Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA Orange a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la société Fondouest Basse-Normandie à lui verser la somme de 54 509,85 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2011, en réparation du préjudice résultant d'une coupure de câbles lors de travaux de sondages géotechniques effectués face au n° 46 de la rue des Martyrs à Elbeuf le 25 janvier 2011.
Par un jugement n° 1302108 du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 novembre et 1er décembre 2015, la SA Orange, représentée par Me F... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 1er octobre 2015 ;
2°) de condamner la société Fondouest Basse-Normandie à lui verser la somme de 54 509,85 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2011, en réparation du préjudice résultant d'une coupure de câbles lors de travaux de sondages géotechniques effectués le 25 janvier 2011 ;
3°) de mettre à la charge de la société Fondouest Basse-Normandie les entiers dépens et la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien de causalité entre l'exécution des travaux par la société Fondouest Basse-Normandie et le dommage est établi par le constat contradictoire de sinistre ;
- elle n'a pas failli à son devoir d'information et n'a pas commis de faute susceptible d'exonérer la société Fondouest Basse-Normandie de sa responsabilité ;
- la négligence de la société Fondouest Basse-Normandie, qui aurait dû lui demander des informations supplémentaires, est seule à l'origine du dommage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2016, la société Fondouest Basse-Normandie, représentée par MeA... C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SA Orange la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il revenait à la SA Orange de lui fournir toutes les informations nécessaires, sa négligence est à l'origine de son dommage ;
- cette faute l'exonère entièrement de sa responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me A...C..., représentant la société Fondouest Basse-Normandie.
1. Considérant que la SA Orange relève appel du jugement du 1er octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que la société Fondouest Basse-Normandie soit condamnée à l'indemniser des dommages qu'elle a subis suite à la perforation de plusieurs câbles par cette société qui réalisait, à la demande de la commune d'Elbeuf, des sondages géotechniques ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant qu'en cas de dommage accidentel causé à des tiers par un ouvrage ou des travaux publics, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître d'ouvrage qu'à l'entrepreneur ou au maître d'oeuvre ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du constat amiable de sinistre, établi le 26 janvier 2011 par la SA Orange et la société Fondouest Basse-Normandie, que quatre câbles appartenant à l'opérateur historique de télécommunication ont été perforés lors de la réalisation de travaux de forage au niveau du n° 46 de la rue des Martyrs à Elbeuf ; que, dans ces conditions, il y a lieu de considérer comme établis tant la matérialité des faits que le lien de causalité entre les travaux réalisés par la société Fondouest Basse-Normandie à la demande de la commune d'Elbeuf et les dommages subis par la société requérante ; que, par suite, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la responsabilité sans faute de la société Fondouest Basse-Normandie est engagée ;
4. Considérant que les personnes mises en cause, une fois établi le lien de causalité entre le travail public et le dommage, doivent, pour dégager leur responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 14 octobre 1991, alors applicable, relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution, les exploitants de réseaux souterrains avertis par un entrepreneur de son intention de commencer des travaux doivent lui communiquer " sous leur responsabilité et avec le maximum de précisions possible tous les renseignements en leur possession sur l'emplacement de leurs ouvrages existants dans la zone où se situent les travaux projetés et y joignent les recommandations techniques écrites applicables à l'exécution des travaux à proximité desdits ouvrages. Si les travaux en raison de leurs conditions de réalisation telles que celles-ci sont précisées dans la déclaration souscrite par l'exécutant, rendent nécessaire le repérage, préalable et commun, de l'emplacement sur le sol des ouvrages, les exploitants en avisent, au moyen du même récépissé, l'exécutant des travaux afin de coordonner les positions à prendre (...) " ;
6. Considérant que ces dispositions font peser sur l'exploitant du réseau souterrain une obligation d'information précise sur leurs réseaux à destination des entrepreneurs l'informant de leur intention de commencer des travaux publics ; qu'il appartient toutefois aux entrepreneurs de solliciter avant de commencer leurs travaux, s'ils estiment la réponse à leur déclaration insuffisamment précise, des informations complémentaires pour identifier le réseau, et s'il y a lieu un repérage effectué avec l'un des agents de l'exploitant du réseau ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Fondouest Basse-Normandie a fait parvenir à la SA Orange une déclaration d'intention de commencement de travaux datée du 14 décembre 2010, précisant que ces travaux consisteraient en des sondages géotechniques réalisés rue des Martyrs à Elbeuf, tous les cinquante mètres, sur une profondeur de dix mètres, à partir du 27 décembre 2010 ; que suite à cette déclaration, la société requérante a retourné le récépissé de déclaration d'intention de commencement de travaux ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle s'est limitée à préciser qu'elle avait au moins un ouvrage concerné, à joindre un plan au 1/2000ème, sans fournir de recommandations techniques ; que, dans ces conditions, la SA Orange, ne saurait être considérée comme ayant fourni les renseignements en sa possession sur l'emplacement de ses ouvrages avec le maximum de précisions possible au sens des dispositions du décret précité ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que cette réponse à la déclaration de la société Fondouest Basse-Normandie constituait une faute de nature à exonérer cette dernière société de sa responsabilité ; que toutefois il résulte de l'instruction que la société Fondouest Basse-Normandie, qui se prévaut de l'imprécision du plan produit par la SA Orange, n'allègue ni ne justifie avoir effectué une quelconque démarche auprès de la SA Orange afin d'obtenir un complément d'information avant de débuter ses travaux ; que, dans ces conditions, la faute commise par l'opérateur historique de télécommunication ne peut qu'exonérer partiellement la société Fondouest Basse-Normandie de sa responsabilité ; qu'il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en laissant à la charge de la SA Orange 20 % des conséquences dommageables de l'accident ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Orange est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sur les préjudices :
9. Considérant que la SA Orange produit un mémoire des dépenses engagées pour réparer les dommages causés par les travaux, pour un montant total hors taxes de 54 509,85 euros, comprenant l'achat de matériel et les frais de personnel et de sous-traitance ; que la société Fondouest Basse-Normandie ne conteste pas plus cette somme qu'en première instance ; qu'il y a lieu, compte tenu du partage de responsabilité déterminé au point 7, de condamner la société Fondouest Basse-Normandie à verser à la SA Orange la somme de 43 607,88 euros hors taxes en indemnisation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2011 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative alors applicable, les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société Fondouest Basse-Normandie le montant de la contribution juridique exposée par la SA Orange ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA Orange, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société Fondouest Basse-Normandie au titre des frais engagés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Fondouest Basse-Normandie la somme de 1 000 euros à verser à la SA Orange sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1302108 du 1er octobre 2015 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La société Fondouest Basse-Normandie versera à la SA Orange la somme de 43 607,88 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2011.
Article 3 : La société Fondouest Basse-Normandie versera à la SA Orange la somme de 1 035 euros sur le fondement des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Orange et à la société Fondouest Basse-Normandie.
Délibéré après l'audience publique du 24 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme E...D..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 février 2017.
Le premier conseiller le plus ancien,
Signé : M. D...Le président-assesseur,
Signé : M. G...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01878