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21/09/2017 | FRANCE | N°16DA01962

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 21 septembre 2017, 16DA01962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 mai 2016 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1602066 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2016, MmeA..., représentée par Me D...C.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 mai 2016 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1602066 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2016, MmeA..., représentée par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 octobre 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Somme du 4 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, le titre de séjour qu'elle sollicitait, à défaut, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de sa situation.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Sur la légalité du refus de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

1. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à MmeA..., ressortissante sénégalaise, serait insuffisamment motivée ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de droit :

2. Considérant que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008 ; qu'aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels " ;

3. Considérant que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inséré au sein d'une septième sous-section intitulée " l'admission exceptionnelle au séjour " de la deuxième section du chapitre III du titre Ier du livre III de la partie législative de ce code, dispose, en son premier alinéa, que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;

4. Considérant que les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code ;

5. Considérant qu'il résulte de l'examen de l'arrêté contesté que celui-ci, qui vise expressément l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énonce notamment dans ses motifs que Mme A...n'a apporté, au soutien de sa demande, aucun élément de nature à justifier que son admission au séjour répondrait à des motifs exceptionnels ou à des considérations humanitaires ; qu'il suit de là que le préfet de la Somme, qui a ainsi examiné la situation de Mme A...au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles renvoie le paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, n'a pas commis d'erreur de droit pour refuser d'accueillir la demande qu'avait formée Mme A...afin de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour ;

En ce qui concerne la vie personnelle et familiale de la requérante :

6. Considérant que MmeA..., qui est entrée sur le territoire français le 16 février 2015 en possession d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour, a fait état de la présence auprès d'elle de l'un de ses frères, qui réside en France muni d'une carte de séjour temporaire en cours de validité, ainsi que de sa mère, également en possession d'un tel titre de séjour, et de sa soeur, de nationalité française, avec lesquelles elle vit ; qu'elle se prévaut, par ailleurs, de ce qu'elle était inscrite, à la date à laquelle la décision de refus de séjour du 4 mai 2016 a été prise, aux épreuves de sélection du concours d'aide soignant et qu'elle devait passer l'oral d'admission le 8 juin 2016 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A... est majeure, célibataire et sans enfant et qu'elle n'établit pas, par ses seules allégations, en tenant même pour établi le décès de son père, qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel elle a habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans ; qu'elle ne démontre pas davantage que des circonstances particulières feraient obstacle à ce qu'elle puisse regagner, le cas échéant, ce pays, où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait suivre la formation d'aide soignante, qu'elle n'a d'ailleurs pas effectivement entamée en France, à laquelle elle se destine ; que, par suite, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressée et en dépit des perspectives d'insertion professionnelle qui seraient les siennes sur le territoire français, la décision refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise, ni n'a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'état de santé de la requérante :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

8. Considérant que si, lorsque l'autorité préfectorale décide de s'écarter de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il appartient à celle-ci d'apporter tous éléments de nature à justifier sa position quant à la disponibilité, dans le pays dont est originaire le ressortissant étranger concerné, d'un traitement approprié à son état de santé, tel n'est cependant pas le cas lorsque le préfet décide de suivre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel un tel traitement y est disponible ; que, dans ce dernier cas, il appartient au ressortissant étranger d'apporter tous éléments de nature à remettre en cause la pertinence sur ce point de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé et l'appréciation portée, au vu notamment de cet avis, par l'autorité préfectorale ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces médicales versées au dossier que Mme A...a présenté une maladie valvulaire se traduisant par une insuffisance mitrale très sévère ayant nécessité la réalisation en urgence d'une intervention chirurgicale visant à mettre en place une bioprothèse ; qu'il ressort aussi de ces pièces qu'après cette opération, réalisée le 25 mars 2015, qui a justifié que Mme A...bénéficie de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et dont les suites ont été simples, l'état de santé de l'intéressée a continué à rendre nécessaire une surveillance médicale régulière, d'autant qu'il est apparu, au cours de sa prise en charge, que l'intéressée présentait une sérologie positive au virus de l'hépatite C ; qu'un certificat médical établi le 22 juin 2016 par le docteur Mirode, praticien hospitalier exerçant au sein du service de cardiologie du centre hospitalier universitaire d'Amiens, confirme que Mme A...doit continuer de bénéficier d'une surveillance clinique, électrocardiographique et échographiques régulière, en précisant que le défaut d'un tel suivi peut, à terme, engager le pronostic vital ; qu'un autre certificat médical, émis par le même praticien le 7 novembre 2016, confirme ces éléments et précise que la prothèse mise en place ayant une durée de vie limitée à dix années en moyenne, une nouvelle intervention chirurgicale devra être envisagée à l'approche de cette échéance ; que le préfet de la Somme ne conteste pas que l'état de santé de Mme A...continuait, à la date de la décision de refus de séjour du 4 mai 2016 en litige, de rendre nécessaire un suivi médical dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, ni les certificats médicaux précités, dont les auteurs n'émettent aucun doute sur la disponibilité d'une prise en charge médicale appropriée à l'état de santé de Mme A...dans son pays d'origine, laquelle se limite à une surveillance régulière, et n'envisagent une nouvelle intervention chirurgicale que dans un délai de dix ans, ni aucune des autres pièces versées au dossier ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet de la Somme, au vu notamment d'un avis formulé le 30 novembre 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Picardie, selon lequel le suivi médical que requiert désormais l'état de santé de l'intéressée depuis l'intervention chirurgicale qui a notablement remédié à sa pathologie cardiaque est disponible au Sénégal ; qu'il suit de là qu'il n'est pas établi que, pour refuser à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Somme aurait méconnu ces dispositions ;

En ce qui concerne l'admission exceptionnelle au séjour :

10. Considérant que, si l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à l'autorité préfectorale de délivrer, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue à l'article L. 313-11 de ce code ou la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle prévue à l'article L. 313-10 de ce code à des ressortissants étrangers qui ne satisfont pas aux conditions requises pour prétendre à ces titres, cette faculté est toutefois subordonnée à la condition que l'admission au séjour du demandeur réponde à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ;

11. Considérant qu'aucune des circonstances invoquées par Mme A...au soutien de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, tirées de la présence en France de plusieurs membres de sa famille proche, de son inscription au concours d'aide soignant, de son jeune âge, de son état de santé et de son absence de lien avec son pays d'origine, ne constituait, eu égard à ce qui vient d'être dit aux points 6 et 9, des considérations humanitaires ni des motifs exceptionnels propres à justifier une admission à titre dérogatoire au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, pour refuser à Mme A...le bénéfice d'une telle admission, le préfet de la Somme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, le moyen tiré de ce que la décision obligeant Mme A...à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 6, 9 et 11 s'agissant, d'une part, de la vie privée et familiale de MmeA..., d'autre part, de son état de santé, enfin, des perspectives d'insertion professionnelle et d'intégration dont elle pourrait se prévaloir, il n'est pas établi que, pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Somme aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Somme.

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N°16DA01962

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01962
Date de la décision : 21/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-09-21;16da01962 ?
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