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30/12/2016 | FRANCE | N°15DA00475

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 30 décembre 2016, 15DA00475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Houdan Menuiseries a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1200321 du 22 janvier 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2015 et le 8 septembre 2015, la SA Houdan Menuiseries, représentée par Me E...H...

, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 janvier 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Houdan Menuiseries a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1200321 du 22 janvier 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2015 et le 8 septembre 2015, la SA Houdan Menuiseries, représentée par Me E...H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 janvier 2015 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les redressements relatifs à l'exercice clos le 31 décembre 2006 sont fondés sur des éléments postérieurs à la période visée par l'avis de vérification ;

- la proposition de rectification méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- la perte était probable dès lors que les produits classés " X 6 " qui ont fait l'objet de la provision litigieuse étaient déréférencés du catalogue et que ces produits se détériorent rapidement lorsqu'ils sont stockés au sol dans des entrepôts non chauffés ;

- les produits classés " X 6 " ne peuvent être stockés longtemps en raison de la place qu'ils occupent dans les entrepôts et sont donc voués à la destruction, ce qui justifie le taux de perte retenu ;

- sa création récente ne lui permettait pas de déterminer le montant de la perte en se fondant sur des données propres à l'entreprise et un caractère forfaire est alors admis ;

- l'administration n'a pas recherché si la provision était justifiée partiellement et, en tout état de cause, elle justifie de cette provision à hauteur de 70 % par les éléments qu'elle produit ;

- le contrat de franchise la liant à sa société mère britannique empêche que la provision, quel que soit son taux, puisse avoir un impact négatif pour le Trésor public, dès lors que cette dernière est contractuellement tenue à compenser les déficits.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 4 août 2015 et le 4 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les redressements en litige sont uniquement fondés sur des constatations effectuées sur la période visée dans l'avis de vérification ;

- la provision constituée sur les produits classés " X 6 " n'est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant ;

- l'existence de la compensation des déficits prévue par le contrat de franchise avec la société mère s'oppose au principe même de la provision litigieuse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me B...C..., représentant la SA Houdan Cuisines venant aux droits de la SA Houdan Menuiseries.

Une note en délibéré présentée pour la SA Houdan Cuisines, par Me G...F..., a été enregistrée le 21 décembre 2016.

1. Considérant que la SA Houdan Menuiseries, qui exerce une activité de marchand de meubles et d'électroménager, a constitué à la clôture de l'exercice 2006 une provision pour dépréciation des stocks en vue de constater la perte de valeur des articles qu'elle entendait retirer des catalogues de vente et qu'elle a classés en conséquence dans la catégorie " X 6 " ; qu'à cette fin, elle a appliqué au prix de revient de tous les articles classés " X 6 " un taux d'abattement de 100 %, quelles que soient les catégories d'articles concernées ; que l'administration fiscale a réintégré cette provision dans les résultats imposables de la société au motif que le risque de mévente de ces articles classés " X 6 " n'était pas établi et que, forfaitairement calculée, la provision constituée ne correspondait pas à une dépréciation évaluée avec un caractère d'approximation suffisant ; que la SA Houdan Menuiseries relève appel du jugement du 22 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006 du fait de la réintégration de cette provision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le moyen relatif à la régularité du jugement attaqué tiré de son insuffisance de motivation a été invoqué par la SA Houdan Menuiseries dans un mémoire complémentaire lequel n'a été enregistré que le 8 septembre 2015, soit après l'expiration du délai d'appel ; qu'un tel moyen fondé sur une cause juridique distincte de celle de sa demande initiale constitue une demande nouvelle qui, à la date à laquelle elle a été présentée, n'était plus recevable ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition en matière d'impôt sur le revenu :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification adressé à la SA Houdan Menuiseries indique que la période vérifiée s'étend du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ; que si la société requérante soutient que les éléments comptables qui ont servi à fonder le redressement en litige qui lui a été notifié au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006 procèdent de sondages et recoupements effectués dans la comptabilité d'exercices postérieurs, il ressort toutefois des termes mêmes de la proposition de rectification que le redressement en litige est exclusivement fondé sur le constat que certains articles classés " X 6 " ont été vendus avec marge au cours des exercices 2005 et 2006 et ont fait l'objet de réapprovisionnement au cours de la même période ; qu'ainsi, le redressement en litige repose sur des constatations effectuées par le vérificateur parmi les éléments comptables se rapportant aux exercices visés dans l'avis de vérification ; que, par suite, la circonstance que le vérificateur ait également fait procéder à des sondages et recoupements à partir des données comptables des exercices postérieurs à l'exercice clos le 31 décembre 2006 n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition, dès lors que ces sondages et recoupements n'ont pas servi de fondement au redressement notifié au titre de cet exercice et qu'aucun redressement n'a été notifié à la société requérante au titre des exercices postérieurs ; qu'en tout état de cause, les sondages et recoupements auxquels il a été procédé ne constituaient pas une vérification de comptabilité portant sur les années concernées dès lors que le vérificateur n'a pas procédé à un examen critique de la comptabilité ou contrôlé la sincérité des déclarations souscrites au titre de ces années en les comparant aux écritures comptables ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R* 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

5. Considérant qu'en l'espèce, la notification de redressement adressée à la SA Houdan Menuiseries le 4 août 2008 mentionne la nature de l'impôt concerné, le fondement légal des rehaussements en litige, la période et le montant d'imposition et expose les faits sur lesquels s'est fondé le vérificateur pour remettre en cause la déduction de la provision pour dépréciation de stock ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification est insuffisamment motivée doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 du même code : " 3. (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation ; que pareille provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante ; que l'entreprise est également en droit, devant le juge de l'impôt, de justifier par une autre méthode que celle qu'elle avait primitivement suivie, du bien-fondé de l'évaluation de ses provisions déductibles, et notamment d'établir que la provision qu'elle a constituée, justifiée dans son principe, était d'un montant inférieur à la dépréciation effective de son stock ;

7. Considérant que la SA Houdan Menuiseries soutient que les articles classés " X 6 " correspondent aux articles retirés du catalogue client qui ne peuvent alors plus être vendus, qu'ils ont vocation à être détruits dès lors que leur stockage n'est plus possible et que leur valeur est ainsi nulle ; que si la société requérante produit un constat d'huissier du 30 avril 2009 aux termes duquel elle a procédé, à cette date, à la destruction de certains articles classés " X 6 " au 31 décembre 2006 et que des produits retirés des catalogues en 2006 demeuraient invendus pour un montant de 252 000 euros, ces éléments ne permettent pas de regarder comme probable, à la clôture de l'exercice 2006, l'impossibilité d'écouler les articles classés " X6 " pour lesquels elle a constitué la provision litigieuse et dont, au demeurant, la société n'établit pas qu'ils aient été effectivement retirés de son catalogue au 31 décembre 2006 ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que certains de ces articles ont fait l'objet de ventes bénéficiaires et de réapprovisionnement au cours de l'exercice 2006, ont continué à être stockés par la SA Houdan Menuiseries jusqu'au 30 avril 2009 et, selon les documents fournis par la société requérante, ont même continué à être vendus au cours des exercices 2007 et 2008, en moyenne 20 % en dessous du prix d'achat ; qu'ainsi, le risque d'impossibilité de vente des articles " X 6 " au 31 décembre 2006 n'est pas établi ; que, par ailleurs, la société requérante ne produit aucune donnée chiffrée permettant d'établir que le taux d'abattement de 100 % retenu pour toutes les catégories d'articles sans distinction entre elles correspondait à la réalité de la dépréciation des catégories d'articles concernées ; qu'à ce titre, la circonstance que la société n'avait que deux ans d'ancienneté ne saurait justifier une impossibilité de recourir à des données propres à son exploitation et au secteur d'activité concerné ; qu'ainsi, la SA Houdan Menuiseries ne peut être regardée comme ayant déterminé, y compris devant le juge de l'impôt, avec une précision suffisante la valeur au cours du jour des articles en stock ;

8. Considérant, enfin, que la circonstance que le Trésor public ne serait pas lésé au motif de la compensation des déficits de la société Houdan Menuiseries par sa société-mère n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé des redressements en litige ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé d'admettre, dans sa totalité, la déduction de la provision litigieuse et l'a réintégrée aux résultats de la société Houdan Menuiseries au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Houdan Menuiseries n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Houdan Menuiseries est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Houdan Cuisines venant aux droits de la SA Houdan Menuiseries et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 13 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D...A..., première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : R. FERALLe président-assesseur,

Signé : M. I...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

6

N°15DA00475


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : CABINET MAZARS ZIMMERMANN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 30/12/2016
Date de l'import : 17/01/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15DA00475
Numéro NOR : CETATEXT000033783184 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-30;15da00475 ?
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