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06/07/2017 | FRANCE | N°15DA01246

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 06 juillet 2017, 15DA01246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 octobre 2012 par laquelle le directeur de l'Institut d'études politiques (IEP) de Lille l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1207038 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 juillet 2015, le 24 juillet 2015, le 27 juillet 2015, le 19 jan

vier 2017 et le 15 juin 2017, MmeC..., représentée par Me F... E..., demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 octobre 2012 par laquelle le directeur de l'Institut d'études politiques (IEP) de Lille l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1207038 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 juillet 2015, le 24 juillet 2015, le 27 juillet 2015, le 19 janvier 2017 et le 15 juin 2017, MmeC..., représentée par Me F... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 19 mai 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur de l'IEP de Lille du 23 octobre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'IEP de Lille la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- l'arrêté du 27 juin 2011 instituant des commissions consultatives paritaires compétentes à l'égard de certains agents non titulaires exerçant leurs fonctions au sein du ministère chargé de l'éducation nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Jacques Gauthé, rapporteur public concluant en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative ;

- et les observations de Me A...B..., substituant Me F...E..., représentant MmeC....

1. Considérant que MmeC..., qui avait obtenu un diplôme universitaire de technologie de gestion des entreprises et des administrations, a été recrutée, à compter du 1er octobre 1999, par l'Institut d'études politiques (IEP) de Lille, en qualité d'agent non-titulaire, selon un contrat à durée déterminée conclu pour une période de trois mois expirant au 31 décembre 1999 ; que cet engagement a été reconduit à plusieurs reprises ; que, parallèlement à son activité professionnelle, Mme C...a préparé un Master en économie de la décision publique, qu'elle a obtenu en novembre 2006 ; que, compte tenu de cette progression de son niveau d'études, l'IEP de Lille lui a proposé, en décembre 2006, un contrat de travail à durée indéterminée, aux fins d'exercer, à compter du 1er janvier 2007, les fonctions de responsable des relations avec le monde professionnel et institutionnel, Mme C...étant alors reclassée au 9ème échelon du grade d'attaché d'administration de recherche et de formation ; qu'aux termes d'un avenant conclu le 12 juillet 2010, Mme C...s'est vu confier, à compter du 1er septembre 2010, la responsabilité de la formation continue et a été reclassée au 10ème échelon du grade d'attaché d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, cet emploi ayant fait l'objet d'une fiche de poste signée par l'intéressée le 22 avril 2011 ; que, l'attention de la direction de l'IEP ayant été appelée sur le très grand nombre d'ajournements de sessions organisées en son sein au titre de la formation continue durant l'année universitaire 2011-2012 et, durant la même période, sur le nombre très modeste de stagiaires qui avaient suivi d'autres sessions à ce même titre, elle a sollicité de Mme C...afin qu'elle lui fournisse des éléments d'explication et de justification des actions et initiatives qu'elle avait mises en oeuvre, durant la période considérée, afin de mener à bien sa mission ; que, les éléments apportés par l'intéressée, au terme du délai qui lui a été accordé pour les rassembler, ayant été regardés comme manifestement insuffisants, le directeur de l'IEP de Lille a décidé de mettre en oeuvre une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; qu'après avoir recueilli l'avis de la commission consultative paritaire, le directeur de l'IEP de Lille a ainsi décidé de mettre fin pour insuffisance professionnelle à l'engagement de Mme C..., décision qu'il lui a notifié par un courrier recommandé du 23 octobre 2012 ; que Mme C... relève appel du jugement du 19 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision contenue dans ce courrier du 23 octobre 2012 ;

Sur la légalité externe de la décision contestée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie à l'égard de l'intéressée :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que quatre membres ayant voix délibérative composaient le collège des représentants de l'administration au sein de la commission consultative paritaire lorsque celle-ci s'est réunie, le 26 septembre 2012, dans sa formation restreinte compétente pour les agents de catégorie A, pour examiner le projet de licencier Mme C..., tandis que le collège des représentants du personnel n'était, compte tenu de l'absence imprévue d'un membre titulaire, composé que de trois membres ayant voix délibérative ; que, toutefois, à supposer qu'une telle situation d'imparité puisse, par elle-même, être regardée comme constituant un vice de procédure, d'une part, il ressort du procès-verbal de la séance que le directeur de l'établissement, président de la séance et membre du collège des représentants de l'administration, n'a, compte tenu de cette situation d'imparité, pas pris part au vote, la représentation paritaire des deux collèges ayant ainsi été assurée au moment du vote ; que, d'autre part, ce même procès-verbal ne révèle pas que le président aurait, dans la conduite des débats et à l'occasion de ses interventions, adopté une attitude partiale envers MmeC... ; que, dans ces conditions et alors que le projet de licenciement de Mme C...a été approuvé par deux des votants et refusé par deux autres, tandis que les deux derniers membres votants se sont abstenus, il n'est pas établi que la situation d'imparité constatée au début de la réunion ait pu avoir une influence sur le sens de l'avis émis par la commission, ni, en tout état de cause, sur celui de la décision finalement prise à l'égard de MmeC... et il n'est pas davantage établi que cette situation aurait, par elle-même, privé l'intéressée d'une garantie de procédure ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article 25 de l'arrêté du 27 juin 2011 instituant des commissions consultatives paritaires compétentes à l'égard de certains agents non titulaires exerçant leurs fonctions au sein du ministère chargé de l'éducation nationale, lorsque l'autorité compétente prend une décision contraire à l'avis ou à la proposition émis par la commission, cette autorité doit informer cette dernière des motifs qui l'ont conduite à ne pas suivre l'avis ou la proposition ; que, si Mme C...invoque la méconnaissance, par le directeur de l'IEP de Lille, de cette exigence, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la séance du 26 septembre 2012 au cours de laquelle la commission consultative paritaire compétente s'est prononcée sur la projet de la licencier, que cette instance n'est, comme il a été dit au point précédent, pas parvenue à émettre un avis ; qu'ainsi, le directeur de l'IEP de Lille, en décidant de licencier Mme C...pour insuffisance professionnelle, ne peut être regardé comme ayant pris, au sens et pour l'application de la disposition invoquée, à la supposer applicable à la situation de l'intéressée, une décision contraire à l'avis émis par la commission ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la méconnaissance de cette exigence d'information aurait vicié la procédure mise en oeuvre à l'égard de Mme C... doit être écarté ;

4. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à la commission consultative paritaire de communiquer à un agent non-titulaire faisant l'objet d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle et qui formulerait une demande en ce sens, le procès-verbal de la séance au cours de laquelle sa situation a fait l'objet d'un examen ; qu'en particulier, le règlement intérieur adopté par la commission consultative paritaire pour régir son fonctionnement ne prévoit pas une telle obligation ; que, par suite, la communication du procès-verbal de la séance de la commission au cours de laquelle le projet de licencier Mme C... a été examiné a pu être refusé à cette dernière sans que la procédure mise en oeuvre à son égard s'en soit trouvée entachée d'irrégularité ; qu'enfin, alors que l'intéressée avait déjà été rendue destinataire d'un courrier, daté du 22 mai 2012, qui, s'il lui demandait des éléments d'information complémentaires, l'informait déjà des griefs qui étaient susceptibles d'être retenus à son encontre, il n'est pas établi que l'absence de communication du compte-rendu de la réunion de la commission ait pu, par lui-même, empêcher Mme C...de préparer utilement sa défense ;

En ce qui concerne la motivation de la décision :

5. Considérant que Mme C...ne peut utilement invoquer une méconnaissance de l'exigence de motivation des décisions administratives posée par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que cette disposition n'était pas entrée en vigueur à la date à laquelle la décision du 23 octobre 2012 a été prise ; qu'en tout état de cause, la décision en litige, qui, d'une part, dresse un état précis des considérations de fait permettant de retenir que Mme C...n'a pas répondu aux attentes qui figuraient dans la fiche de poste qu'elle a acceptée, d'autre part, précise expressément le motif d'insuffisance professionnelle qui fonde son licenciement, est suffisamment motivée, tant en fait qu'en droit, au regard des dispositions, alors en vigueur, de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

Sur la légalité interne :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche de poste détaillant les missions qui étaient confiées à Mme C...en sa qualité de responsable de la formation continue, qu'il était notamment attendu de l'intéressée qu'elle mobilise les ressources internes de l'établissement, en particulier les enseignants, et qu'elle mette en place et anime des relations entre les différents partenaires extérieurs de celui-ci, tels les entreprises, les financeurs potentiels, les collectivités locales, les services de l'Etat, les associations, les fournisseurs ou encore les services de formation des autres IEP, dans le but notamment de recenser les besoins en actions de formation, d'élaborer et de proposer des actions ponctuelles et d'organiser des cycles de formation longs, ainsi que des journées thématiques ; qu'elle disposait, pour ce faire, d'une pleine autonomie, quand bien même ces actions de formation devaient répondre à des critères pédagogiques définis par le directeur du développement ; qu'en outre, si elle n'avait pas le pouvoir d'engager l'IEP à l'égard de ses partenaires extérieurs, Mme C...avait pour mission de faire, sur la base des partenariats négociés, toute proposition au chef d'établissement ; qu'il lui appartenait ensuite de communiquer autour des actions programmées, en réalisant notamment des plaquettes et en mettant régulièrement à jour le site internet de l'établissement, et de mener des négociations commerciales, dans le but de proposer ensuite à la vente ces modules de formation ;

7. Considérant que, si, compte tenu notamment de la taille modeste de l'établissement, les fonctions confiées à Mme C...comportaient aussi, ce que confirme d'ailleurs expressément sa fiche de poste, la gestion administrative et le suivi financier des formations, qui impliquaient l'exécution de tâches matérielles, la direction de l'IEP de Lille pouvait légitimement attendre d'un cadre A qu'il soit à même de définir des priorités parmi ses attributions et qu'il sollicite ponctuellement toutes les aides utiles, ce qui n'aurait pu nullement lui être reproché ; qu'il ressort, au contraire, des pièces du dossier, que, malgré la confiance qui avait ainsi été placée en elle et dont témoigne notamment le niveau indiciaire qui lui a été attribué, Mme C...s'est cantonnée, au cours de l'année universitaire 2011-2012, dans ces tâches de gestion administrative, afférentes notamment au cycle des hautes études régionales, dont l'élaboration et le pilotage, pris en charge par deux enseignants en partenariat avec la région, ne lui incombaient pas, et aux modules de formation confiés à un prestataire ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier et notamment d'un état récapitulatif élaboré, à la demande de la direction de l'IEP de Lille, par MmeC..., que, sur douze actions de formations organisées par l'intéressée durant l'année 2011-2012, sept, c'est-à-dire un peu plus de la moitié, ont été annulées, en raison, pour la plupart, d'un nombre d'inscriptions insuffisant, tandis que d'autres n'ont accueilli qu'un nombre très faible de stagiaires ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette situation, qui a pour origine des insuffisances dans le recensement des besoins en formation et dans l'élaboration de l'objectif et du contenu des formations, résulte d'un manque d'investissement de Mme C...dans ce qui constituait son domaine de compétence essentiel, l'intéressée ne contestant d'ailleurs pas n'avoir conduit aucune enquête auprès des publics visés par les actions de formation, n'avoir jamais fourni à la direction de l'établissement des éléments de visibilité concernant le fonctionnement, le positionnement par rapport aux concurrents, ainsi que les perspectives d'évolution de son service et n'avoir pas même rendu compte des difficultés rencontrées ; qu'il ressort, au demeurant, des pièces du dossier que Mme C...n'a fait état d'aucun frais de déplacement au titre de cette année ; que, dans ces conditions, si de nombreux stagiaires et enseignants ont témoigné de la particulière implication de Mme C...dans le suivi quotidien des formations auxquelles ils ont participé, cet investissement dans des tâches contingentes, réalisé au détriment des missions d'évaluation des besoins et de conception des actions de formation qui incombaient en premier lieu à l'intéressée, n'est pas de nature à lui permettre de contester utilement l'appréciation à laquelle s'est livré le directeur de l'IEP sur sa manière de servir avant de prendre la décision en litige ; que, de même, dès lors que cette appréciation a, selon les termes mêmes de cette décision, exclusivement été portée au titre de l'année 2011-2012, au cours de laquelle l'objectif visant à mettre en place un éventail d'actions de formation continue innovantes et attractives n'a pu être atteint par Mme C..., celle-ci ne peut utilement se prévaloir des évaluations favorables dont elle a bénéficié au titre des deux années précédentes, alors au demeurant que la première concerne l'exercice de fonctions distinctes et que la seconde a été établie à une date à laquelle la direction de l'IEP a pu se montrer moins exigeante alors que Mme C...prenait son poste ; que, dans ces conditions, pour estimer que Mme C...avait, durant l'année universitaire 2011-2012, fait preuve d'insuffisance professionnelle et pour décider de la licencier pour ce motif, eu égard notamment à l'incidence de cette situation, qui a été de nature à porter atteinte à l'image et à la réputation de l'établissement auprès des partenaires extérieurs, le directeur de l'IEP de Lille n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme, sur le fondement des mêmes dispositions, à la charge de Mme C...au titre des frais exposés par l'IEP de Lille et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'IEP de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à l'Institut d'études politiques (IEP) de Lille.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01246
Date de la décision : 06/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Gauthé
Avocat(s) : CORNU - LOMBARD - SORY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-06;15da01246 ?
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