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24/05/2017 | FRANCE | N°16DA01998

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 24 mai 2017, 16DA01998


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, le plaçant en rétention administrative et fixant le pays de destination de l'éloignement.

Par un jugement n° 1503398 du 30 août 2016 le tribunal administratif de Rouen, après avoir annulé la décision fixant le pays de destination, en tant qu'elle n'exclut pas l'Irak, et la décision de

placement en rétention, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, le plaçant en rétention administrative et fixant le pays de destination de l'éloignement.

Par un jugement n° 1503398 du 30 août 2016 le tribunal administratif de Rouen, après avoir annulé la décision fixant le pays de destination, en tant qu'elle n'exclut pas l'Irak, et la décision de placement en rétention, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2016, M.B..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 août 2016 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder à un nouvel examen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, MeD..., la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation, dès lors que sa motivation est stéréotypée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à son édiction ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 4 du protocole n°4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il a fait l'objet d'une expulsion collective et que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;

- elle est entachée d'un détournement de procédure ;

- elle méconnaît l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir en ce qu'elle a seulement été édictée comme support de la décision le plaçant en rétention administrative ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2017, la préfète du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant irakien né en 1995, a été interpellé à Calais le

23 octobre 2015, par les services de la police de l'air et des frontières dans le cadre d'un contrôle d'identité ; que, par arrêté du 24 octobre 2015, le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a ordonné son placement en rétention administrative ; que M. B...relève appel du jugement du 30 août 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai :

2. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent, fait notamment état de la nationalité irakienne de M.B..., précise qu'il ne dispose pas de documents transfrontaliers en cours de validité et qu'il n'établit pas être exposé personnellement et directement à des peines et traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, cette décision, dont la motivation n'est pas stéréotypée et qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettent à M. B...de les discuter et au juge de les contrôler ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;

3. Considérant qu'il ressort des motifs mêmes de la décision en litige et des pièces du dossier que la préfète a effectivement procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation personnelle et administrative de M. B...; que, dès lors, la décision en litige l'obligeant à quitter le territoire français, a été prise après examen particulier et sérieux de sa situation et se fonde sur des circonstances de fait propres à cette situation ;

4. Considérant que M. B...invoque le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ; que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal des déclarations de M.B..., que celui ci a été invité, au cours de son audition par un officier de police, le 23 octobre 2015, à faire valoir ses observations au sujet de la mesure d'éloignement que le préfet envisageait de prendre à son encontre ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que son droit d'être entendu préalablement au prononcé de l'obligation de quitter le territoire français attaquée manque en fait et doit donc être écarté ;

6. Considérant que l'article 4 du protocole n°4 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prohibent les expulsions collectives d'étrangers ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que comme il a été dit précédemment au point 3, la décision obligeant M. B...à quitter le territoire français a été prise après examen particulier de sa situation personnelle et administrative et se fonde sur des circonstances de fait propres à cette situation ; que cette décision n'a pas de caractère collectif ; que, dès lors, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'interdiction d'expulsion collective d'étrangers, et de la circonstance que d'autres mesures d'éloignement auraient été prononcées le même jour, à l'encontre d'étrangers de même nationalité ; que, par suite, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 4 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'aux termes du 1°) du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ; que M. B...est entré irrégulièrement sur le territoire français et, avant d'être interpelle le 23 octobre 2015, n'a pas formulé de demande de titre de séjour ; que, dès lors, et en dépit de la circonstance que l'administration n'aurait pas accompli de diligences en vue de son éloignement effectif, le préfet pouvait légalement et sans entacher sa décision d'un détournement de procédure obliger M. B...à quitter le territoire français ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales / (...) / f. s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours " ;

10. Considérant que la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. B...est légalement justifiée par son entrée et sa présence irrégulière sur le territoire français ; que la circonstance que d'autres étrangers aient été interpellés et se soient vu assigner dans des conditions analogues l'obligation de quitter le territoire français ne saurait suffire à établir que l'autorité préfectorale n'aurait pas, en édictant cette obligation à l'encontre de M.B..., poursuivi les objectifs en vue desquels lui ont été conférés les pouvoirs afférents à la police spéciale des étrangers, et qu'elle aurait seulement entendu permettre l'éloignement de l'intéressé de la "Jungle" de Calais ou sa rétention administrative ; que par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté ; qu'il ne peut en outre utilement se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la mesure d'éloignement ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la préfète du Pas-de-Calais portant obligation de quitter le territoire français ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Marie D....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 mai 2017.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : O. NIZET

Le président de chambre,

président-rapporteur,

Signé : P-L. ALBERTINI Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°16DA01998


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01998
Date de la décision : 24/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : CAMAIL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-05-24;16da01998 ?
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