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06/07/2017 | FRANCE | N°17DA00131

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 06 juillet 2017, 17DA00131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...I...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 juillet 2016 du préfet de l'Eure lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1602877 du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 janvier

2017, 15 mars 2017, 30 mars 2017 et 13 juin 2017, MmeI..., représentée par Me D...F..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...I...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 juillet 2016 du préfet de l'Eure lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1602877 du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 janvier 2017, 15 mars 2017, 30 mars 2017 et 13 juin 2017, MmeI..., représentée par Me D...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 décembre 2016 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 juillet 2016 par lequel le préfet de l'Eure lui refuse un titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant cette période ou de procéder au réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la Cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur,

- et les observations de Me C...B..., substituant Me D...F..., représentant MmeI....

1. Considérant que MmeI..., née le 24 octobre 1984, de nationalité congolaise, déclare être entrée en France le 11 novembre 2015 munie d'un visa de 90 jours délivré par les autorités belges, valable jusqu'au 12 février 2016 ; que, le 6 février 2016, l'intéressée a donné naissance à un enfant, prénommé Marc-Alexandre, dont le père est français ; que, le 22 avril 2016 Mme I...a sollicité son admission au séjour au titre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 16 septembre 2016, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme I...relève appel du jugement du 20 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a refusé de faire droit à sa demande tenant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; que la présence de ces mentions dans une décision administrative non réglementaire constitue une formalité substantielle ;

3. Considérant que l'arrêté en litige comporte la signature manuscrite de son auteur, précédée de la mention " le préfet ", sous le visa des nom et prénom du préfet de l'Eure, M. G...E...; que ces mentions permettent d'identifier, sans ambigüité, l'auteur de cet acte ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait illégal, aux motifs qu'il ne serait pas justifié de la délégation de compétence ou de signature donnée à son auteur et qu'il ne comporterait pas la mention du prénom, du nom et de la qualité de son auteur, ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant que l'arrêté attaqué, qui vise les textes dont il est fait application, n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle de Mme I...et énonce les éléments de faits et de droit relatifs à sa situation personnelle ; qu'il fait notamment état de la nationalité de celle-ci, de la date et des conditions de son entrée en France, de la naissance de son fils, de la résidence du père de l'enfant au Congo et précise que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne seraient pas méconnues en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dés lors, l'arrêté en litige est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'un défaut d'examen de la situation personnelle de Mme I...;

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l''ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur, pour le cas où la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " est demandée par un étranger au motif qu'il est parent d'un enfant français, a subordonné la délivrance de plein droit de ce titre à la condition, notamment, que l'enfant réside en France ; que, ce faisant, le législateur n'a pas requis la simple présence de l'enfant sur le territoire français, mais a exigé que l'enfant réside en France, c'est-à-dire qu'il y demeure effectivement de façon stable et durable ; qu'il appartient dès lors à l'autorité administrative, pour l'application de ces dispositions, d'apprécier dans chaque cas, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des justifications produites, où se situe la résidence de l'enfant, entendue comme le lieu où il demeure effectivement de façon stable et durable à la date à laquelle le titre est demandé .

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 6 février 2016, Mme I...a donné naissance à son deuxième enfant, prénommé Marc-Alexandre, dont le père, M. H..., est français ; qu'il n'est pas contesté que cet enfant a la nationalité française ; que, le 22 avril 2016, Mme I...a sollicité son admission au séjour au titre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, à supposer que Mme I...contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française, il ressort des pièces du dossier qu'il était âgé de seulement deux mois à la date à laquelle le titre de séjour a été demandé, le 22 avril 2016, et de cinq mois au jour de la décision attaquée, et qu'elle a vécu dans son pays d'origine, où réside son premier enfant, né en 2006, jusqu'à son arrivée récente en France, à l'âge de trente-deux ans ; qu'elle était hébergée à titre gratuit en France, avec son fils, à la datede la décision enlitige ; que, si Mme I...avance en cause d'appel être sans nouvelles de son premier enfant, âgé de dix ans seulement à la date de cette décision, qui serait " porté disparu ", elle ne verse au dossier aucun document probant concernant les conditions de la garde de cet enfant ou son enlèvement ; qu'elle ne conteste pas non plus sérieusement que le père de son deuxième enfant, de nationalité française, résidait et travaillait à l'étranger à la date à laquelle le titre de séjour à été demandé, en faisant état de ses voyages en France ; que les circonstances, postérieures à la décision en litige, que la requérante attend un troisième enfant à naître, que M. H...a reconnu le 17 février 2017, et qu'il atteste, le 12 janvier 2017, avoir le projet de s'installer en France en 2017, après la création d'une entreprise et l'acquisition d'un logement à Evreux, sont sans influence sur la légalité du refus de tire de séjour ; qu'ainsi, l'enfant Marc-Alexandre ne pouvait être regardé par le préfet de l'Eure comme résidant en France de façon stable et durable au sens des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, cette circonstance fait obstacle à ce que Mme I...puisse être regardée comme se trouvant, à la date de la décision attaquée, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement de ces dispositions ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de l'Eure a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de MmeI... ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que Mme I...se prévaut de la nationalité française de son enfant Marc-Alexandre, du décès de son père au Congo, ainsi que de la présence en France de membres de sa famille et de celle de M.H..., père de son deuxième enfant, sans justifier précisément de la nature exacte de ces liens par des documents d'état-civil ; qu'elle fait état de liens d'ordre privé qu'elle a pu y nouer depuis son arrivée ; qu'elle fait valoir, aussi, qu'au regard de la situation d'insécurité au Congo, le père de son deuxième enfant souhaite qu'elle réside en France ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que MmeI..., qui a vécu trente-deux ans dans son pays d'origine, avant de se rendre récemment en France, n'est pas démunie d'attaches privées et familiales au Congo, où résident son premier enfant issu d'une autre union, né en 2006, sa mère, ainsi que ses sept frères et soeurs, et qu'elle ne verse au dossier aucun document permettant d'établir qu'ils résideraient dans d'autres pays d'Afrique ; qu'elle n'est entrée en France que le 11 novembre 2015, soit neuf mois seulement avant la date de la décision attaquée ; que, comme il a été précisé précédemment au point 5, l'enfant Marc-Alexandre, né moins de trois mois après son arrivée en France, n'y avait pas établi sa résidence de façon stable et durable avec sa mère, alors que son père, de nationalité française, résidait et travaillait à l'étranger, lorsque le préfet de l'Eure s'est prononcé sur sa demande de titre de séjour ; que la requérante ne justifie pas, non plus, de risques encourus personnellement en se bornant à invoquer, de manière générale, une situation d'insécurité dans son pays d'origine ; que, par suite, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, Mme I... n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

10. Considérant que compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, Mme I...ne démontre pas que des circonstances particulières feraient obstacle à ce qu'elle puisse emmener son enfant en bas âge, Marc-Alexandre, dans son pays d'origine ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure aurait porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de l'enfant de Mme I...avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour et de l'obliger à quitter le territoire français ; que, par suite, ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant que si Mme I...fait valoir qu'elle risquerait des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Congo, et que son premier enfant, qui est " porté disparu " lui a été enlevé, elle n'établit pas, par son récit et les pièces produites, l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être qu'écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme I...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme I...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...I...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°17DA00131

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00131
Date de la décision : 06/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Gauthé
Avocat(s) : SHEBABO KARINE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-06;17da00131 ?
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