Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Somme a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le contrat qu'il a conclu le 28 septembre 2010 avec la société France Télécom-Orange pour la sécurisation de l'acheminement de la ligne 18 en tant qu'il porte sur les modalités de facturation de cette prestation et la condamnation de France Telecom à la répétition de l'indu versé par lui à hauteur de la somme de 100 000 euros, à parfaire.
Par un jugement n° 1200750 du 24 juin 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande du SDIS.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er septembre 2014 et le 17 avril 2015, le service départemental d'incendie et de secours de la Somme, représenté par Me D...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 juin 2014 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) d'annuler le contrat qu'il a conclu le 28 septembre 2010 avec la société France Télécom-Orange pour la sécurisation de l'acheminement de la ligne 18 en tant qu'il porte sur les modalités de facturation de cette prestation ;
3°) de condamner la société Orange à la répétition de l'indu versé par lui à hauteur de la somme de 100 000 euros, à parfaire ;
4°) de mettre à la mise à la charge de la société Orange une somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer ;
- la prestation de sécurisation de l'acheminement des appels d'urgence constitue un prolongement de l'activité de service public ; elle est gratuite en application de l'article D. 98-8 du code des postes et communications électroniques ;
- ces irrégularités ont pour conséquence la nullité des clauses financières du contrat prévoyant la facturation de ces prestations de sécurisation de l'acheminement des appels d'urgence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2015, la société Orange, représentée par Me A...C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Somme d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le service départemental d'incendie et de secours de la Somme ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code des postes et communications électroniques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,
- et les observations de Me D...F..., représentant le service départemental d'incendie et de secours de la Somme et de Me B...E..., représentant la société Orange.
1. Considérant que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Somme a conclu le 17 septembre 2008 avec la société France Télécom, devenue société Orange, un marché de fournitures de télécommunications à bons de commandes ; qu'il a signé le 28 septembre 2010, un bon de commande pour une sécurisation de la ligne 18 par un accès fiabilisé de niveau 3 à compter du 1er janvier 2011 ; que le SDIS de la Somme relève appel du jugement du 24 juin 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation du contrat conclu le 28 septembre 2010 en tant qu'il porte sur les modalités de facturation de la prestation de sécurisation de la ligne 18 et la condamnation de la société Orange au remboursement des sommes versé par lui à hauteur de la somme de 100 000 euros, à parfaire ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués devant lui par le SDIS de la Somme et notamment à celui tenant au fait que ses appels d'offres en matière de téléphonie à partir de 2010 exigeaient déjà le plus haut degré de fiabilité dans l'acheminement des communications ; que, dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché d'omission à statuer ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article D. 98-8 du code des postes et communications électroniques, dans sa version alors en vigueur : " Règles portant sur l'acheminement et la localisation des appels d'urgence. / L'opérateur prend les mesures nécessaires pour acheminer gratuitement les appels d'urgence à partir des points d'accès publics, des points d'abonnement et des points d'interconnexion, vers le centre compétent correspondant à la localisation de l'appelant, en fonction des informations et listes transmises par les représentants de l'Etat dans les départements. Il ne reçoit pas de compensation financière de la part de l'Etat à ce titre. L'opérateur s'abstient de faire figurer sur les factures les numéros appelés à ce titre. / (...) On entend par appels d'urgence les appels à destination des numéros d'appel d'urgence des services publics chargés : -de la sauvegarde des vies humaines ; -des interventions de police ; -de la lutte contre l'incendie (...) " ;
4. Considérant en premier lieu, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;
5. Considérant, en second lieu, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;
6. Considérant que les dispositions précitées du code des postes et communications électroniques ont pour seul effet d'imposer aux opérateurs téléphoniques, dans le cadre du service universel, la gratuité de l'acheminement des appels téléphoniques d'urgence vers les services publics d'urgence, catégorie dont fait partie le SDIS de la Somme ; qu'elles n'ont pas pour effet d'imposer la gratuité de prestations supplémentaires telles que la sécurisation de la ligne 18 par un accès fiabilisé de niveau 3, niveau de fiabilisation maximum, prévoyant une installation redondante, se traduisant par deux points distincts d'entrée dans le réseau et nécessitant d'importants travaux de génie civil ; qu'en dépit du lien avec l'acheminement des appels d'urgence, il s'agit d'une prestation commerciale supplémentaire et non d'une prestation gratuite relevant des dispositions précitées ; qu'au demeurant, le SDIS de la Somme n'en ignorait en rien la nature, ayant lancé le 14 février 2012, juste avant la saisine du tribunal administratif, un nouveau marché de la sécurisation de la ligne 18, en demandant à l'opérateur France Télécom de lui fournir un prix pour cette prestation ; que, dans ces conditions, le SDIS de la Somme ne peut sérieusement soutenir qu'il n'aurait pas conclu un tel contrat s'il avait eu connaissance de l'absence de gratuité du contrat au moment de sa conclusion ; que par suite, en l'absence de toute irrégularité tenant au caractère illicite du contenu du contrat, ses conclusions tendant à l'annulation des modalités de facturation de la prestation de sécurisation de la ligne 18 prévues par le contrat du 28 septembre 2010 ne peuvent qu'être rejetées ;
7. Considérant que, par voie de conséquence, dès lors que les créances dont la société Orange a réclamé le paiement trouvent leur origine dans ce contrat, le SDIS de la Somme n'est pas fondé à demander, sur le terrain de la responsabilité quasi contractuelle, le remboursement des sommes versées à ce titre ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de la Somme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 24 juin 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation du contrat du 28 septembre 2010 et le remboursement des sommes versées par lui ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le SDIS de la Somme ; qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Somme le versement à la société Orange d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions précitées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours de la Somme est rejetée.
Article 2 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Somme versera à la société Orange la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de la Somme et à la société Orange.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°14DA01483
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