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05/10/2017 | FRANCE | N°16DA01879

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 05 octobre 2017, 16DA01879


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 juin 2016 de la préfète du Pas-de-Calais ordonnant sa remise aux autorités allemandes et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1604117 du 8 juin 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 3 juin 2016 de la préfète du Pas-de-Calais.

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2016, la préfète d

u Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juin 2016 du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 juin 2016 de la préfète du Pas-de-Calais ordonnant sa remise aux autorités allemandes et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1604117 du 8 juin 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 3 juin 2016 de la préfète du Pas-de-Calais.

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juin 2016 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n° 2725/2000/CE du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n ° 604/2013 ;

- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

1. Considérant que M.A..., ressortissant afghan, a été interpellé par les services de police le 3 juin 2016 alors qu'il se trouvait dans la zone de protection instituée aux abords du port de Calais ; qu'à cette occasion, ainsi qu'il ressort des mentions du procès-verbal d'interpellation établi le même jour, les agents de la police aux frontières ont constaté l'irrégularité de sa situation, l'intéressé ne pouvant pas présenter de document lui permettant de séjourner et circuler sur le territoire national ; qu'il est apparu lors de son examen de situation que ses empreintes digitales avaient été saisies à la borne Eurodac par les autorités allemandes le 7 février 2016 en qualité de demandeur d'asile ; que la brochure d'information relative au règlement Eurodac a été remise à M. A...qui a signé chaque page du document ; que la préfète du Pas-de-Calais est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, au motif de l'absence de remise de ce document en méconnaissance des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 précité, annulé son arrêté du 3 juin 2016 décidant la remise de M. A...aux autorités allemandes ainsi que son placement en rétention administrative ;

2. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur la légalité de la décision de transfert :

3. Considérant que les articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile requiert de l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande de prendre ou de reprendre en charge le demandeur d'asile ;

4. Considérant que, dans ce cadre, le paragraphe 1 de l'article 26 du règlement précise : " Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale " ; que le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction " ;

5. Considérant que, pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat ; qu'une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis ; qu'il appartient, en conséquence, au juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, de prononcer l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise sans qu'ait été obtenue, au préalable, l'acceptation par l'Etat requis de la prise ou de la reprise en charge de l'intéressé ;

6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté contesté du 3 juin 2016 que les autorités allemandes avaient été saisies le jour même d'une demande de reprise en charge de M. A...et qu'elles n'avaient pas encore fait connaître leur accord quant au principe même d'une telle réadmission sur le territoire de leur Etat ; que l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat ; que, dans ces conditions et en vertu des principes qui viennent d'être rappelés au point 5, la décision contestée du 3 juin 2016, qui a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, doit, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille, être annulée ;

Sur la légalité du placement en rétention administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut, aux fins de mise en oeuvre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et du traitement rapide et du suivi efficace de cette demande, assigner à résidence le demandeur. / La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois et renouvelée une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. / Le demandeur astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés doit se présenter aux convocations de l'autorité administrative, répondre aux demandes d'information et se rendre aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité, dans les conditions prévues à l'article L. 611-2 " ;

8. Considérant que l'article L. 742-5 du même code prévoit que les articles L. 551-1, relatif au placement en rétention administrative, et L. 561-2, relatif à l'assignation à résidence, sont applicables à " l'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert dès la notification de cette décision. / La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi " ;

9. Considérant que, si l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 permet aux Etats membres d'avoir recours au placement en rétention administrative " en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées ", il résulte des dispositions précédemment citées de l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur n'a pas entendu que l'autorité administrative puisse placer en rétention administrative le demandeur d'asile faisant l'objet d'une procédure de transfert avant l'intervention de la décision de transfert ; que, dans ce cas, la loi n'a prévu que la possibilité d'assigner l'intéressé à résidence, un placement en rétention n'étant susceptible d'être prononcé, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'après la notification de la décision de transfert ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, il est constant qu'à la date à laquelle la préfète du Pas-de-Calais, par les décisions contestées du 3 juin 2016, a prescrit le transfert de M. A...vers l'Allemagne et son placement en rétention administrative, les autorités allemandes saisies le même jour d'une demande formulée pour la mise en oeuvre des critères et mécanismes prévus par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, n'avaient pas fait connaître leur acceptation quant à une reprise en charge de l'intéressé ; que, dans ces conditions et en vertu des principes rappelés au point précédent, la préfète du Pas-de-Calais n'a pu, sans méconnaître les dispositions précitées des articles 26 et 28 du même règlement, placer M.A..., par la décision du 3 juin 2016, en rétention administrative ; que cette décision doit, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille, être annulée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 8 juin 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions 3 juin 2016 prescrivant le transfert de M. A...vers l'Allemagne et plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète du Pas-de-Calais est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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N°16DA01879


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01879
Date de la décision : 05/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-10-05;16da01879 ?
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