Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 septembre 2015 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Par un jugement n° 1503620 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mars 2016, MmeB..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... D...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement a été rendu dans des conditions méconnaissant l'article R. 711-3 du code de justice administrative et comporte des erreurs en ce qui concerne son identité et la nature de sa demande aux services de la préfecture, il est dès lors irrégulier ;
- la décision de refus d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir préalablement saisi la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le préfet a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vinot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante algérienne, relève appel du jugement du 8 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2015 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. " ; que le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions en application de ces dispositions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé de l'application " Sagace ", que le rapporteur public devant le tribunal administratif de Rouen a porté à la connaissance des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer dans les termes suivants : " Annulation des décisions du 18 septembre 2015 ", et " Injonction de délivrance du titre sollicité " ; que Mme B...soutient que, le jour de l'audience, le rapporteur public a conclu au rejet de sa demande ; qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier, ni des mentions du jugement attaqué, et alors que l'administration, qui n'était pas représentée lors de l'audience publique devant le tribunal, s'en remet sur ce point à l'appréciation de la cour, que le rapporteur public aurait conclu dans un sens autre que celui dont fait état Mme B...; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'irrégularité invoquée par la requérante ne peut qu'être tenue pour établie ; que Mme B...est, dès lors, fondée à soutenir que le jugement attaqué doit, pour ce motif, être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen ;
Sur les conclusions de Mme B...à fin d'annulation :
5. Considérant que M. Eric Maire, secrétaire général de la préfecture de la Seine-Maritime, a reçu, par un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 25 avril 2013, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture n° 52 du même jour, modifié par l'arrêté n° 14-16 du 24 mars 2014 régulièrement publié au recueil spécial n° 33 du même jour, délégation aux fins de signer toutes décisions relevant des attributions de l'Etat en toutes matières à l'exception de trois mesures dans le champ desquelles n'entrent pas les décisions contestées qui relèvent de la police des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 dudit accord : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissants algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. " ;
7. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou d'une convention internationale, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser sa situation ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a formé sa demande de certificat de résidence titre de séjour sur le seul fondement du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ; que la référence faite par le préfet aux critères portés par le 2 de l'article 6 de cet accord ne l'est que pour l'examen des critères d'attribution du titre de séjour sollicité par l'intéressée sur le fondement du a) de l'article 7 bis de l'accord auquel renvoie cet article ; que le préfet de la Seine Maritime s'est ainsi fondé sur les stipulations de l'article 7 bis de l'accord sur le fondement desquelles il était saisi ; que, par suite, le moyen de Mme B...tiré de la méconnaissance par le préfet des dispositions du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien est inopérant ;
9. Considérant que le préfet n'est tenu de saisir la commission départementale du titre de séjour prévue par l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, s'agissant des ressortissants algériens, du seul cas de ceux qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien équivalentes à celles de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le certificat de résidence algérien sollicité, et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces stipulations ;
10. Considérant qu'il ressort de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que Mme B...n'a pas sollicité du préfet de la Seine-Maritime la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour est entaché d'un vice de procédure, faute de saisine préalable de la commission du titre de séjour, doit être écarté ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine, (...). / Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales (...) " ; que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France ; que, si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de Mme B..., et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation ; qu'il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée ;
12. Considérant que, comme il lui était loisible de le faire, le préfet de la Seine-Maritime a examiné l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation de Mme B... compte tenu des violences conjugales qu'elle alléguait avoir subies et qui auraient causé la rupture de vie commune ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les violences décrites, notamment au travers du procès-verbal de son audition par les services de police ou les attestations de ses frères et soeurs n'ont qu'un caractère déclaratif ; que le certificat médical relatant un syndrome dépressif sévère dans un contexte de conflit conjugal, qui repose aussi sur ses déclarations, ne constitue pas un élément objectif de preuve permettant de corroborer ses déclarations ; que, dans ces conditions, la décision du préfet de la Seine-Maritime refusant à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de son pouvoir de régularisation n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
13. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle réside en France de manière habituelle depuis novembre 2013, qu'elle a un frère sur le territoire français, qu'elle dispose d'un contrat de travail et qu'elle y a noué des liens amicaux et sociaux ; que, toutefois, l'intéressée, qui est célibataire et sans charge de famille, est entrée régulièrement en France le 24 novembre 2015, moins de deux ans avant la date de l'arrêté en litige, et n'établit pas qu'elle serait dépourvue de tout lien familial dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans et bénéficié d'une insertion professionnelle ; qu'elle n'a pas non plus constitué, pendant son séjour en France, des liens privés et professionnels particulièrement stables et intenses ; que dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par Mme B... n'est pas fondée et doit être rejetée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1503620 du 8 mars 2016 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D....
Copie en sera adressée, pour information, à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 20 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. François Vinot, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : F. VINOTLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N° 16DA00624
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