale horizontale notamment de la société Ghesquières ; que la circonstance que la société intimée n'a pas produit les documents nécessaires lors de la réclamation adressée à l'administration fiscale est sans incidence sur le bien-fondé de la demande de cette société dès lors qu'elle a produit ces documents devant le juge de l'impôt ; qu'enfin, si elle n'a pas produit une attestation acceptant son intégration fiscale conformément aux modèles établis par l'administration dans les formes et conditions prescrites aux articles 46 quater-0 ZD et 46 quater-0 ZE de l'annexe III à ce code, dans leur version en vigueur durant les années d'imposition en cause, cette circonstance ne saurait lui faire perdre le droit de participer à un groupe fiscal intégré ; Sur l'exercice d'une option d'intégration en 2014 : 10. Considérant que si le service soutient ensuite que la société Ghesquières, par un courrier du 14 mai 2014, a formulé une option pour le régime de l'intégration fiscale et s'est déclarée, dans ce même courrier, comme seule redevable de l'impôt due par elle-même et sa société filiale, la SCI Bouvines, une telle circonstance, qui porte sur des années postérieures aux années en litige, est sans incidence au regard la demande de la société Ghesquières portant sur les exercices 2009, 2010 et 2011 ; Sur l'absence d'informations concernant les opérations intra-groupes : 11. Considérant que, d'une part, la société soutient que de telles opérations de retraitement intragroupes n'existent pas au titre des années considérées et que, d'autre part, le service n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence de retraitements intragroupe qui feraient obstacle à la restitution sollicitée ; qu'en tout état de cause, s'il apparaissait que la société Ghesquières n'avait pas fait état, à tort de l'existence de relations intra-groupe impactant le montant de l'imposition, il appartiendrait alors à l'administration, dans l'exercice de son pouvoir de contrôle des déclarations fiscales des contribuables, de procéder aux rectifications en découlant ;
Sur le quantum : 12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Ghesquières a été bénéficiaire à hauteur de 278 080 euros au titre de l'exercice 2009, de 852 189 euros au titre de l'exercice 2010 et de 241 175 euros au titre de l'exercice 2011 ; que, de ce fait, elle s'est acquittée de cotisations d'impôt sur les sociétés d'un montant de 92 693 euros au titre de l'exercice 2009, de 284 063 euros au titre de l'exercice 2010 et de 80 392 euros au titre de l'exercice 2011 ; que la société Le Hellu Participation, qui a également accepté, le 24 juillet 2017, de faire partie de ce groupe fiscalement intégré, a présenté, au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, des déficits de 1 466 euros au titre de 2009, de 237 882 euros au titre de 2010 et de 42 201 euros au titre de 2011 ; qu'au regard des déficits reportables également présentés par la société CEPAP, qui a par ailleurs accepté l'intégration fiscale de la société Le Hellu Participation par courrier du 20 juillet 2017, la société Ghesquières est fondée à solliciter la restitution de l'impôt sur les sociétés et des contributions sociales acquittées en 2009, 2010 et 2011 ; 13. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que l'administration fiscale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a fait droit aux conclusions à fin de décharge présentées par la société Ghesquières ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; DÉCIDE : Article 1er : La requête du ministre des finances et des comptes publics est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à la SAS Ghesquières la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SAS Ghesquières. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.2N°15DA01380