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22/06/2017 | FRANCE | N°16DA00503

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 22 juin 2017, 16DA00503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Anaphore a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 754 400 euros en indemnisation du préjudice subi résultant de la divulgation, par le département, des caractéristiques du logiciel dont elle est propriétaire ;

Par un jugement n° 1404277 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2016, et un mémoire co

mplémentaire enregistré le 14 novembre 2016, la société Anaphore, représentée par Me F...E..., de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Anaphore a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 754 400 euros en indemnisation du préjudice subi résultant de la divulgation, par le département, des caractéristiques du logiciel dont elle est propriétaire ;

Par un jugement n° 1404277 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 14 novembre 2016, la société Anaphore, représentée par Me F...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 9 février 2016 ;

2°) de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 754 400 euros à titre de dommage et intérêts ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Eure la somme de 20 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Berne du 9 septembre 1886 ;

- le traité de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle du 20 décembre 1996 ;

- le règlement de l'union européenne 330/2010 du 21 avril 2010 ;

- le code de la propriété intellectuelle ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...D..., substituant Me F...E...représentant la société Anaphore, et de Me C...B..., représentant le département de l'Eure.

1. Considérant que la société Anaphore est propriétaire du logiciel d'archivage dénommé Arkhéïa dont une licence d'utilisation a été accordée au département de l'Eure à compter de 1997, en vertu d'un contrat reconduit annuellement ; que le département de l'Eure a publié, en juillet 2013, un appel d'offres ayant pour objet l'acquisition d'une solution de gestion matérielle et intellectuelle de documents aux archives départementales ; que la société Anaphore, estimant que les informations contenues dans cet appel à la concurrence dévoilaient les caractéristiques de son logiciel et rendaient accessibles à ses concurrents son savoir-faire, a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 754 400 euros en indemnisation du préjudice qu'elle soutient avoir subi ; qu'elle relève appel du jugement du 9 février 1996 par lequel le tribunal a rejeté sa demande en estimant la juridiction administrative incompétence pour connaître de ce litige ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : " L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. / Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 112-2 du même code : " Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code : /(...)/ 13° Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 331-1 du même code : " Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire.(...) " ; que ces textes sont regroupés au sein de la première partie du code de la propriété intellectuelle intitulée " la propriété littéraire et artistique " ;

3. Considérant en premier lieu qu'il résulte de ces dispositions et de l'intitulé des parties, titres et chapitres sous lesquels elle sont ordonnées, que les logiciels informatiques, contrairement à ce que soutient la requérante, ressortissent des oeuvres de l'esprit, littéraires et artistiques, et entrent dans le champ d'application de l'article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle précité ; qu'eu demeurant, l'article 4 du traité de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle, du 20 décembre 1996, ratifié par la Francele 14 décembre 2009 prévoit que les programmes d'ordinateur sont protégés en tant qu'oeuvres littéraires au sens de l'article 2 de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, adoptée le 9 septembre 1886, et ratifiée par la France le 5 septembre 1887 ;

4. Considérant en deuxième lieu, que le processus de récolement des données archivées à traiter, leur structuration par le logiciel Arkhéïa, et le mode de saisies-restitution des données, tous éléments spécifiques au logiciel en cause, constituent la réponse proposée par la société Anaphore aux besoins du services des archives du département de l'Eure ; qu'à supposer même que l'efficacité du logiciel créé par la société requérante découle notamment de la qualité de ces éléments, de son architecture spécifique, et que ce programme informatique constitue une création originale, il ne résulte pas de l'instruction que les solutions techniques retenues par la société Anaphore lors de la création du logiciel en litige permettent d'identifier au-delà de la simple réponse aux besoins du département, l'existence de pratiques non brevetées tenues secrètes, propres au créateur de ce logiciel et résultant de son expérience, qui seraient, en tout état de cause, la preuve de la mise en oeuvre d'un savoir-faire spécifique au sens de l'accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ou du règlement de l'union européenne 330/2010 du 21 avril 2010, invoqué par la société Anaphore et qui échapperait au champ d'application du code de la propriété intellectuelle ;

5. Considérant en troisième lieu, que si la société Anaphore se prévaut de la méconnaissance par le département de l'article 80 III du code des marchés publics, qui interdit au pouvoir adjudicateur de divulguer les secrets industriels et commerciaux, la faute qu'elle invoque, dont il résulte de ce qui précède qu'elle ne peut être assimilée à la divulgation d'un savoir faire, se rattache au droit qu'elle détient en sa qualité d'auteur du logiciel en cause et non aux dispositions du code des marchés publics ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5, qu'en application de l'article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de ce litige.

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Anaphore n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de l'Eure, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Anaphore demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Anaphore une somme de 1 500 euros à verser au département de l'Eure sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Anaphore est rejetée.

Article 2 : La société Anaphore versera la somme de 1 500 euros au département de l'Eure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Anaphore et au département de l'Eure.

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N°16DA00503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00503
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-01-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par des textes spéciaux. Attributions légales de compétence au profit des juridictions judiciaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : FARGEPALLET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-22;16da00503 ?
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