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04/07/2017 | FRANCE | N°16DA00622

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 04 juillet 2017, 16DA00622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ainsi que des contributions sociales correspondantes.

Par un jugement n° 1303957,1303958 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Lille a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 29 mars 2016 et le 11 avril 2016, le m

inistre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ainsi que des contributions sociales correspondantes.

Par un jugement n° 1303957,1303958 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Lille a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 29 mars 2016 et le 11 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille du 25 février 2016 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme C...les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 en conséquence du rehaussement de leur base imposable à la suite de la remise en cause des ventes de lots de l'immeuble dit du Centre des affaires de l'Union à Roubaix.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant M. et MmeC....

1. Considérant que la SA Delezenne, qui exerce une activité de marchand de biens, et dont le dirigeant et associé unique est M.C..., a, par des actes des 7 mai, 5 juin et 20 juillet 2007, vendu à plusieurs sociétés civiles immobilières (SCI), dont M. et Mme C...sont associés en leur nom propre ou pour le compte de leurs enfants mineurs, des lots de l'immeuble dit Centre d'affaires de l'Union situé à Roubaix ; que la SA Delezenne a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007 ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, l'administration fiscale a procédé à un rehaussement du bénéfice imposable de la société à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2007 au motif notamment que la SA Delezenne avait commis un acte anormal de gestion lors de la vente des lots aux SCI dont M. et Mme C...sont les associés ; que l'administration fiscale a estimé que cet acte anormal de gestion constituait une libéralité consentie à M. et Mme C...et a, en conséquence, regardé ces sommes comme des revenus distribués imposables entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions de l'article 111 du code général des impôts ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contribution sociale, en droits et pénalités, à laquelle M. et Mme C...ont été assujettis au titre de l'année 2007 en tant seulement qu'il porte sur les rehaussements relatifs à la remise en cause des ventes de lots de l'immeuble dit du Centre des affaires de l'Union à Roubaix ;

2. Considérant qu'en vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code ; qu'aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c. Les rémunérations et avantages occultes " ;

3. Considérant qu'en cas de vente par une société à un prix que les parties ont délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration fiscale lorsqu'elle établit l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant de recevoir une libéralité du fait des conditions de cession ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a considéré qu'à l'occasion de la vente des lots de l'immeuble du Centre d'affaires de l'Union aux différentes SCI dont M. et Mme C...sont les associés, la SA Delezenne n'a pas pris en compte dans le prix de cession, d'une part, les frais qu'elle avait préalablement engagés pour la commercialisation des immeubles et la rédaction des baux et, d'autre part, la valeur des baux ainsi apportés aux SCI acquéreuses ; que cette sous-estimation du prix de cession a été regardée comme une libéralité représentant un avantage occulte au profit de M. et Mme C...;

5. Considérant qu'il est constant qu'à la date de cession des lots de l'immeuble du Centre d'affaires de l'Union par la SA Delezenne aux différentes SCI dont M. et Mme C...sont associés, ces lots étaient chacun grevés d'un bail commercial conclu quelques mois auparavant avec différentes sociétés ; que pour établir que le prix de cession de ces lots a été minoré, l'administration fiscale a relevé que les actes notariés de cession mentionnent que les biens vendus sont libres de toute occupation ainsi que le déclare le vendeur et que la SA Delezenne les a donc cédés sans tenir compte de leur situation locative, renonçant ainsi à percevoir lors de ces cessions la valeur de ces baux et les frais exposés préalablement pour leur conclusion ; que l'administration fiscale a également recherché les taux de marge pratiqués par rapport au prix de revient sur les lots vendus aux SCI dont M. et Mme C...sont les associés et les a comparés au taux de marge pratiqué sur un lot vendu à une entreprise tierce ; qu'ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration fiscale n'avait procédé à aucune appréciation du prix global de cession, ni par comparaison, ni selon aucune autre méthode ; qu'en outre, c'est à tort que les premiers juges ont reproché à l'administration fiscale d'avoir comparé le comportement de la SA Delezenne lors de la vente des lots en litige à l'activité d'une agence immobilière pour établir l'existence d'un avantage consenti aux acquéreurs, alors que l'administration fiscale avait seulement eu recours à cette comparaison non pour établir l'existence d'un tel avantage dans son principe, mais pour établir le montant de cet avantage ;

6. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que la vente de chacun des lots a été réalisée à des prix de cession supérieurs aux prix de revient tels qu'ils figurent dans l'état des encours de la société au 30 septembre 2007 et à des prix de cession dont l'administration ne conteste pas qu'ils n'étaient pas inférieurs aux prix du marché comme le soutiennent M. et Mme C... ; que ces derniers font d'ailleurs valoir que les prix de vente de chacun des lots ont été déterminés à partir de leur prix de revient auquel a été appliqué un taux de marge ; que si l'administration fiscale soutient que les marges ainsi réalisées sur chacune de ces ventes sont relativement modestes, comprises entre 2,17 % et 14,24 %, et bien inférieures à celle réalisée sur un lot vendu à une entreprise tierce sans relation d'intérêt avec la SA Delezenne qui s'élève à 76 %, il résulte également de l'instruction que les lots vendus aux SCI dont M. et Mme C... sont les associés portaient sur des locaux à usage d'entrepôts alors que le lot vendu à l'entreprise tierce portait sur des locaux à usage de bureaux ; qu'ainsi, eu égard à la nature différente des locaux vendus, et en l'absence de termes de comparaison sur les marges réalisées par la SA Delezenne sur la vente d'autres lots à usage d'entrepôts à des entreprises tierces, il n'est pas établi que les cessions des lots aux SCI dont M. et Mme C...sont les associés auraient été consenties avec des taux de marge inférieurs à ceux pratiqués pour les autres clients de la SA Delezenne sur des biens de même nature ; qu'ainsi, alors que les lots en litige ont été vendus à des prix qui ne sont pas inférieurs au prix du marché, qu'ils ont été cédés après application au prix de revient d'un taux de marge dont il n'est pas établi qu'il serait inférieur à celui pratiqué lors de la cession à une entreprise tierce sans lien d'intérêt avec la SA Delezenne, l'administration fiscale n'établit pas que le prix de cession des lots en litige ait été minoré et qu'un avantage a été ainsi consenti aux acquéreurs ; qu'en tout état de cause, et à supposer même que l'existence d'un avantage soit établi, cet avantage d'un montant de 199 110 euros, qui ne représente que 5 % environ du prix de cession de l'ensemble des lots de l'immeuble du Centre d'affaires de l'Union ne peut être qualifié d'avantage significatif par rapport à la valeur vénale du bien ; qu'en outre, cet avantage était justifié par la nécessité pour la SA Delezenne, qui avait des difficultés de trésorerie, de céder rapidement les lots en litige afin de pouvoir honorer les échéances des prêts qu'elle avait souscrits pour réaliser l'opération de réhabilitation de l'immeuble ; qu'il ressort en effet des échanges de courriers entre la SA Delezenne et l'établissement bancaire prêteur que, face aux difficultés de trésorerie qu'elle rencontrait liées au retard dans la commercialisation des lots, la SA Delezenne a tenté en vain d'obtenir la mise en place d'une ligne de crédit de trésorerie et devait ainsi céder rapidement les lots alors que les associés de l'entreprise avaient déjà consenti d'importants apports en compte courant ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme C...ont été assujettis au titre de l'année 2007 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics, à M. et Mme C...et à la SA Delezenne.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

2

N°16DA00622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00622
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Revenus à la disposition.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : CABINET ERIC GARDIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-04;16da00622 ?
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