Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par requêtes distinctes, Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, la décharge des cotisations supplémentaires de cotisations sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années et des pénalités correspondantes.
Par deux jugements n° 1302006 et n° 1302007 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements d'un montant de 261 euros et de 72 euros prononcés au titre de l'année 2009, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 16DA00229 le 2 février 2016 et un mémoire, enregistré le 5 mai 2017, MmeD..., représentée par Me F...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302007 du tribunal administratif de Rouen du 26 novembre 2015 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce que ses demandes relatives au quantum des sommes versées par M.A..., le père de ses enfants, à leur objet et leurs destinataires ont été rejetées de manière globale sans apprécier les éléments de preuve qu'elle a produits ;
- le montant total des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires au titre des années 2008 et 2009 ne représente pas le double du montant des revenus déclarés après neutralisation des virements de compte à compte annotés " C à C " par le service et les produits financiers de ces comptes ; par suite, l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;
- les sommes versées en 2008 et 2009 sur ses comptes bancaires par le père de ses enfants correspondent à des dons faits à ces derniers ; celui-ci lui a versé en 2008 plusieurs sommes pour un montant total de 71 000 euros et elle lui a reversé une somme totale de 15 000 euros ; le montant des virements de M. A...s'élève pour l'année 2009 à la somme globale de 66 000 euros et elle lui a reversé une somme totale de 15 000 euros ; la réalité de ces reversements est établie ;
- le solde de ces sommes créditées sur son compte bancaire par M. A...présente le caractère d'un don familial dont la preuve peut être apportée par tout moyen ; ces sommes ne peuvent ainsi être considérées comme des revenus imposables à son nom ;
- elle justifie de ce que les autres sommes qualifiées d'injustifiées correspondent à des cadeaux qui lui ont été faits et, par suite, ils ne peuvent être considérés comme des revenus d'origine indéterminée ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;
- elle demande, en ce qui concerne les charges afférentes à ses revenus fonciers, la prise en compte du montant de ses cotisations d'assurance de 1 182 euros au titre de l'année 2008 et de 1 812 euros au titre de l'année 2009.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme D...ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 16DA00230 le 2 février 2016 et un mémoire enregistré le 5 mai 2017, MmeD..., représentée par Me F...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302006 du tribunal administratif de Rouen du 26 novembre 2015 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de cotisations sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce que ses demandes relatives au quantum des sommes versées par M.A..., le père de ses enfants, à leur objet et leurs destinataires ont été rejetées de manière globale sans apprécier les éléments de preuve qu'elle a produits ;
- le montant total des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires au titre des années 2008 et 2009 ne représente pas le double du montant des revenus déclarés après neutralisation des virements de compte à compte annotés " C à C " par le service et les produits financiers de ces comptes ; par suite, l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;
- les sommes versées en 2008 et 2009 sur ses comptes bancaires par le père de ses enfants correspondent à des dons faits à ces derniers ; celui-ci lui a versé en 2008 plusieurs sommes pour un montant total de 71 000 euros et elle lui a reversé une somme totale de 15 000 euros ; le montant des virements de M. A...s'élève pour l'année 2009 à la somme globale de 66 000 euros et elle lui a reversé une somme totale de 15 000 euros ; la réalité de ces reversements est établie ;
- le solde de ces sommes créditées sur son compte bancaire par M. A...présente le caractère d'un don familial dont la preuve peut être apportée par tout moyen ; ces sommes ne peuvent ainsi être considérées comme des revenus imposables à son nom ;
- elle justifie de ce que les autres sommes qualifiées d'injustifiées correspondent à des cadeaux qui lui ont été faits et, par suite, ils ne peuvent être considérés comme des revenus d'origine indéterminée ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;
- elle demande, en ce qui concerne les charges afférentes à ses revenus fonciers, la prise en compte du montant de ses cotisations d'assurance de 1 182 euros au titre de l'année 2008 et de 1 812 euros au titre de l'année 2009.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me G... H...substituant Me F...B..., représentant MmeD.en litige
1. Considérant que les requêtes n° 16DA00229 et n° 16DA00230 présentées pour Mme D... présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de MmeD..., portant sur les années 2007 à 2009, l'administration a, d'une part, rectifié le quotient familial, les revenus fonciers et les charges déductibles déclarés au titre de l'année 2008 ainsi que les revenus fonciers déclarés au titre de l'année 2009 et, d'autre part, taxé d'office les crédits bancaires non justifiés et non identifiés, constitutifs de revenus d'origine indéterminée ; qu'elle a mis à sa charge, au titre des années 2008 et 2009, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les pénalités correspondantes ; que Mme D...relève appel des jugements du tribunal administratif de Rouen du 26 novembre 2015 en tant qu'après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements d'un montant de 261 euros et de 72 euros au titre de l'année 2009, il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité des jugements attaqués :
3. Considérant qu'il ressort de l'examen des dossiers de première instance que pour demander la décharge des impositions contestées, Mme D...a fait valoir dans son mémoire introductif d'instance que les sommes versées en 2008 et 2009 sur ses comptes bancaires par le père de ses enfants correspondaient à des dons faits à ces derniers, que les autres sommes qualifiées d'injustifiées étaient des cadeaux qui lui ont été faits et qu'ainsi, ces sommes ne pouvaient être considérées comme des revenus d'origine indéterminée ; qu'elle a, dans son mémoire en réplique enregistré le 22 octobre 2015, soutenu que le montant total des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires au titre des années 2008 et 2009 ne représentait pas le double du montant des revenus déclarés, après neutralisation des virements de compte à compte et des produits financiers de ces comptes et que, par suite, l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que si les premiers juges ont répondu aux moyens tenant au bien-fondé des impositions contestées, ils ne se sont pas prononcés sur le moyen tenant à la régularité de la procédure d'imposition, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, les jugements attaqués sont insuffisamment motivés et doivent être annulés ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mme D...devant le tribunal administratif de Rouen ;
Sur l'étendue du litige :
5. Considérant que par deux décisions du 19 décembre 2013, postérieures à l'introduction des requêtes, le directeur régional des finances publiques de la région Haute-Normandie et du département de la Seine-Maritime a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la somme de 261 euros correspondant aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 et de 72 euros correspondant aux cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de la même année ; que les conclusions des requêtes de Mme D... sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions demeurant... :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés " ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a constaté une discordance entre le total des crédits portés au titre de l'année 2008 sur les différents comptes bancaires de MmeD..., s'élevant à 242 086,07 euros, et les revenus bruts déclarés par celle-ci pour la même année d'un montant de 52 125 euros ; qu'elle a aussi constaté la même discordance au titre de l'année 2009 entre le montant total des crédits portés sur ces comptes bancaires de 173 285 euros et les revenus bruts déclarés s'élevant à 55 037 euros ; que ces discordances d'un montant respectif de 189 961 euros et de 118 248 euros sont supérieures à deux fois les revenus déclarés et étaient de nature à justifier la mise en oeuvre de la procédure définie à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales précité ; que contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration devait procéder au constat de l'éventuelle discordance entre le total des crédits portés sur les comptes bancaires et les revenus bruts déclarés sans avoir à procéder à l'examen critique préalable de ces crédits et, ce faisant, à neutraliser préalablement les virements de compte à compte, le rachat ou la clôture d'un plan d'épargne en actions, les prélèvements sur assurance vie ou les produits financiers des comptes eux-mêmes ; que Mme D... s'étant abstenue de répondre à la demande d'éclaircissements ou de justifications qui lui a été adressée le 17 août 2011, dans le délai de deux mois qui lui était imparti, l'administration était en droit de taxer d'office, en application de l'article L. 69 du même livre, ces crédits bancaires comme des revenus d'origine indéterminée ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
8. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration peut taxer d'office un contribuable à l'impôt sur le revenu, si l'intéressé s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications qui lui ont été adressées sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; qu'aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; que comme cela a été dit au point 7, Mme D...a été régulièrement taxée d'office ; qu'elle supporte ainsi la charge de démontrer l'exagération de sa base d'imposition à l'impôt sur le revenu des années 2008 et 2009 ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration a imposé d'office en tant que revenus d'origine indéterminée des crédits bancaires pour un montant de 73 726 euros au titre de l'année 2008 et de 79 563 euros au titre de l'année 2009 ; que la requérante fait valoir que ces sommes correspondent à des dons faits par M.A..., le père de ses enfants, à ces derniers et qu'elle lui a reversé une somme totale de 15 000 euros au titre de chacune des années en litige, ce dernier ayant surévalué ses disponibilités de trésorerie ; que toutefois, les seuls éléments qu'elle produit, en particulier l'historique de ses comptes bancaires et les tableaux joints en annexe faisant apparaître notamment des virements au profit de l'intéressé, ne permettent pas d'établir la réalité des dons allégués au profit de ses enfants, dont l'un était au demeurant en mesure, eu égard à son âge, de disposer d'un compte bancaire à son nom, ni même que ces virements constitueraient des remboursements d'une partie de ces dons ;
10. Considérant, en dernier lieu, que l'administration a constaté que Mme D...avait bénéficié de versements pour un montant total de 2 726 euros au titre de l'année 2008 et de 13 564 euros au titre de l'année 2009 ; que si Mme D...fait valoir que ces sommes non identifiées correspondent à des cadeaux qui lui ont été faits, elle ne produit aucun élément de nature à corroborer ses allégations ; que, par suite, l'administration était fondée à imposer ces sommes en qualité de revenus d'origine indéterminée ;
En ce qui concerne les revenus fonciers :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / Pour les propriétés urbaines : (...) a bis) les primes d'assurance (...) " ;
12. Considérant que Mme D...n'apporte pas d'éléments justificatifs des cotisations d'assurance qu'elle aurait versées au titre des deux immeubles situés à Bréteville-en-Caux dont elle est propriétaire ; que, par suite, elle ne peut prétendre à la déduction de ces charges de ses revenus fonciers au titre des années d'imposition en litige ;
Sur les pénalités :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
14. Considérant que pour justifier l'application de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, le service s'est fondé sur la double circonstance que Mme D...ne pouvait ignorer la discordance importante entre le montant total des crédits portés sur ses comptes bancaires et les revenus bruts déclarés ainsi que l'existence des revenus dont elle a bénéficié ; qu'elle a sciemment omis de déclarer une partie importante de ces sommes ; qu'eu égard au caractère répétitif de ces omissions et à leur importance, l'administration doit, dès lors, être regardée comme ayant apporté la preuve du manquement délibéré de l'intéressée à ses obligations fiscales et, par suite, du bien-fondé de l'application des pénalités de 40 % prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes demeurant à en litige;
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements n° 1302006 et n° 1302007 du 25 novembre 2015 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.
Article 2 : A concurrence des sommes de 261 euros et de 72 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des demandes présentées par Mme D...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2009.
Article 3 : Le surplus des conclusions des demandes présentées par Mme D...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D...et au ministre de l'économie.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 9 mai 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 mai 2017.
Le rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : O. DESTICOURT
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA00229,16DA00230