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02/03/2017 | FRANCE | N°16DA02314

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (quinquies), 02 mars 2017, 16DA02314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 22 mars 2016 par laquelle le préfet de la Somme a refusé d'abroger l'arrêté du 23 août 2011 décidant son expulsion du territoire français et, ce faisant, d'abroger cet arrêté ;

Par un jugement n° 1601435, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2016, M. C...A..., représenté par Me G...E..

., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 2016 du tribunal administratif d'Ami...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 22 mars 2016 par laquelle le préfet de la Somme a refusé d'abroger l'arrêté du 23 août 2011 décidant son expulsion du territoire français et, ce faisant, d'abroger cet arrêté ;

Par un jugement n° 1601435, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2016, M. C...A..., représenté par Me G...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet de la Somme du 22 mars 2016 par laquelle le préfet de la Somme a refusé d'abroger l'arrêté du 23 août 2011 décidant son expulsion du territoire français et, ce faisant, d'abroger cet arrêté ;

Il soutient que :

- le préfet et les premiers juges n'ont pas apprécié justement sa situation personnelle, aucune balance n'a été effectuée entre, d'une part, la menace à l'ordre public, et, d'autre part, l'atteinte portée à sa vie privée et familiale ;

- les décisions portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il est présent en France depuis près de treize ans de manière stable et y a développé une vie personnelle et familiale, qu'il a deux enfants de nationalité française, qu'il est marié à une française depuis 2015 qui attend un enfant issu de leur union et qu'il est dépourvu de toute attache au Tchad, pays qu'il a quitté étant enfant pour vivre en Lybie ;

- les décisions portent atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, protégé par l'article 3-1 de la convention de New-York, dans la mesure où il exerce son autorité parentale vis-à-vis d'eux, de plein droit ;

- depuis la rupture avec Mme B...survenue en 2009, suite à son incarcération, il est empêché de voir ses enfants par le comportement fautif de celle-ci, qui fait obstacle à l'exercice du droit de visite qu'il a obtenu du juge aux affaires familiales en 2010 et 2012 par ses diligences ;

- le préfet a déjà reconnu par le passé que M. A...remplissait les conditions d'octroi d'un titre de séjour en tant que parent d'enfant français sur le fondement de l'article L. 313-11-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les faits pour lesquels il a été condamné ne sont pas de nature à établir qu'il constitue une menace à l'ordre public justifiant son expulsion du territoire français ; que l'expulsion du territoire constitue une double peine à son encontre ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L.521-2-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2017, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. C...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Vinot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Mme F...A..., néeD....

1. Considérant que M.A..., ressortissant tchadien né le 21 décembre 1981, est entré en France le 6 novembre 2002 selon ses déclarations ; que, par un arrêté du 23 août 2011, le préfet de la Somme a décidé de l'expulser du territoire français ; que, par un arrêt du 3 février 2015, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa demande d'annulation du jugement du 3 février 2015 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 août 2011 par lequel le représentant de l'Etat a prononcé son expulsion ; que, par une décision du 22 mars 2016, après avis de la commission d'expulsion prévue par l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'aile, défavorable à l'abrogation de l'arrêté en cause, le préfet de la Somme a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 23 août 2011 ; que M. A...relève appel du jugement du 3 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mars 2016 par laquelle l'autorité préfectorale a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 23 août 2011 et à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué, et particulièrement des considérants 4 et 6, que le tribunal administratif d'Amiens a répondu de manière précise et circonstanciée au moyen tiré de ce qu'aucune balance n'a été effectuée entre, d'une part, la menace à l'ordre public, et, d'autre part, l'atteinte portée à sa vie privée et familiale au soutien de laquelle il invoquait la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'intérêt supérieur de ses enfants, protégé par l'article 3-1 de la convention de New-York ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 524-1 du même code : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé... " ; qu'aux termes de l'article L. 524-2 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté (...) " ;

4. Considérant que M.A..., qui fait valoir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants de nationalité française et qu'il réside en France depuis 2002, ne saurait invoquer utilement les dispositions du 1° et du 4° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui font obstacle à ce qu'une mesure d'expulsion puisse être prise à l'encontre d'un étranger se trouvant dans l'un des cas qu'elles définissent, dès lors que ces dispositions n'ouvrent pas droit à l'abrogation d'une mesure d'expulsion prise antérieurement ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a été condamné par le tribunal correctionnel d'Amiens, le 22 décembre 2006, à deux mois d'emprisonnement pour violence sans incapacité par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, puis, le 20 février 2008, à une peine de deux mois d'emprisonnement, pour conduite d'un véhicule, sans permis et sans assurance ; que les autorités néerlandaises l'ont ensuite détenu du 13 août 2008 au 20 mars 2009, soit pendant sept mois, pour détention de stupéfiants ; que le tribunal correctionnel d'Amiens, par un jugement du 16 décembre 2009, l'a de nouveau condamné, pour violence sans incapacité par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, à un an d'emprisonnement, en état de récidive légale ; que, par jugement du 26 avril 2011, le tribunal correctionnel d'Amiens a encore condamné M. A...à un an d'emprisonnement pour violence sans incapacité par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, cette fois encore en état de récidive légale ; que, par arrêté du 23 août 2011, le préfet de la Somme a prononcé son expulsion du territoire français ; que M.A..., dont la demande d'annulation de cet arrêté a été rejetée dans les conditions rappelées au point 1, est demeuré sur le territoire français ; qu'il a ensuite été condamné, par jugement du tribunal correctionnel d'Amiens du 3 juillet 2014, pour tentative de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu, peine convertie par le juge d'application des peines le 5 mai 2015 en trois mois d'emprisonnement avec sursis assortis de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ; que, le 7 juillet 2015, le tribunal correctionnel d'Amiens l'a condamné pour usage illicite, cession et transport de produits stupéfiants, à trois mois de prison ferme, son épouse de nationalité française, avec laquelle il avait récemment contracté mariage le 3 janvier 2015, étant elle-même condamnée pour ces faits à une peine identique, avec le bénéfice du sursis ; que l'intéressé, au cours de l'ensemble de cette période, n'a pas justifié d'efforts d'insertion sociale et professionnelle et a été condamné par l'autorité judiciaire, de manière réitérée, y compris après le prononcé de l'arrêté d'expulsion du 23 août 2011 dont il demande l'abrogation ; que, dans ces conditions, le préfet de la Somme n'a pas entaché sa décision du 22 mars 2016 portant refus d'abroger l'arrêté préfectoral prononçant l'expulsion de M. A...d'une erreur d'appréciation, en estimant que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace grave et persistante pour l'ordre public, de nature à justifier le maintien des effets de la mesure d'expulsion qui avait été prise à son endroit ;

6. Considérant que M.A..., après son entrée en France en 2002, a vécu avec une ressortissante française avec laquelle il a eu deux enfants, de même nationalité, nés les 2 février 2007 et 27 avril 2008, qu'il a reconnus ; que le requérant, qui soutient qu'il a vécu en concubinage de 2003 à 2009 avec leur mère, avance qu'il a de ce fait participé à l'entretien et à l'éducation des enfants et fait valoir que celle-ci a fait obstruction à ce qu'il puisse exercer conjointement l'autorité parentale et bénéficier du droit de visite qui lui a été accordé, y compris lorsqu'il était incarcéré en maison d'arrêt, par ordonnances des 5 juillet 2010, 9 janvier 2012, 17 octobre 2012, 17 mars 2014 et 17 novembre 2014 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Amiens, ne justifie, toutefois, d'aucune contribution matérielle à leur entretien à hauteur de ses capacités contributives, dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, ni même d'une contribution à leur éducation ou d'une relation affective avec ses enfants et n'a, au demeurant, pas fait état de ses conditions d'existence et d'un domicile stable auprès de l'autorité judiciaire ; que, s'il fait aussi valoir qu'il a contracté mariage avec MmeD..., de nationalité française, le 3 janvier 2015, et qu'elle attendait leur enfant à naître à la date de la décision en litige, il ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité de cette relation alors que l'intéressée a été condamnée le 7 juillet 2015 par le tribunal correctionnel d'Amiens à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis, en même temps que M.A..., pour des faits d'usage illicite, transport et cession de produits stupéfiants ; que la naissance de leur fille Assia le 5 juin 2016, issue de cette union, comme le départ du requérant du domicile de son épouse en décembre 2016, alors qu'il y était pourtant assigné à résidence par arrêté du préfet de la Somme, sont des circonstances postérieures à la décision en litige du 22 mars 2016 et, par suite, sans influence sur sa légalité ; que l'intéressé, qui est arrivé en France en 2002 selon ses allégations, alors qu'il était âgé de vingt-et-un ans, et affirme avoir vécu au Tchad, puis en Lybie, sans justifier des conditions de ce séjour, ne démontre pas non plus, par ses seules allégations, qu'il serait isolé et dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, eu égard au but de protection de l'ordre public poursuivi par la décision lui refusant l'abrogation de la mesure d'expulsion dont il fait l'objet, les moyens de M. A...tirés de ce que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou encore, pour les mêmes motifs, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés ; que le préfet de la Somme n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle du requérant ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des motifs de la décision du 22 mars 2016 que le préfet de la Somme a examiné les particularités de la situation de M. A..., notamment l'évolution de la menace pour l'ordre public qu'il représente en France ainsi que ses garanties de réinsertion sociale et professionnelle, et particulièrement, contrairement à ce qu'il soutient, sa situation individuelle et familiale, pour apprécier, à la date à laquelle il s'est prononcé, si ces éléments justifiaient qu'il soit mis fin aux effets de la mesure d'expulsion ; que le moyen tiré de l'erreur de droit qui aurait été commise par l'autorité préfectorale et du défaut d'examen de la situation du requérant doit, dés lors, être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 9 février 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. François Vinot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 mars 2017.

Le rapporteur,

Signé : F. VINOT Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

2

N°16DA02314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (quinquies)
Numéro d'arrêt : 16DA02314
Date de la décision : 02/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. François Vinot
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-03-02;16da02314 ?
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