Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er juillet 2013 par lequel le préfet du Nord lui a infligé la sanction du blâme, de condamner l'Etat, à titre accessoire, à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du harcèlement moral dont il aurait été victime, d'enjoindre au préfet du Nord de le rétablir dans ses fonctions de secrétaire de la commission départementale des affaires sociales et de rétablir sa décharge du vendredi afin d'accomplir sa mission de délégué du défenseur des droits.
Par un jugement n° 1305308 du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2015, M.A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1305308 du 6 octobre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er juillet 2013 par lequel le préfet du Nord lui a infligé la sanction du blâme ;
3°) d'enjoindre à l'administration de le rétablir dans ses fonctions de secrétaire de la commission départementale d'aide sociale et de rétablir sa décharge d'activité, le vendredi, pour accomplir sa mission de délégué du défenseur des droits ;
4°) de condamner l'Etat, à titre accessoire, à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la procédure suivie préalablement au prononcé de la sanction est irrégulière ;
- la sanction est l'aboutissement logique de faits constitutif de harcèlement moral ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit ;
- il est également entaché d'erreurs manifestes d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Vinot, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...a été affecté à la direction départementale de la cohésion sociale du Nord le 1er juillet 2011, dans les fonctions de secrétaire de la commission départementale d'aide sociale ; que par un arrêté du 1er juillet 2013, notifié à l'intéressé le 4 juillet 2013, le préfet du Nord a prononcé un blâme à l'encontre de M.A... ; qu'il relève appel du jugement du 6 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, au versement par l'Etat de la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du harcèlement moral dont il aurait été victime, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de le rétablir dans ses fonctions de secrétaire de la commission départementale des affaires sociales et de rétablir sa décharge du vendredi afin d'accomplir la mission de délégué du défenseur des droits ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2013 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté (...) " ; qu'aux termes de l'article 29 de la même loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale " ; qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : l'avertissement et le blâme (...). Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix " ;
3. Considérant que M.A..., qui a consulté son dossier dans la matinée du mardi 24 juin 2013, avait été préalablement informé, par courrier reçu le 7 juin 2013, accompagné d'un rappel des éléments de son comportement, dont l'autorité investie du pouvoir de nomination lui faisait grief, de l'engagement d'une procédure disciplinaire, de la faculté de consulter son dossier et de ce qu'une sanction était envisagée à son encontre, lui permettant de présenter ses arguments et de justifier sa manière de servir dans les différentes missions qui lui incombaient ; qu'il disposait, ainsi, d'un délai suffisant pour consulter son dossier avant l'entretien disciplinaire organisé le 24 juin 2013 à 14 heures, au cours duquel il a pu être accompagné par deux membres d'une organisation syndicale ; que, s'il invoque des refus de consultation de son dossier, ou des tentatives d'obstruction de la part de responsables de la direction départementale de la cohésion sociale du Nord au motif qu'il a été invité à prendre rendez-vous pour le consulter, il ne produit aucun document probant permettant d'établir que des initiatives auraient été prises par l'administration pour empêcher la consultation de son dossier ; que l'arrêté par lequel le préfet du Nord lui a infligé la sanction du blâme, après cet entretien, a été pris le 1er juillet 2013 ; que, dans ces conditions, l'intéressé a disposé d'un délai suffisant pour produire d'éventuelles observations à la suite de la consultation de son dossier, ce délai s'ajoutant en outre à celui faisant suite au courrier du 7 juin 2013 l'informant qu'une procédure disciplinaire et une sanction étaient envisagées à son encontre et lui précisant les griefs reprochés ; que, par suite, le moyen de M. A...tiré de l'irrégularité de la procédure disciplinaire et de ce qu'il n'aurait pas été mis à même d'organiser sa défense, qui manque en fait, doit être écarté ;
4. Considérant que la sanction du blâme infligée à M.A..., qui est une sanction du 1er groupe, pouvait être prononcée sans consultation préalable de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, conformément aux dispositions citées au point 1 de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la sanction infligée à M. A...l'aurait été à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté comme inopérant ;
5. Considérant que l'entretien organisé par le préfet du Nord le 24 juin 2013, au cours duquel M. A...a pu formuler des observations sur les griefs formulés à son encontre, en présence du secrétaire général de la direction départementale de la cohésion sociale du Nord, ne révèle ni une instance juridictionnelle, ni la consultation d'un conseil de discipline, au sens des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, et, par suite, ne vicie pas davantage la régularité de la procédure disciplinaire ;
6. Considérant que contrairement à ce que soutient M. A...la présence du secrétaire général de la direction départementale de la cohésion sociale du Nord lors de l'entretien du 24 juin 2013 n'était en tout état de cause pas susceptible de porter atteinte au principe d'impartialité, lequel principe s'applique au seul conseil de discipline ; que par suite, le moyen doit être écarté ;
7. Considérant qu'aucun texte législatif et réglementaire, ni aucun principe général du droit n'interdisaient à la directrice départementale de la cohésion sociale du Nord d'indiquer oralement à M.A..., au cours de cet entretien, qu'elle avait pris la décision de lui retirer le secrétariat de la commission départementale d'aide sociale au vu des manquements qui lui étaient reprochés ; que le moyen tiré de l'absence de notification d'un arrêté à cette fin pendant cette réunion est inopérant ;
8. Considérant que la circonstance que le préfet du Nord n'a pas pris un arrêté portant cessation de fonctions de M. A...auprès de la commission départementale d'aide sociale du Nord est sans incidence sur la légalité de la sanction disciplinaire du blâme ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions liées au comportement de l'intéressé, modifiant les missions qui lui sont confiées ou lui refusant une décharge de service le vendredi, ainsi que la réduction de sa prime au titre de l'année 2013, en relation avec sa manière de servir, puissent être regardées comme ayant le caractère de sanctions disciplinaires qui viendraient aggraver celle du blâme ; que, se fondant sur le comportement fautif reproché à M.A..., le préfet du Nord n'a ainsi prononcé qu'une seule sanction disciplinaire, par l'arrêté en litige du 1er juillet 2013 lui infligeant la sanction du blâme ; que, par suite, les premiers juges, en écartant ce moyen, n'ont pas commis d'erreur de droit ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui s'absentait une journée par semaine sans autorisation pour assurer une permanence à l'antenne de justice d'Armentières dans le cadre de sa mission de délégué du défenseur des droits et refusait d'en rendre compte à sa hiérarchie, a employé un ton inapproprié dans un courrier électronique du
10 octobre 2012 adressé au secrétaire général de la direction départementale de la cohésion sociale du département du Nord, en l'accusant de douter de sa probité et d'adopter à son encontre un comportement discriminatoire ; qu'il s'est absenté du service à plusieurs reprises sans en informer la hiérarchie, notamment les 22 janvier 2013 et 13 février 2013 ; qu'il n'effectuait, contrairement à ce qu'il lui était demandé, pas de compte-rendu sur le fonctionnement de la commission départementale des aides sociales ; qu'il a signé pour ampliation et transmis les 5 et 18 mai 2013, à une même personne, deux décisions contradictoires de la commission départementale d'aide sociale, statuant sur les mêmes faits ; qu'il a aussi remis en cause, de manière véhémente, des positions prises par sa hiérarchie sur l'interprétation de textes juridiques en arguant de ses diplômes, en particulier dans un courrier électronique du 12 février 2013 ; qu'il a eu un comportement inadéquat envers une collègue de bureau handicapée, en fermant sur elle la porte lors de sa pause déjeuner alors même qu'elle ne pouvait l'ouvrir seule ; qu'il a refusé, sans raison valable de se présenter à l'entretien annuel d'évaluation 2013 prévu le 7 mai 2013 ; que par suite, en lui infligeant la sanction du blâme à raison de ce comportement professionnel fautif, le préfet du Nord n'a pas prononcé une sanction manifestement disproportionnée ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) " ;
11. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;
12. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
13. Considérant que M. A...a eu un comportement professionnel fautif, ainsi qu'il a été dit au point 10 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la réponse de l'autorité hiérarchique à ce comportement fautif ait revêtu un caractère excessif, ni que les mesures prises, notamment le refus d'autorisation pour assurer une permanence à Armentières, son affectation au service du contrôle de légalité, son installation dans un bureau à l'étage de la direction et la réduction de sa prime au regard de sa manière de servir, qui n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, puissent être regardées comme des agissements de harcèlement moral ; que ces décisions, qui, dans les circonstances de l'espèce, étaient justifiées par l'intérêt du service, ne sont pas davantage intervenues dans le but de diminuer les prérogatives de M. A...afin de les transférer illégalement à un autre agent, contrairement à ce qu'il soutient ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté les moyens tirés du harcèlement moral et du détournement de pouvoir ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2013 ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
15. Considérant qu'il résulte ce qui a été dit au points 2 à 14 que l'arrêté en litige du 1er juillet 2013 n'est pas entaché d'une illégalité fautive, de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que M. A...n'a pas soumis au juge des agissements pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement, ou a fait état d'agissements de l'administration qui ne pouvaient être qualifiés de harcèlement moral à son encontre ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les recevabilité des conclusions susvisées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande indemnitaire en demandant la condamnation de l'État à lui verser 20 000 euros à titre de réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Considérant que M. A... demande à la cour d'enjoindre au préfet du Nord de le rétablir dans les fonctions de secrétaire de la commission départementale d'aide sociale du Nord et de rétablir sa décharge de service le vendredi, pour accomplir sa mission de délégué du défenseur des droits ; que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'impliquant aucune mesure d'exécution, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre des affaires sociales et de la santé.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 12 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. François Vinot, premier conseiller.
Lu en audience publique le 27 avril 2017.
Le rapporteur,
Signé : F. VINOT Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA01960
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N°"Numéro"