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20/07/2017 | FRANCE | N°16DA00456

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 20 juillet 2017, 16DA00456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner la société Norpac à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de provision en réparation des préjudices subis à la suite d'une chute survenue le 9 novembre 2013 et, d'autre part, d'ordonner une expertise afin d'évaluer les préjudices imputables à cet accident.

Par un jugement n° 1409298 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et des mémoires, enregistrés le 29 février 2016, le 8 juin 2017 et le 22 juin 2017, Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner la société Norpac à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de provision en réparation des préjudices subis à la suite d'une chute survenue le 9 novembre 2013 et, d'autre part, d'ordonner une expertise afin d'évaluer les préjudices imputables à cet accident.

Par un jugement n° 1409298 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 février 2016, le 8 juin 2017 et le 22 juin 2017, Mme A..., représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 décembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de condamner la société Norpac à lui verser la somme de 38 600,05 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa chute du 9 novembre 2013, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle ils sont dus, les intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la société Norpac la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me G...C..., représentant Mme A...et de Me B...H...substituant Me E...F..., représentant la SA Bouygues Bâtiment Nord-Est.

1. Considérant que Mme A...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que la société Norpac soit condamnée à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis suite à une chute survenue le 9 novembre 2013 vers 19h00 dans la rue de Flandre à Lille ;

Sur le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public :

2. Considérant que des travaux de terrassement ont été exécutés dans la rue de Flandre à Lille par la société Norpac, titulaire d'un marché public de travaux lancé par la communauté urbaine Lille métropole, dans le cadre de la modernisation de la station de métro " Gambetta " ; que Mme A...avait la qualité d'usager de la voie publique au moment de sa chute ;

3. Considérant que l'usager d'une voie publique est fondé à demander réparation du dommage qu'il a subi du fait de l'existence ou du fonctionnement de cet ouvrage ou du fait des travaux publics qui y sont réalisés tant à la collectivité gestionnaire de la voie qu'à l'auteur des travaux dommageables ; qu'il doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre les travaux publics et le dommage ; que les personnes ainsi mises en cause ne peuvent dégager leur responsabilité, sauf cas de force majeure ou faute de la victime, qu'en établissant que l'ouvrage était normalement entretenu ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que Mme A...a trébuché sur un des plots en béton qui soutenaient les grilles clôturant le chantier, ce qui a provoqué sa chute ; qu'il ressort des pièces médicales versées au dossier par la requérante qu'il en est résulté pour celle-ci des écorchures au niveau du nez, du front, du menton et du genou droit, un trouble de la vision de l'oeil gauche, une fracture des os propres du nez sans déviation de la cloison nasale et une subluxation dentaire ; qu'ainsi, il y a lieu de considérer comme établis les circonstances de l'accident et le lien de causalité entre l'opération de travaux publics et le dommage ;

5. Considérant, en second lieu, que l'accident dont Mme A...a été victime, alors qu'elle empruntait à pied la rue de Flandre, est imputable à la présence sur la voie publique de plots en béton ; que la société défenderesse soutient que l'agencement particulier des plots, qui débordaient sur la voie publique, était nécessaire pour conserver le mobilier urbain préexistant et éviter tout risque de basculement des grilles sur les passants ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les plots supportant les grilles avaient été placés de telle sorte qu'ils empiétaient largement, d'environ 60 cm, sur la voie piétonne ; que, dans ces conditions, la société Bouygues Bâtiment Nord-Est, venant aux droits de la société Norpac, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de la voie publique ;

6. Considérant, cependant, que Mme A...réside à proximité des lieux et ne pouvait ignorer ni l'existence, ni la configuration du chantier mis en place dix jours avant sa chute ; que les hautes grilles de couleur rouge entourant le chantier étaient suffisantes pour signaler la possible présence d'obstacles et inciter les piétons à la prudence ; que si la requérante soutient qu'un lampadaire était défectueux le soir du 9 novembre 2013, les attestations qu'elle produit, de faible valeur probante, ne permettent pas de l'établir, alors que les photographies versées au dossier par la société défenderesse, bien que non datées, révèlent la présence d'un dispositif d'éclairage suffisant et le bon fonctionnement de celui-ci ; qu'à supposer même que des véhicules aient été en stationnement dans la rue piétonne sur le côté opposé à celui des travaux, en circulant comme elle l'a fait près des grilles entourant la zone des travaux, alors que la voie était suffisamment large pour lui permettre de s'en écarter, Mme A...a commis une imprudence de nature à exonérer à hauteur de 60 % la société Bouygues Bâtiment Nord-Est de sa responsabilité au titre du dommage de travaux publics ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les préjudices subis par MmeA... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Sur les dépenses de santé actuelles et futures :

8. Considérant, d'une part, que Mme A...n'établit pas que les dépenses de santé actuelles exposées seraient restées définitivement à sa charge ; que, d'autre part, elle ne produit aucun devis correspondant aux dépenses de santé futures relatives aux soins d'orthodontie susceptibles d'être réalisés pour remédier à la subluxation dentaire qui a résulté de sa chute ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de lui allouer une somme pour ces chefs de préjudice ;

Sur les frais divers :

9. Considérant que si l'intéressée produit un ticket de caisse en date du 11 novembre 2013 pour justifier l'existence des frais de transport dont elle sollicite le remboursement, il n'est pas démontré que ceux-ci seraient en lien direct et certain avec l'accident dont elle a été victime ; que, par suite, il n'y a pas lieu de lui allouer une somme à ce titre ;

Sur les pertes de gains professionnels :

10. Considérant que Mme A...n'apporte aucun élément permettant de justifier de la somme de 1 500 euros qu'elle réclame au titre des pertes de revenus subies du fait de son hospitalisation ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de lui accorder une somme pour ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'un certificat médical en date du 24 juillet 2014, que la consolidation de l'état de santé de Mme A...a été acquise le 1er janvier 2014 ;

Quant aux préjudices temporaires :

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

12. Considérant que le dommage subi par Mme A...a entraîné un déficit fonctionnel temporaire total dans la nuit du 9 novembre 2013 correspondant à son hospitalisation, puis un déficit fonctionnel partiel pour la période allant du 10 novembre 2013 jusqu'à la date de consolidation ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par MmeA..., compte tenu du partage de responsabilité, en lui allouant la somme de 50 euros ;

Sur les souffrances endurées :

13. Considérant qu'il ressort des pièces médicales versées au dossier par la requérante que sa chute a entraîné une brève perte de connaissance, un saignement de nez, une fracture des os propres du nez sans déviation de la cloison nasale, des excoriations au niveau du nez, du front, du menton et du genou droit, un trouble de la vision de l'oeil gauche et une subluxation dentaire ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et psychiques endurées en allouant à la victime, compte tenu du partage de responsabilité, une somme de 400 euros ;

Sur le préjudice d'agrément temporaire :

14. Considérant que si l'intéressée soutient avoir subi un préjudice d'agrément entre la date de sa chute et celle de la consolidation de son état de santé, elle ne l'établit pas ; que, par suite, il n'y a pas lieu de lui allouer une somme pour ce chef de préjudice ;

Quant aux préjudices permanents :

Sur le préjudice esthétique :

15. Considérant, d'une part, que Mme A...a été victime d'une subluxation dentaire du fait de sa chute ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'une discrète cicatrice subsiste au niveau de son nez postérieurement à la date de consolidation ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique subi en allouant à l'intéressée, compte tenu du partage de responsabilité, une somme de 400 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Bouygues Bâtiment Nord-Est, venant aux droits de la société Norpac, doit être condamnée à verser à Mme A...la somme totale de 850 euros ;

Sur les intérêts :

17. Considérant que Mme A...a droit aux intérêts sur la somme qui lui est due à compter du 27 novembre 2013, date de réception de sa réclamation préalable par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bouygues Bâtiment Nord-Est une somme de 1 000 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est à l'occasion du litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1409298 du 29 décembre 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La société SA Bouygues Bâtiment Nord-Est, venant aux droits de la société Norpac, est condamnée à verser à Mme A...la somme de 850 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2013.

Article 3 : La société Bouygues Bâtiment Nord-Est versera la somme de 1 000 euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la SA Bouygues Bâtiment Nord-Est sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et à la SA Bouygues Bâtiment Nord-Est.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.

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N°16DA00456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00456
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres - Défaut d'entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt (AJ)
Rapporteur ?: Mme Odile Desticourt (AJ)
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SCP MANUEL GROS HÉLOÏSE HICTER ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-20;16da00456 ?
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