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04/07/2017 | FRANCE | N°15DA01942

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2017, 15DA01942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis suite à son incarcération en métropole alors que sa famille résidait à la Réunion.

Par un jugement n° 1303022 du 25 août 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 décembre 2015, le 15 mai 2017 et le 15 juin 2017, M. D..., représen

té par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis suite à son incarcération en métropole alors que sa famille résidait à la Réunion.

Par un jugement n° 1303022 du 25 août 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 décembre 2015, le 15 mai 2017 et le 15 juin 2017, M. D..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 août 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 100 000 euros en indemnisation du préjudice subi suite à son incarcération dans un établissement pénitentiaire ne permettant pas le maintien effectif de ses liens familiaux, sa réinsertion, et le respect de la dignité humaine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que M. D...a, le 16 octobre 1970, été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d'assises de la Réunion pour le meurtre de son frère ; qu'il a été incarcéré en métropole puis a bénéficié d'une libération conditionnelle en 1985 ; qu'il a été de nouveau condamné le 3 juillet 1988 à 10 ans de réclusion criminelle par la même cour d'assises et a été incarcéré en métropole ; qu'il a présenté, entre 2003 et 2013, plusieurs demandes de transfert de la prison métropolitaine dans laquelle il était incarcéré vers un établissement pénitentiaire de la Réunion, département dont il est originaire et où réside sa famille ; que le garde des Sceaux, ministre de la justice n'a fait droit à sa demande que le 11 octobre 2013 ; qu'il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis suite à son incarcération prolongée en métropole ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;

3. Considérant que, si M. D...soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas comporter, en méconnaissance des dispositions précitées, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur de l'affaire et du greffier d'audience, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement, jointe au dossier de première instance transmis à la cour, que ce moyen manque en fait ; que la circonstance que l'expédition notifiée au requérant ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé des conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) " ;

5. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parties, contrairement à ce que soutient le requérant, ont été mises en mesure de savoir, par l'intermédiaire du système informatique de suivi de l'instruction que le rapporteur public conclurait " au rejet au fond " de la requête introduite par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen ; qu'eu égard aux caractéristiques du litige, cette mention indiquait de manière suffisamment précise le sens de la solution que le rapporteur public envisageait de proposer à la formation de jugement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

7. Considérant que le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient " dénaturé les faits " relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité ; que, par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Rouen est entaché d'irrégularité ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

9. Considérant que M. D...soutient que le refus répété du garde des Sceaux, ministre de la justice de procéder à son transfert vers un centre pénitentiaire réunionnais et son incarcération durant vingt-cinq ans ont porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ont entravé sa réinsertion sociale, et que les conditions d'incarcération ainsi décrites constituent un traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant que, l'objectif de réinsertion sociale ne constitue pas l'un des droits et libertés fondamentaux des détenus ; qu'en outre, d'une part il résulte de l'instruction que M. D... ne s'est pas investi dans son projet de réinsertion, et d'autre part, il n'est pas établi que son incarcération en métropole était incompatible avec la préparation d'un projet de réinsertion sociale, compte tenu de la longueur de la peine à laquelle il a été condamné ; qu'il ressort également des pièces du dossier que M. D...reçoit des visites régulières d'un ami malgré son incarcération en métropole ; que s'il produit des attestations indiquant que certains membres de sa famille seraient susceptibles de lui rendre visite s'il était incarcéré à..., il n'établit pas avoir conservé un contact régulier avec eux alors que durant son incarcération sur le territoire métropolitain, il pouvait conserver un contact épistolaire ou téléphonique avec sa famille ou ses amis ; qu'il n'établit, par suite, pas avoir été empêché de conserver des liens familiaux ou amicaux ; que, dans ces conditions, les refus successifs du garde des Sceaux, ministre de la justice, de procéder à son transfert vers un centre pénitentiaire réunionnais n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ni entravé sa réinsertion sociale ; que, compte tenu de ces circonstances, ses conditions d'incarcération n'ont pas constitué un traitement inhumain et dégradant, en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, ses conditions d'incarcération et les refus répétés du garde des Sceaux, ministre de la justice de procéder à son transfert vers un établissement pénitentiaire réunionnais ne sont pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a également lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., au garde des Sceaux, ministre de la justice et à Me B...A.la Réunion

4

N°15DA01942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01942
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-04;15da01942 ?
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