La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2017 | FRANCE | N°16DA01920

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 28 septembre 2017, 16DA01920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir, sous le n° 1602238, l'arrêté du 16 juin 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant trois ans et, sous le n° 1602467, l'arrêté préfectoral prononçant sa rétention administrative.

Par un jugement nos 1602238-1602647 du 5 août 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté de placement e

n rétention administrative mais a rejeté la demande dirigée contre l'interdiction de reto...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir, sous le n° 1602238, l'arrêté du 16 juin 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant trois ans et, sous le n° 1602467, l'arrêté préfectoral prononçant sa rétention administrative.

Par un jugement nos 1602238-1602647 du 5 août 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté de placement en rétention administrative mais a rejeté la demande dirigée contre l'interdiction de retour sur le territoire français.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2016, M. A...B..., représenté par Me Marie Lepeuc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral portant interdiction de retour sur le territoire ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, qui déclare renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- et les observations de Me Marie Lepeuc, avocat, représentant M.B....

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

2. Considérant que pour écarter le moyen tiré de l'erreur de droit affectant l'interdiction de retour sur le territoire faite à M. B...pour une durée de trois ans, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, après avoir constaté qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'autorise l'autorité administrative à assortir une mesure de reconduite à la frontière prise sur le fondement de l'article L. 533-1 de ce code de l'interdiction de retour prévue par le III de son article L. 511-1, a relevé que M. B...avait également fait l'objet, le 15 octobre 2012, d'une obligation de quitter le territoire français définitive, qui pouvait justifier l'interdiction de retour sur le territoire français en litige ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne ressort ni du mémoire en défense de l'administration, ni des mentions du jugement attaqué, qu'elle aurait sollicité une telle substitution de motif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a méconnu son office ; que, par suite, l'intéressé est fondé à soutenir que le jugement attaqué, entaché d'irrégularité, doit être annulé en tant qu'il statue sur sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer l'affaire, dans la même mesure, et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ;

Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :

4. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) / Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français " ;

5. Considérant que pour prononcer à l'encontre de M. B...une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trois ans, la préfète de la Seine-Maritime s'est fondée sur le quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 précité ; qu'elle a relevé que l'intéressé a fait l'objet, le 13 juillet 2015, d'une mesure d'éloignement pour laquelle aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé ; que, toutefois, à cette date, M. B...a fait l'objet, non pas d'une obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle aucun délai de départ volontaire ne lui aurait été accordé, mais d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière pris sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur ; que ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition du même code n'autorisent l'autorité administrative à assortir d'une d'interdiction de retour sur le territoire français prévue au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une reconduite à la frontière prise sur le fondement de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, la préfète de la Seine-Maritime a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 1, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision ; que la préfète de la Seine-Maritime soutient désormais à ce titre que l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. B... pouvait légalement se fonder sur l'obligation de quitter le territoire français dont il avait fait l'objet le 15 octobre 2012 ;

7. Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 15 octobre 2012 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a fait obligation à M. B...de quitter le territoire français était assorti d'un délai de départ volontaire de trente jours ; qu'en application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'obligation de quitter le territoire français est assortie d'un délai de départ volontaire, l'autorité administrative ne peut prononcer l'interdiction de retour que pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification, prenant effet à l'expiration du délai de départ volontaire ; qu'ainsi, l'interdiction de retour en litige, prononcée pour une durée de trois ans prenant effet à compter de sa notification, ne saurait légalement se fonder sur l'obligation de quitter le territoire français prononcée le 15 octobre 2012 à l'égard de M.B... ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la substitution demandée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 16 juin 2016 lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant trois ans ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me C...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement 5 août 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté la demande présentée par M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.

Article 2 : L'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 16 juin 2016 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me Marie Lepeuc.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

N°16DA01920 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01920
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : LEPEUC

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-09-28;16da01920 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award