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05/10/2017 | FRANCE | N°16DA01741

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 05 octobre 2017, 16DA01741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...H...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 février 2016 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1601443 du 14 juin 2016, le tribunal administratif

de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...H...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 février 2016 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1601443 du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2016, M.H..., représenté par Me B... G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 14 juin 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Nord du 17 février 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

1. Considérant que l'arrêté du 17 février 2016 en litige, par lequel le préfet du Nord a fait obligation à M. H...de quitter le territoire français, a été signé par Mme C... F..., attachée principale d'administration de l'Etat, adjointe au directeur de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord ; que, par un arrêté du 23 juillet 2015, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, lequel est disponible sur le site internet des services de l'Etat dans le département du Nord, le préfet du Nord avait donné à Mme F..., en cas d'absence ou d'empêchement de M. E..., directeur de l'immigration et de l'intégration, délégation à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que le directeur de l'immigration et de l'intégration n'aurait pas été absent ou empêché ; que par suite, le moyen tiré par M. H... de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;

2. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du préfet du Nord du 17 février 2016 en litige que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, énoncent, sous le visa des dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. H..., ressortissant guinéen dont un examen osseux a permis d'établir la majorité et qui est dépourvu de tout document lui permettant de justifier d'une entrée régulière, entre dans le champ d'application du 1° du I de l'article L. 511-1 de ce code permettant, en l'absence de circonstance, notamment d'ordre personnel et familial, y faisant obstacle, l'intéressé étant célibataire, sans enfant et non dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, de l'obliger à quitter le territoire français ; qu'ainsi rédigés, ces motifs doivent être regardés comme comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles cette mesure d'éloignement est fondée, alors même qu'ils ne précisent pas les modalités suivant lesquelles il a été procédé au test osseux dont ils font état, ni n'indiquent la procédure ayant conduit l'autorité préfectorale à écarter l'acte de naissance dont M. H...s'était prévalu ; qu'ils constituent une motivation suffisante au regard de l'exigence posée tant par les dispositions de ce même I de l'article L. 511-1 de ce code, lesquelles procèdent de la transposition du 1 de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008, que par celles antérieurement énoncées à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 et qui étaient déjà codifiées, à la date de la décision contestée, à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

3. Considérant que le seul fait que, comme il a été dit au point 2, les motifs de l'arrêté en litige ne précisent pas les conditions dans lesquelles le test de détermination de l'âge osseux de M. H...a été réalisé, ni ne mentionnnent, en particulier, qu'un entretien préalable a été conduit avec l'intéressé afin qu'il soit mis à même de donner son consentement éclairé à cet examen, ne permet pas de mettre sérieusement en doute la régularité de l'utilisation par le préfet du Nord de cette méthode pour confirmer les éléments recueillis sur le fichier informatisé Visabio prévu aux articles L. 611-6 et R. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquels l'intéressé s'était déjà fait connaître sous l'identité de M.A..., ressortissant guinéen né le 18 avril 1984 et donc majeur ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ; qu'il en est de même, en tout état de cause, de celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique en vertu desquelles aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne concerné, qui est inopérant à l'égard de la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français ;

4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. H...avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ;

5. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges et énoncés aux points 4 à 8 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés par M. H...de l'erreur dans l'appréciation de son âge et de ce qu'il aurait figuré, à la date à laquelle l'arrêté du préfet du Nord du 17 février 2016 en litige a été pris, parmi les ressortissants étrangers visés au 1° l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent légalement faire l'objet, en raison de leur minorité, d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'à cet égard, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'appréciation différente à laquelle s'est livré, le 8 septembre 2016, le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Lille pour le placer auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département du Nord, laquelle appréciation ne lie pas le juge administratif, en absence notamment d'identité d'objet entre le présent litige et le dossier soumis à l'appréciation du juge des enfants ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point 5 que le moyen tiré de ce que, pour faire obligation à M. H...de quitter le territoire français, le préfet du Nord aurait méconnu le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté comme inopérant ; que, de même, M. H...ne peut utilement invoquer, au soutien des conclusions qu'il dirige contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui dispose qu'un ressortissant étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ ;

Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

7. Considérant que, si, en vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ressortissant étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dispose en principe d'un délai de trente jours pour y satisfaire, ce même II dispose toutefois que l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que ce ressortissant étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français, lorsque notamment il existe un risque que l'intéressé se soustraie à cette obligation ; que le a) et le f) du 3° de ce même paragraphe II précisent que ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, respectivement si le ressortissant étranger concerné, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et s'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité ;

8. Considérant que la délégation de signature mentionnée au point 1 habilitait notamment Mme F...à signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M.E..., directeur de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord, les décisions relatives au délai de départ volontaire prises en application du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que le directeur de l'immigration et de l'intégration n'aurait pas été absent ou empêché ; que par suite, le moyen tiré par M. H... de ce que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;

9. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du préfet du Nord du 17 février 2016 en litige que ceux-ci précisent les raisons pour lesquelles M. H... peut être regardé comme entrant dans le champ d'application des a) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire, à savoir qu'il n'a accompli aucune démarche dans le but d'obtenir une régularisation de sa situation administrative et qu'il ne dispose pas de garanties suffisantes de représentation pour être dépourvu de document d'identité ou de voyage et pour ne disposer ni d'un domicile fixe, ni de ressources suffisantes et stables ; qu'ainsi rédigés, ces motifs doivent être regardés comme comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire en litige est fondé ; qu'ils constituent une motivation suffisante au regard de l'exigence posée tant par les dispositions de ce même II de l'article L. 511-1 de ce code, lesquelles procèdent de la transposition du 1 de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008, que par celles codifiées, à la date de la décision contestée, à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 9, que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. H...avant de refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 6 que le moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. H...devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle a été prise ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges et énoncés au point 12 du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de ce que, pour estimer qu'il existait un risque que M. H...se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite et que l'intéressé se trouvait dans les situations visées aux a) et f) du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord aurait commis une erreur d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté du 17 février 2016 en litige que ceux-ci mentionnent, sous le visa des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la détermination du pays de renvoi, la nationalité de M. H...et que celui-ci n'établit pas qu'il serait personnellement exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi rédigés, ces motifs doivent être regardés comme comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision fixant le pays à destination duquel M. H...pourra être reconduit d'office ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté ;

14. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 13, que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. H...avant de désigner la Guinée comme le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

15. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit aux points 1 à 6, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel M. H...pourra être reconduit d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle a été prise ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. H...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. H...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...H..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me B...G....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Nord.

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N°16DA01741

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01741
Date de la décision : 05/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-10-05;16da01741 ?
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