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29/06/2017 | FRANCE | N°16DA01193

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 29 juin 2017, 16DA01193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 744 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2014, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 7 juin 2013 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1404564 du 31 mai 2016, le tribunal administratif d'

Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 744 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2014, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 7 juin 2013 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1404564 du 31 mai 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2016, M. B...D..., représenté par Me C...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 744 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2014, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., ressortissant congolais né le 2 décembre 1969, entré en France le 24 juin 2006, a bénéficié en 2008 d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, régulièrement renouvelé jusqu'en 2013 ; que, le 7 janvier 2013, l'intéressé a demandé, d'une part, un cinquième renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-8 du même code ; que, par un arrêté du 7 juin 2013, le préfet de l'Oise a rejeté ses demandes et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, par un jugement du 1er octobre 2013 qui n'a pas été frappé d'appel, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté, pour une double erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a enjoint au préfet de l'Oise de réexaminer la situation de M. D... dans un délai d'un mois ; qu'après s'être présenté en préfecture le 8 janvier 2014 et avoir été invité à " apporter les justifications nécessaires au réexamen de sa demande de titre de séjour ", M. D...a obtenu une carte de résident valable jusqu'au 16 février 2024 ; que, dans la présente instance, il relève appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 18 744 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 7 juin 2013 du préfet de l'Oise mentionné ci-dessus ;

Sur la faute :

2. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, l'arrêté du préfet de l'Oise du 7 juin 2013 a été annulé pour excès de pouvoir par un jugement du tribunal administratif d'Amiens devenu définitif ; qu'une telle illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices directs et certains qu'elle a causés à M. D... ;

Sur le lien de causalité entre les préjudices et l'illégalité fautive :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur le 7 juin 2013 : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées (...) aux articles L. 313-11 (...) peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. (...). La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. / Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. / (...) " ;

4. Considérant que M. D...justifiait en juin 2013 d'une résidence ininterrompue en France supérieure à cinq ans, sous couvert de titres de séjour régulièrement délivrés sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 ; qu'il avait produit à l'appui de sa demande de carte de résident les derniers bulletins de salaire et le contrat à durée indéterminée à raison duquel il était employé depuis janvier 2011, justifiant ainsi de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins ; que l'intéressé avait également justifié disposer d'un logement stable pour lequel il acquittait régulièrement ses loyers ; qu'alors même qu'il n'était pas tenu de délivrer la carte de résident sollicitée, l'autorité préfectorale n'a fait état d'aucun élément qui aurait pu justifier un refus de délivrance dès juin 2013 ; qu'à l'occasion du réexamen de la demande du requérant sur injonction du tribunal, le préfet a d'ailleurs accordé, dès le 17 février 2014, une carte de résident à M. D...après avoir pris en compte l'ancienneté de sa présence en France, son caractère régulier, l'existence de moyens d'existence et d'un logement personnel ; qu'il est constant que ces conditions étaient déjà réunies le 7 juin 2013, date à laquelle M. D...disposait en outre d'un contrat à durée indéterminée ; que la circonstance que l'intéressé ne pouvait prétendre à cette même date au renouvellement de son titre de séjour " étranger malade " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était sans incidence sur son droit au séjour au regard de l'article L. 314-8 du même code ; qu'une telle carte de résident, également sollicitée, lui aurait permis d'exercer une activité salariée et de poursuivre son activité dans le cadre de son contrat de travail ;

5. Considérant, en second lieu, que M. D... a été embauché, à compter du 10 janvier 2011, par la société Château de Montvillargenne, pour exercer les fonctions d'employé polyvalent et bénéficiait d'un emploi à temps plein en vertu d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il ressort des termes mêmes de la lettre prononçant son licenciement dès le 28 juin 2013 que l'unique motif de cette rupture de la relation de travail tenait dans le refus de renouvellement d'un titre de séjour qui lui ouvrait droit jusque-là à l'exercice d'une activité salariée, par l'arrêté préfectoral du 7 juin 2013 ;

6. Considérant que M. D...sollicite l'indemnisation des pertes de salaires résultant de son licenciement ainsi que de troubles dans les conditions d'existence et d'un préjudice moral pour la période comprise entre la date du refus illégal et celle de la délivrance de sa carte de résident ; que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 5, de tels préjudices présentent un lien de causalité suffisamment direct et certain avec la faute qui a été commise ;

Sur la réparation :

En ce qui concerne les pertes de revenus :

7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le contrat de M. D...n'aurait pu se poursuivre jusqu'à la date à laquelle une carte de résident lui a été délivrée, le 15 février 2014 ; que, dès lors, l'intéressé est fondé à demander l'indemnisation de l'intégralité du préjudice ayant résulté pour lui de la perte de ses revenus entre la date de son licenciement, le 28 juin 2013, et la date de délivrance de sa carte de résident, à partir de laquelle il a pu à nouveau travailler ; que compte tenu de la rémunération nette moyenne résultant des bulletins de salaires produits, déduction faite des heures supplémentaires, il sera fait une juste appréciation de son préjudice résultant de la perte de ses salaires au cours de cette période en lui allouant une somme globale de 9 000 euros ;

En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période d'indemnisation, M. D...a dû faire face à des difficultés matérielles et morales liées au non-renouvellement de son titre de séjour ; qu'il soutient par ailleurs, sans être contredit, n'avoir toujours pas retrouvé d'emploi en contrat à durée indéterminée ; qu'en revanche, sa vie privée et familiale a pu se poursuivre en France ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de l'intéressé en lui allouant à ce titre une somme globale de 1 000 euros ;

9. Considérant que M. D...a droit aux intérêts au taux légal sur le montant global de sa réparation, soit 10 000 euros, à compter du 7 juillet 2014, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation par le préfet de l'Oise ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au profit de M. D..., une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. D... une somme de 10 000 euros, assortie des intérêts à compter du 7 juillet 2014.

Article 2 : Le jugement attaqué du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Oise.

N°16DA01193 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01193
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : MEUROU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-29;16da01193 ?
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