Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 août 2015 et 13 septembre 2016, la société à responsabilité limitée (SARL) JAB, représentée par Me D...B..., demande à la cour : 1°) d'annuler la décision du 3 juin 2015 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société civile immobilière (SCI) JML l'autorisation préalable pour la création d'un ensemble commercial portant sa surface de vente totale à 2 500 m², composé d'un supermarché à l'enseigne Super U de 2 380 m² de surface de vente et deux boutiques de 60 m² de surface de vente chacune à Fresnoy-le-Grand ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SCI JML la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le dossier de demande est insuffisant en ce qui concerne l'impact du projet sur les flux de voitures particulières et des véhicules de livraison ainsi que l'accessibilité du magasin ; - le dossier de demande ne contient aucune amélioration en matière de qualité environnementale et d'intégration paysagère des bâtiments existants, la SCI JML se contentant de reprendre la description des éléments de son projet initial pour des bâtiments construits en 2006 ; - le dossier de demande ne contient aucun élément concernant la contribution du projet en matière sociale ; - le projet ne répond pas aux exigences de l'article L. 752-6 du code de commerce ; - en matière d'aménagement du territoire et d'insertion urbaine, le projet, qui ne constitue pas un équipement de proximité, est situé à un kilomètre en sortie de ville, sa localisation ne témoignant donc pas d'une intégration urbaine ; - le projet n'est pas justifié au regard de la baisse de population sur la zone de chalandise et de l'existence d'autres infrastructures commerciales tant au nord qu'au sud du projet ; - le projet aura un impact négatif sur les centres-villes de Fresnoy-le-Grand et de Bohain-en-Vermandois, ayant un impact significatif sur les équilibres commerciaux du secteur ; - le projet aura nécessairement un impact sur les flux de véhicules de livraison existants dès lors que la surface de vente va augmenter de 28 % et que l'accès routier n'est assuré que par un simple tourne-à-gauche pour permettre l'accès à de la clientèle venant du nord ; - le projet est essentiellement accessible en voiture, l'absence de desserte en transports en commun et par pistes cyclables ressortant par ailleurs des pièces du dossier ; - le projet ne répond pas aux exigences définies au 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce, en matière de développement durable ; - le projet ne répond pas aux exigences du 3° de l'article L. 752-6 du code de commerce en matière de protection du consommateur ; - le projet, situé à l'extérieur de la ville, impose aux consommateurs le recours à la voiture, il ne préserve pas les centres urbains, ne contient pas de nouveauté concernant la valorisation de productions locales et aucune disposition n'est prévue pour sécuriser la venue du consommateur en dépit de l'augmentation des flux de circulation ; - le projet ne créera aucun emploi supplémentaire, la contribution du projet en matière sociale étant donc inexistante. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2016, la SCI JML, représentée par Me A...C..., demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de la SARL JAB la somme de 3 000 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier.Vu : - le code de commerce ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, - les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public, - et les observations de Me A...C..., représentant la SCI JML. 1. Considérant que, le 15 juin 2006, la commission nationale d'équipement commercial a autorisé SCI JML à créer, rue Jean Jaurès, à Fresnoy-le-Grand, dans le département de l'Aisne, un ensemble commercial, d'une surface de vente de 2 000 m² composé d'un supermarché Super U de 1 800 m² de surface de vente et d'une galerie marchande de 3 boutiques de 200 m² de surface de vente ; que, le 23 octobre 2014, cette société a présenté à la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Aisne une demande en vue de l'extension de cet ensemble commercial par agrandissement du supermarché de 500 m² afin de porter la surface de vente totale à 2 500 m² ; que, par une décision du 5 décembre 2014, la CDAC a décidé de faire droit à cette demande ; que la SARL JAB, qui exploite un fonds de commerce d'alimentation générale à l'enseigne " Carrefour Market ", à quelques kilomètres du projet, sur la commune de Bohain-en-Vermandois, a contesté cette décision devant la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) ; que la SARL JAB demande à la cour d'annuler la décision du 3 juin 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commerciale a autorisé le projet présenté par la SARL JML ; Sur les conclusions aux fins d'annulation : En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation : 2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la SARL JAB, le dossier de demande, qui porte simplement sur une extension mesurée de la surface de vente d'un supermarché Super U, comporte les éléments d'analyse suffisants concernant tant l'impact du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison que la desserte du site, laquelle demeure inchangée ; que le dossier comporte également des éléments d'analyse suffisamment précis, concernant la qualité environnementale du projet, et notamment son insertion paysagère et architecturale ; qu'il comprend également, au titre de conséquences sociales du projet, des éléments relatifs au nombre d'emplois existants ainsi qu'au soutien apporté par le Supermarché Super U à diverses associations et clubs sportifs locaux , qui ne sont pas affectés par l'augmentation de la surface de vente ; que, par conséquent, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande d'autorisation doit être écarté ; En ce qui concerne le respect des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés aux 2° et 5° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale " ; 4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ; S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire : A propos de la localisation du projet et de son intégration urbaine : 5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet en cause est situé en entrée de ville de la commune de Fresnoy-le-Grand, en direction de Bohain-en-Vermandois, dans une zone vouée aux activités commerciales ; que, jouxtant un quartier d'habitat, il est situé en continuité du bâti existant ; que la loi n'implique pas que le critère de contribution à l'animation de la vie urbaine ne puisse être respecté que par une implantation en centre-ville ; que, par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du a) du 1° de l'article L. 752-6 du code de commerce ; A propos de l'animation de la vie urbaine : 6. Considérant que, à supposer même, comme le soutient la société requérante, que le projet ne serait pas justifié au regard de la baisse de population sur la zone de chalandise et de l'existence d'autres infrastructures commerciales tant au nord qu'au sud du projet, ces circonstances sont cependant sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le projet, qui correspond à une extension mesurée du supermarché U actuel, serait susceptible de fragiliser les commerces de centre-ville au point de compromettre l'animation de la vie urbaine ; qu'ainsi, le projet ne méconnaît pas le critère du c) du 1° de l'article L. 752-6 du code de commerce ; A propos des transports : 7. Considérant qu'il ressort tant du dossier de demande que du rapport d'instruction de la Commission nationale d'aménagement commercial, que la réalisation du projet n'aura qu'un impact très limité sur les flux de circulation existants ; que, par ailleurs, le magasin est accessible aux piétons par des trottoirs sécurisés, depuis le centre-ville de Fresnoy-le-Grand ainsi qu'aux cyclistes par des pistes dédiées, un abri pour les deux roues étant d'ailleurs prévu le long de la façade principale de l'ensemble commercial ; qu'enfin, s'il est constant qu'aucun accès par transport collectif n'existe et n'est prévu, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à entacher le projet d'illégalité ; qu'ainsi, le projet ne méconnaît pas le critère du d) du 1° de l'article L. 752-6 du code de commerce ; S'agissant de l'environnement durable : 8. Considérant que l'extension du bâtiment prévue par le projet en cause doit être réalisée sur une emprise actuellement occupée par des places de stationnement réservées au personnel et n'entraînera pas l'imperméabilisation de surfaces supplémentaires ; que des mesures suffisantes en faveur de l'isolation du bâtiment, d'une utilisation économe de l'énergie, du traitement des déchets des eaux pluviales sont également prévues ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet est susceptible d'entraîner des nuisances sonores, olfactives, visuelles et lumineuses significatives ; que l'extension prévue est d'une taille limitée et s'inscrira, par ses caractéristiques, dans la continuité du bâtiment existant ; qu'enfin, il ne résulte d'aucune disposition que le projet du pétitionnaire aurait dû prévoir des améliorations en matière d'environnement durable, notamment au regard de son insertion paysagère, par rapport aux bâtiments construits en 2006 à la suite de la décision d'autorisation précédemment délivrée le 15 juin 2006 ; que, par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce ; S'agissant de la protection du consommateur : 9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'extension en cause se trouve dans la continuité du bâti existant, en limite de la commune de Fresnoy-le-Grand, à proximité d'une zone d'habitat et qu'il est accessible, de façon sécurisée, tant en voiture, à pied qu'à vélo ; qu'il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit au point 7, qu'il aura un impact négatif significatif sur le commerce de centre-ville ; qu'enfin, l'augmentation de la variété de l'offre induite par la création d'une surface de vente supplémentaire limitera l'évasion vers les grands pôles commerciaux de l'agglomération de Saint-Quentin ; que, par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du 3° de l'article L. 752-6 du code de commerce ; A propos de la contribution du projet en matière sociale : 10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Supermarché Super U qui soutient différentes associations et clubs sportifs locaux, n'envisage pas de modifier sa politique en ce domaine; que l'augmentation d'activités provoqué par l'extension est susceptible de générer des emplois supplémentaires en plus des trente-six existants ; que, par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du II de l'article L. 752-6 du code de commerce ; 11. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par la SARL JAB doivent être rejetées ; Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la SCI JML, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la SARL JAB réclame sur leur fondement ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société JAB une somme de 1 500 euros à verser à la SCI JML au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SARL JAB est rejetée. Article 2 : La SARL JAB versera à la SCI JML la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL JAB, à la SCI JML et au ministre de l'économie et des finances (CNAC). Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2017 à laquelle siégeaient : - M. Olivier Yeznikian, président de chambre, - M. Christian Bernier, président-assesseur, - M. Xavier Fabre, premier conseiller. Lu en audience publique le 4 mai 2017. Le rapporteurSigné : X. FABRELe premier vice-président de la cour,Président de chambreSigné : O. YEZNIKIANLe greffier,Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme,Le greffier en chef,Par délégation,Le greffier, Christine Sire 2N° 15DA01379