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06/07/2017 | FRANCE | N°17DA00383

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 06 juillet 2017, 17DA00383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...se disant Uzemee C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 novembre 2016 du préfet de l'Eure lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de l'éloignement.

Par un jugement n° 1603751 du 19 décembre 2016, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en

registrée le 23 février 2017, MmeA..., se disant UzemeeC..., représentée par Me D...F..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...se disant Uzemee C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 novembre 2016 du préfet de l'Eure lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de l'éloignement.

Par un jugement n° 1603751 du 19 décembre 2016, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2017, MmeA..., se disant UzemeeC..., représentée par Me D...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2016 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du préfet de l'Eure du 11 novembre 2016 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de réexaminer la situation de l'appelante et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la Cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeA..., se disant UzemeeC..., ressortissante chinoise née le 19 septembre 1975, qui serait entrée en France, selon ses déclarations, le 24 novembre 2014, a demandé le statut de réfugié ; que, le 30 septembre 2015, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile ; que ce rejet a été confirmé, par deux décisions du 28 avril 2016 et du 30 juin 2016 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; que, par un arrêté du 11 novembre 2016, le préfet de l'Eure l'a obligée à quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme C... relève appel du jugement du 19 décembre 2016 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 novembre 2016 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / (...) / Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. / (...) / III. En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation. Toutefois, si l'étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l'obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. / (...) / Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l'objet en cours d'instance d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation." ; qu'aux termes de l'article R. 776-17 du code de justice administrative : " Lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire / (...) / , la procédure se poursuit selon les règles prévues par la présente section. Les actes de procédure précédemment accomplis demeurent.valables / (...) / Toutefois, lorsque le requérant a formé des conclusions contre la décision relative au séjour notifiée avec une obligation de quitter le territoire, la formation collégiale demeure saisie de ces conclusions, sur lesquelles elle se prononce dans les conditions prévues par la section 2. " ;

3. Considérant qu'en application des dispositions combinées de l'article R. 776-17 du code de justice administrative et de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen n'était pas compétent pour statuer sur les conclusions de MmeA..., se disant Uzemee C...tendant à l'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours du 11 novembre 2016 du préfet de l'Eure ainsi que la décision fixant le pays de destination, la formation collégiale du tribunal étant seule compétente en vertu des mêmes dispositions pour statuer sur de telles conclusions ; qu'il suit de là que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen n'était pas compétent pour statuer selon la procédure prévue à l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que son jugement, entaché d'incompétence, doit dans cette mesure être annulé ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de Mme A...se disant Uzemee C...tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, avec un délai de départ volontaire de trente jours, et de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement ;

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant que M. E...B..., chef du bureau de l'immigration, de l'intégration, de l'identité et du développement solidaire a, par un arrêté du 30 mai 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Eure, reçu délégation du préfet à l'effet de signer tous actes relevant du champ de ses attributions ; que, par suite, l'arrêté attaqué a été signé par une autorité compétente ;

6. Considérant que la décision d'obligation de quitter le territoire français contestée mentionne que MmeA..., se disant UzemeeC..., de nationalité chinoise, est démunie de tout document d'identité ou de voyage et qu'elle ne peut justifier ni de sa date d'entrée en France, ni de la possession des documents et visa exigés à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle énonce donc clairement les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

7. Considérant qu'il ne ressort ni de la décision en litige, et notamment, comme il vient d'être dit, de ses motifs, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet l'Eure n'aurait pas procédé à un examen particulier et approfondi de la situation de MmeC... ;

8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant / (...) / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité " ;

9. Considérant que MmeA..., se disant UzemeeC..., dont la demande d'asile a été rejeté le 30 septembre 2015 par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, ce refus étant confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 28 avril 2016 et le 30 juin 2016, ne justifie pas de la régularité de son entrée sur le territoire français ; qu'elle n'est pas non plus titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le préfet de l'Eure aurait procédé à une inexacte application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

11. Considérant que MmeA..., se disant Uzemee C...fait valoir le fait que sa vie privée est établie de manière stable en France, puisqu'elle y réside depuis plus de deux ans à la date de la décision en litige ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A...se disant C...est célibataire, sans enfant ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à son arrivée en France, à la fin de l'année 2014 ; qu'elle n'est pas non plus insérée socialement et professionnellement de manière stable et intense en France ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du caractère récent du séjour de la requérante sur le territoire français, le préfet de l'Eure n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs pour lesquels la décision en litige a été prise, ni, par conséquent, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit précédemment que Mme A..., se disant Uzemee C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait elle-même illégale ;

13. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que MmeA..., se disant Uzemee C...soutient qu'elle a été interviewée par des journalistes de Mongolie Extérieure, qu'elle a été accusée par les autorités chinoises de diffuser de fausses informations et qu'elle a été victime d'une agression ; que, toutefois, au soutien de ses allégations, l'intéressée, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, ne présente aucune pièce probante permettant de tenir pour établie la réalité des risques actuels et personnels auxquels elle prétend être exposée en cas de retour dans le pays dont elle a la nationalité ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 11 novembre 2016 doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 19 décembre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par MmeA..., se disant Uzemee C...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA..., se disant UzemeeC..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me D...F.valables

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.

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N°17DA00383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00383
Date de la décision : 06/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Gauthé
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-06;17da00383 ?
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