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21/09/2017 | FRANCE | N°17DA00741

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 21 septembre 2017, 17DA00741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 février 2017 de la préfète du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il pourrait reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an.

Par un jugement n° 1701938 du 6 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet

arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2017, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 février 2017 de la préfète du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il pourrait reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an.

Par un jugement n° 1701938 du 6 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2017, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 mars 2017 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande de M.A....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que par un arrêté du 28 février 2017, pris sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de justice administrative, la préfète du Pas-de-Calais a fait obligation à M.A..., ressortissant soudanais né le 3 août 1998, de quitter sans délai le territoire français, au motif que celui-ci était irrégulièrement entré sur le territoire français et qu'il était dépourvu de document d'identité et de titre de voyage ; que cette décision a été assortie d'une interdiction de retourner sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an ; que, par un jugement du 6 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté au motif que la préfète n'avait pas procédé à un examen particulier et personnalisé de la situation personnelle de M. A...avant l'édiction de son arrêté ; que le préfet du Pas-de-Calais relève appel de ce jugement ;

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant que la préfète du Pas-de-Calais a constaté, dans l'arrêté contesté, que M. A..., ressortissant soudanais né le 3 août 1998, était irrégulièrement entré sur le territoire français et qu'il était dépourvu de document d'identité et de titre de voyage ; qu'il ressort du procès-verbal d'audition sur lequel la préfète s'est fondée pour examiner la situation de M. A... que l'intéressé, célibataire et sans enfant à charge, a déclaré avoir quitté son pays " à cause de la guerre " et séjourné en France depuis un an grâce aux dons des associations ; qu'il a notamment ajouté qu'il avait été placé dans un centre du sud de la France lors du démantèlement de la " jungle de Calais " et indiqué les pays qu'il a traversés ; qu'il a fait également état de son souhait de se rendre au Royaume-Uni ; qu'alors même que l'audition n'a duré qu'une vingtaine de minutes, il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé un examen sérieux de la situation de M. A...avant de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement ; que, dès lors, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celles refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français à l'expiration d'un délai d'un mois ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif ;

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

4. Considérant que, par un arrêté du 22 décembre 2015, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, modifié par l'arrêté du 28 octobre 2016 publié au recueil des actes administratifs n° 76 de la préfecture du même jour, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...C..., chef de la section éloignement du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions en litige ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté ;

5. Considérant que l'arrêté du 28 février 2017 énonce les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions d'éloignement sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination prises par l'autorité administrative ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de ces décisions doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant qu'il ressort du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé dans le cadre de la procédure de retenue instituée par les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A...a été entendu le 28 février 2017 par les services de police qui l'ont interrogé sur son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine et en France, les raisons et conditions de son entrée en France, ses conditions d'hébergement en France, ainsi que sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement prise à son encontre ; qu'il a eu la possibilité, au cours de cet entretien, de faire valoir utilement ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire serait entachée d'illégalité ;

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M.A... ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7, que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire serait privée de base légale ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7, que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;

12. Considérant que M.A..., qui se déclare dépourvu de tout document d'identité, de voyage ou de séjour, ne justifie pas qu'il serait effectivement originaire du Darfour au Soudan et qu'il serait exposé à de mauvais traitements s'il retournait dans son pays d'origine ; que, lors de son audition par les services de police, il a seulement déclaré avoir quitté son pays à cause de la guerre et avoir de la famille dans un camp de réfugiés ; que, dans ces conditions, eu égard au caractère très peu circonstancié des allégations de M. A..., et alors qu'il n'a déposé aucune demande d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait entachée d'illégalité ;

Sur la décision interdisant le retour sur le territoire français :

14. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III [...] sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " ;

15. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ; que la décision en litige vise les textes qui la fondent et indique les éléments de la situation personnelle de M. A...qui ont été pris en considération tels que la durée d'un an de son séjour en France, l'absence de liens privés et familiaux dans ce pays, la circonstance qu'il n'ait pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement antérieure et l'absence de menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le sol national ; qu'une telle motivation énonce suffisamment les considérations de fait et de droit qui ont conduit le préfet à prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doit être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7, que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français serait privée de base légale ;

17. Considérant que M. A...soutient qu'il souhaite se rendre au Royaume-Uni pour y présenter une demande d'asile ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux déclarations très vagues du requérant, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'usant pas de la dérogation prévue, en cas de circonstances humanitaires, par les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

18. Considérant que pour prononcer l'interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an , la préfète s'est fondée sur la durée de séjour de M. A...en France d'un an, l'absence de liens privés et familiaux dans ce pays, la circonstance qu'il n'est pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement précédente et l'absence de menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le sol national ; que la préfète n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à un an la durée d'interdiction sur le territoire ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 février 2017 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 mars 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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N°17DA00741

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00741
Date de la décision : 21/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-09-21;17da00741 ?
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