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08/06/2017 | FRANCE | N°15DA01985

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 08 juin 2017, 15DA01985


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...D...née C...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 février 2015 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Lecallier Leriche de Caudebec-lès-Elbeuf (Seine-Maritime) a prononcé sa révocation, d'autre part, de faire injonction, à titre principal, à cet établissement de la réintégrer dans ses fonctions à compter du 16 mars 2015, à titre subsidiaire, de substituer à

cette mesure de révocation une sanction mieux proportionnée aux faits reprochés et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...D...née C...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 février 2015 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Lecallier Leriche de Caudebec-lès-Elbeuf (Seine-Maritime) a prononcé sa révocation, d'autre part, de faire injonction, à titre principal, à cet établissement de la réintégrer dans ses fonctions à compter du 16 mars 2015, à titre subsidiaire, de substituer à cette mesure de révocation une sanction mieux proportionnée aux faits reprochés et d'assortir celle-ci du sursis.

Par un jugement no 1500993 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 décembre 2015 et le 22 août 2016, MmeD..., représentée par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 octobre 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 février 2015 du directeur de l'EHPAD Lecallier Leriche ;

3°) de faire injonction, à titre principal, à cet établissement de la réintégrer dans ses fonctions à compter du 16 mars 2015 et de procéder à une reconstitution de sa carrière, à titre subsidiaire, de substituer à la mesure de révocation en litige une sanction mieux proportionnée aux faits reprochés et d'assortir celle-ci du sursis ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'EHPAD Lecallier Leriche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les motifs de la décision contestée n'exposant pas avec une précision suffisante les circonstances de fait ayant conduit au prononcé de la sanction en litige, cette décision ne pourra qu'être annulée pour insuffisance de motivation ;

- cette décision n'a pu valablement se fonder sur un fait intervenu après la séance du conseil de discipline et qui n'a pu, dès lors, être débattu devant le conseil ;

- si elle a pu consulter son dossier individuel avant la séance du conseil de discipline, elle n'a pu toutefois, en raison de l'imprécision ou de mentions erronées affectant plusieurs des pièces de ce dossier afférentes aux faits qui lui sont imputés, exercer effectivement son droit à préparer sa défense ;

- la réalité des faits qui lui sont imputés n'est pas établie ;

- compte tenu du caractère isolé de ces faits et eu égard à sa manière de servir et à sa situation personnelle, la sanction de révocation est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2016, l'EHPAD Lecallier Leriche, représenté par Me E...F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige, qui comporte une présentation suffisamment précise des faits en cause, est suffisamment motivée ;

- la plainte pénale déposée, à raison des mêmes faits, à l'encontre de Mme D...le jour même de la réunion du conseil de discipline ne constituait pas un fait nouveau devant être débattu devant ce conseil ;

- MmeD..., qui a été mise à même de consulter en temps utile son dossier individuel et a pu être assistée par son avocat au cours de la séance du conseil de discipline, a pu exercer son droit à présenter sa défense ;

- le réalité des faits reprochés à Mme D...est suffisamment établie ;

- en tenant compte de la situation tant professionnelle que personnelle de l'intéressée, la sanction de révocation, qui a été unanimement retenue par le conseil de discipline, n'est pas disproportionnée à la particulière gravité de ces faits, qui ne peuvent au demeurant être regardés comme isolés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 ;

- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me B...A..., représentant MmeD....

1. Considérant que Mme D...née C...a été recrutée en tant qu'aide soignante par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Lecallier Leriche, qui a son siège à Caudebec-lès-Elbeuf (Seine-Maritime) ; qu'à la suite d'un signalement adressé à son supérieur hiérarchique, le 21 novembre 2014, par une infirmière de faits qui ont été regardés comme constituant des actes de maltraitance envers une résidente, MmeD..., après avoir été entendue par ses supérieurs hiérarchiques le 26 novembre 2014, a fait l'objet d'une procédure disciplinaire ; que, suivant l'avis émis à l'unanimité, le 23 décembre 2014, par le conseil de discipline, le directeur de l'EHPAD Lecallier Leriche a, par une décision du 27 février 2015, infligé à Mme D...la sanction de révocation ; que l'intéressée relève appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette décision, et à ce qu'il soit enjoint au directeur de l'EHPAD Lecallier Leriche, à titre principal, de la réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière, à titre subsidiaire, de prendre une sanction plus clémente et assortie du sursis ;

2. Considérant qu'il est constant que Mme D...a été mise à même de consulter son dossier individuel et qu'ayant eu effectivement accès à ce dossier le 27 novembre 2014, soit en temps utile avant la séance du 23 décembre 2014 du conseil de discipline, elle a été assistée, au cours de celle-ci, par un avocat ; que, dans ces conditions, la circonstance que le rapport de présentation rédigé par l'EHPAD Lecallier Leriche à l'attention des membres du conseil de discipline comporterait des mentions erronées, selon lesquelles les faits en cause se seraient déroulés le 21 novembre 2014 et Mme D...aurait reconnu ceux-ci et souhaité démissionner, n'est pas de nature à établir que Mme D... n'aurait pas été en mesure d'exercer son droit à préparer sa défense ; qu'il en est de même de la circonstance que le dossier individuel de l'intéressée ne comportait qu'une copie du signalement émis par l'infirmière, expurgée des mentions de l'adresse électronique de cette dernière et de celle du destinataire du message ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur : " ... doivent être motivées les décisions qui : (...) infligent une sanction " et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction l'obligation de préciser elle-même dans sa décision les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de la personne intéressée, de sorte que cette dernière puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée connaître les motifs de la sanction qui la frappe ;

4. Considérant qu'il ressort des motifs de la décision contestée en l'espèce que ceux-ci mentionnent, sous le visa des dispositions applicables et de l'avis unanime du conseil de discipline, qu'une infirmière de l'établissement a signalé à sa hiérarchie, le 21 novembre 2014, avoir été témoin de faits, qui ont été commis par Mme D...le 18 novembre 2014, en effectuant des actes de soin sur une résidente ; que l'infirmière a décrit le comportement alors adopté par Mme D..., en indiquant que celle-ci avait volontairement accompli sur la personne en cause des gestes douloureux, sans tenir compte des cris de celle-ci, en représailles aux propos que la patiente avait pu tenir à son égard ; que ces motifs ajoutent que les brimades et mauvais traitements sont des faits d'une particulière gravité, notamment lorsqu'ils sont commis sur des personnes vulnérables, qu'ils sont incompatibles avec les fonctions de Mme D... et de nature à nuire gravement au bon fonctionnement du service public, et que la sanction de révocation proposée par le conseil de discipline est proportionnée à cette gravité ; qu'ainsi rédigés ces motifs comportent une description suffisamment précise des faits en cause et permettent à l'intéressée de connaître leur nature et de les contester utilement ; qu'il suit de là que la décision en litige est suffisamment motivée, tant en fait qu'en droit ;

5. Considérant que, si la décision en litige fait mention de ce qu'une plainte pénale a été déposée le 23 décembre 2014, soit le jour même de la réunion du conseil de discipline, à l'encontre de Mme D...par la tutrice de la victime, cette circonstance, relevée à titre surabondant pour conforter l'appréciation portée sur la sincérité du témoignage de l'infirmière ayant signalé les faits en cause, ne fonde aucunement la sanction contestée et ne peut être regardée comme constituant un fait nouveau par rapport à ceux discutés au cours de la séance du conseil de discipline ; qu'en tout état de cause, il ne ressort des pièces du dossier ni que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire aurait pris une décision différente en faisant abstraction de cette circonstance, ni que cette dernière aurait constitué un élément prépondérant dans l'appréciation des faits de l'espèce à laquelle cette autorité s'est livrée ;

6. Considérant qu'il ressort des termes, suffisamment précis et circonstanciés, du signalement adressé à sa hiérarchie le 21 novembre 2014 par l'infirmière qui a été témoin des faits reprochés à l'appelante, qu'alors qu'elle effectuait un acte de soin impliquant le changement d'un pansement qu'une résidente portait au niveau du bas du dos, à une date qu'une enquête interne a permis de fixer au 18 novembre 2014, Mme D...a volontairement accompli sur cette personne des gestes douloureux, sans tenir compte des cris de celle-ci et en faisant clairement comprendre à l'infirmière que ces agissements constituaient des représailles aux propos que la patiente, souffrant d'hallucinations, avait pu tenir à son égard auprès de collègues ; que, si Mme D...met en cause la sincérité de ce témoignage, en faisant état de ce qu'il émane d'une infirmière débutante avec laquelle elle avait eu une altercation, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le différend invoqué avait pour origine non une remarque de routine proférée le jour même des faits en cause par MmeD..., fût-ce de façon peu amène, mais précisément les faits reprochés à cette dernière, qui, entrant en contradiction avec les principes qui lui avaient été enseignés, ont choqué cette infirmière débutante ; que, d'autre part, compte tenu de ce que ces deux professionnels travaillaient pour la première fois ensemble, ce témoignage, dont les termes révèlent que son auteur ne l'a adressé à sa hiérarchie qu'après mûre réflexion et qui porte sur des faits susceptibles d'impliquer des conséquences disciplinaires particulièrement graves pour MmeD..., ne peut être raisonnablement regardé comme ayant été dicté par des velléités de vengeance ; qu'ainsi et alors même que le signalement de l'infirmière ne comporte pas d'indication précise sur la date à laquelle ces faits ont été commis et que l'EHPAD Lecallier Leriche a mentionné, à la suite d'erreurs purement matérielles, la date du 21 novembre 2014 sur le rapport de présentation au conseil de discipline et sur une correspondance adressée au conseil de MmeD..., la matérialité des faits reprochés à cette dernière doit être regardée comme établie ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / Quatrième groupe : / (...) la révocation. / (...) " ;

8. Considérant que les agissements décrits au point 6, qui ont été de nature à porter atteinte à l'intégrité physique et psychique d'une personne âgée vulnérable accueillie dans l'établissement et qui sont incompatibles avec l'exercice des fonctions d'aide soignant, revêtent une particulière gravité ; qu'en tenant compte tant de cet élément que de la situation personnelle et de l'ancienneté d'une trentaine d'années dont peut se prévaloir MmeD..., qui, sans avoir fait l'objet de précédentes sanctions disciplinaires, s'était déjà fait défavorablement remarquer de sa hiérarchie, malgré les formations qui lui ont été dispensées, pour avoir pris des initiatives inappropriées susceptibles de mettre en danger des résidents et pour avoir adopté, outre un langage inapproprié à son milieu professionnel, des comportements empreints d'une certaine rudesse à l'égard de ces derniers, la sanction de révocation, que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire a choisi d'infliger à MmeD..., n'est, alors même que l'enquête pénale a été classée sans suite, pas disproportionnée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction que Mme D...présente doivent être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'EHPAD Lecallier Leriche, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, en application des mêmes dispositions, une somme à la charge de Mme D...au titre des frais exposés par l'EHPAD Lecallier Leriche et non-compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'EHPAD Lecallier Leriche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...D...et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Lecallier Leriche.

Copie en sera adressée, pour information, à la directrice générale de l'agence régionale de santé de Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Etienne Quencez, président de la cour,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 juin 2017.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de la cour,

Signé : E. QUENCEZLe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA01985

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01985
Date de la décision : 08/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales - Dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (loi du 9 janvier 1986).

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : VD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-08;15da01985 ?
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