Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme E...F...ont demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005, 2006 et 2007 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1106166 du 17 février 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 avril et 5 novembre 2015, M.F..., représenté par Me H... J... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 février 2015 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et en appel.
Il soutient que :
- le jugement attaqué ne se prononce pas sur la charge de la preuve de sa participation personnelle, directe et continue à l'activité de l'EURL F...Immobilier qui incombe à l'administration ;
- la proposition de rectifications du 1er octobre 2008 est insuffisamment motivée ;
- la documentation administrative BOI-BIC-DEF-10 du 9 janvier 2013 précise également que le respect de la condition d'exercice de l'activité nécessite une étude approfondie des actes et diligences effectués, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;
- l'EURL F...Immobilier a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité en 2005 qui n'a entraîné aucun rehaussement ; par suite, les éléments recueillis dans le cadre de la seconde vérification de comptabilité au titre des années 2006 et 2007 ne pouvaient être utilisés pour fonder le rehaussement au titre de l'année 2005 ;
- si l'EURL F...Immobilier compte un représentant légal, c'est lui qui assure la gestion opérationnelle de l'activité à l'origine des déficits en litige comme l'attestent les pièces qu'il produit ;
- il est fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M. B...du 28 janvier 1991 relative à l'application de l'article 151 nonies du code général des impôts et de la documentation administrative BOI-BIC-DEF-10 n° 280 et 180 du 9 janvier 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la proposition de rectifications du 1er octobre 2008 est suffisamment motivée ;
- il existe un gérant de droit pour la société en question assurant sa gestion ;
- l'activité exercée par M. F...au sein de cette société ne remplit pas les critères du 1 bis du 1 de l'article 156 du code général des impôts ;
- le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la réponse ministérielle à M. B...du 28 janvier 1991 relative à l'application de l'article 151 nonies du code général des impôts.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 7 octobre 2016, M. F...conclut aux mêmes fins que sa requête.
Il soutient, en outre, que :
- l'appréciation du caractère professionnel d'une activité exercée par un associé dans une société de personnes n'ayant pas la qualité de gérant doit être appréciée de manière pragmatique ainsi que cela ressort de la décision du Conseil d'Etat du 8 juin 2016 ; la documentation administrative 4A-3122 n° 3 du 9 mars 2001 figurant au BOI-BIC-DEF-10 n°200 et 210 du 9 janvier 2013 a, en ce qui concerne la notion de gestion opérationnelle de l'entreprise, la même approche que l'on soit dans le cadre des dispositions de l'article 151 nonies du code général des impôts que de celles du 1 bis du 1 de l'article 156 du même code.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me H...J...représentant M.F....
1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2005 à 2007 de M.F..., associé unique de l'EURL F...Immobilier, société exerçant une activité d'agence immobilière, l'administration a remis en cause l'imputation sur son revenu global des déficits au titre des bénéfices industriels et commerciaux provenant de cette EURL et mis à la charge de l'intéressé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2005, 2006 et 2007 et des pénalités correspondantes ; que M. F...relève appel du jugement du 17 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'après avoir rappelé que si, en principe, tout membre d'une société de personnes imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux doit être présumé y exercer une activité professionnelle, il en va différemment lorsqu'une autre personne a été désignée pour accomplir les actes nécessaires à la poursuite de l'objet social et que, dans ce cas, l'associé ne peut être regardé comme exerçant personnellement cette activité que si sa participation effective est établie et avoir constaté que pendant les années d'imposition en litige, la gérance de droit était confiée à M.D..., le tribunal administratif de Lille a jugé que si les éléments produits par M. F...pouvaient être regardés comme des indices d'une participation à caractère personnel et direct de l'intéressé à l'activité de l'EURL F...immobilier, ils n'établissaient toutefois pas une participation continue et effective de celui-ci pendant les années 2005 à 2007 ; que le tribunal s'est ainsi nécessairement prononcé sur le moyen tiré de la charge de la preuve de la participation personnelle, directe et continue du requérant à l'activité de l'EURL F...Immobilier ; que par suite, le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son
acceptation. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées et qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
4. Considérant que la proposition de rectification du 1er octobre 2008, qui mentionne les dispositions du 1 bis du 1 de l'article 156 du code général des impôts relatif à l'imputation des déficits provenant directement ou indirectement des activités relevant des bénéfices industriels et commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue, directe de l'un des membres du foyer fiscal, précisait notamment qu'après les opérations de vérification menées dans l'EURL F...Immobilier ayant en particulier mis en évidence que M. D... était le gérant responsable de cette société et que M.F..., s'il assistait aux assemblées générales en sa qualité d'associé unique, ne participait pas de manière directe, personnelle et continue à l'activité de cette société et ne pouvait ainsi être regardé comme exerçant une activité professionnelle ; que ce document, qui résulte d'une étude des actes et diligences accomplis par M.F... au sein de l'EURL F...Immobilier, comportait ainsi suffisamment de précisions quant aux motifs pour lesquels l'imputation des déficits provenant des activités relevant des bénéfices industriels et commerciaux de cette EURL avait été remise en cause et permettait à M. F...de présenter utilement ses observations ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 57 précité du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction fiscale BOI-BIC-DEF-10 du 9 janvier 2013 selon laquelle le respect de la condition d'exercice de l'activité nécessite une étude approfondie des actes et diligences effectués, qui ne donne pas une interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application ;
6. Considérant, enfin, que dans la mesure où le contrôle du revenu global de M. F...relève du contrôle sur pièces, l'administration a ainsi pu utiliser les informations recueillies dans le cadre de la première vérification de comptabilité au titre de l'année 2005, quand bien même celle-ci n'aurait donné lieu à aucun rehaussement, pour en déduire des conséquences à l'issue de la seconde effectuée pour les autres années d'imposition en litige ;
Sur le bien fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal (...), sous déduction : / I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; (...) / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 1° bis des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. Il en est ainsi, notamment, lorsque la gestion de l'activité est confiée en droit ou en fait à une personne qui n'est pas un membre du foyer fiscal par l'effet d'un mandat, d'un contrat de travail ou de toute autre convention (...) " ;
8. Considérant que lors des opérations de contrôle, l'administration a constaté que l'EURL F...Immobilier, créée le 7 septembre 1996, dont M. F...est associé unique, était gérée par M. G...et M.D..., puis uniquement par ce dernier à compter du 15 avril 2005 ; que ce dernier, salarié en qualité d'employé comptable, dispose de tous les pouvoirs dévolus au gérant de la société et est le responsable légal de celle-ci ; qu'en possession de la carte professionnelle de la société, il dispose en outre de la signature sociale dans les établissements financiers, représente la société dans les opérations de contrôle fiscal, établit et signe les déclarations de chiffres d'affaires et les demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée et représente la société auprès des fournisseurs ; qu'il est ainsi le gérant de droit de cette EURL ; que M. F...fait valoir qu'il oeuvre de manière opérationnelle à la gestion de l'activité de cette EURL ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressé procède en sa qualité d'associé unique à des apports financiers et participe aux assemblées générales ; que s'il produit une lettre du 15 avril 2005 émanant de l'ancien gérant, M.G..., faisant état de son omniprésence dans la gestion de l'entreprise, il est toutefois constant que l'intéressé a cessé ses fonctions à cette date et que la gérance de droit de l'EURL F...est assurée depuis le 15 avril 2005 par M.D... ; que par ailleurs, si M. F...produit des contrats de travail de négociateurs immobiliers salariés signés par lui en octobre 2006, en mai, juin et juillet 2007, une carte professionnelle faisant état d'une activité de vente d'immobiliers neufs et anciens ainsi que des documents manuscrits établis en 2005 et 2007 faisant état de directives mais dont certains sont non-datés et non identifiés quant à leur auteur, ces éléments, s'ils peuvent constituer pour quelques uns d'entre eux des indices d'une participation personnelle et directe de M. F...dans la gestion du personnel de l'EURL, ne permettent toutefois pas d'établir celle-ci dans la gestion financière, comptable et administrative de cette société ; qu'en outre, ces éléments présentent un caractère épisodique et ne permettent ainsi pas d'établir le caractère continu de la participation de M. F...à la gestion de l'EURL pendant les années 2005, 2006 et 2007 d'imposition en litige ; que par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'imputation sur son revenu global des déficits au titre des bénéfices industriels et commerciaux provenant de cette EURL sur le fondement du 1 de l'article 156 du code général des impôts ;
Sur la doctrine :
9. Considérant que la doctrine administrative contenue dans la réponse ministérielle au député B...du 28 janvier 1991 n° 34937 et celle figurant à l'instruction BOI-BIC-DEF-10 du 9 janvier 2013 n° 180, 200, 210 et 280, qui définissent la participation directe, régulière et personnelle d'un associé à l'exercice de l'activité professionnelle d'une société de personnes par l'accomplissement d'actes précis et de diligences réelles, ne contiennent aucune interprétation différente de celle dont il a été fait application ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...F...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 10 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Muriel Milard, première conseillère,
- Mme I...A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 24 janvier 2017.
Le rapporteur,
Signé : M. C...Le président-assesseur,
Signé : M. K...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00652