Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sanef a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la SA Entreprise Philippe Lassarat, la société Entreprise Roth et compagnie SAS, la SA Prezioso, la SARL Acogec et le Centre d'études techniques de l'équipement (CETE) Nord-Picardie à lui payer, d'une part, la somme de 2 983 135,95 euros hors taxes (HT) en réparation des désordres de corrosion apparus sur les platines des bracons des viaducs de Quehen, Herquelingue et Echinghen après la réalisation de travaux de réfection consistant en la remise en peinture complète des ouvrages, d'autre part, la somme de 56 148,40 euros hors taxes HT au titre des frais d'expertise, enfin, la somme cumulée de 40 211,80 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1103813 du 15 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, par ses articles 1er et 2, condamné le groupement des constructeurs, soit les sociétés Entreprise Philippe Lassarat SA, Entreprise Roth et compagnie SAS et Prezioso, à verser à la société Sanef la somme de 2 403 997,17 euros HT, portant intérêts à compter du 4 juillet 2011, au titre des travaux nécessaires à la reprise des peintures anticorrosion des viaducs, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, d'autre part, par son article 3, mis les frais d'expertise s'élevant à 59 381,40 euros toutes taxes comprises (TTC) à la charge de ces trois entreprises, encore, à l'article 4, condamné les sociétés Acogec et l'Etat à garantir les sociétés Entreprise Philippe Lassarat SA, Entreprise Roth et compagnie SAS et Prezioso à hauteur de 70 % des sommes mises à leur charge, enfin, à l'article 5, mis à la charge in solidum des sociétés Entreprise Philippe Lassarat SA, Entreprise Roth et compagnie SAS, Prezioso, Acogec et de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à la société Sanef sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par l'article 6, rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédures devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 8 juillet 2016, la SA Entreprise Philippe Lassarat, représentée par la SELARL Griffiths, Duteil associés, demande à la cour :
1°) de réformer l'article 4 du dispositif du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas prononcé une condamnation solidaire de la SARL Acogec et de l'Etat à la garantir à hauteur de 70 % des condamnations prononcées à son encontre ;
2°) de condamner la SARL Acogec et l'Etat à la garantir solidairement à hauteur de 70 % des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la ou des parties perdantes la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article 4 n'a pas formellement précisé, contrairement à ce qu'elle avait expressément indiqué en première instance, que la condamnation de l'Etat et de la SARL Acogec à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, était solidaire ;
- si le CETE a pris une part active dans le choix des produits à appliquer, la SARL Acogec a rédigé le dossier de consultation des entreprises ;
- il ne peut être reproché aux entreprises du groupement d'avoir manqué, dans les conditions de l'espèce, à leur devoir de conseil ;
- l'absence de meulage des arêtes des platines n'est pas la cause des désordres ;
- la société Sanef ne justifie pas des sommes complémentaires qu'elle réclame.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 avril 2015, 20 mai 2016 et 30 juin 2016, la SARL Acogec, représentée par Me E...A..., conclut :
1°) au rejet de la requête en tant qu'elle comporte des conclusions dirigées contre elle ;
2°) à la réformation de l'article 4 du jugement attaqué comme elle l'a demandée dans sa requête enregistrée sous le n° 15DA000291 ;
3°) à la mise à la charge de la SA Entreprise Philippe Lassarat de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel de la SA Entreprise Philippe Lassarat est tardif ;
- la juridiction administrative est compétente pour statuer sur son appel en garantie ;
- il n'entrait pas, au regard des pièces contractuelles qui établissent clairement la répartition des missions au sein du groupement, dans sa mission, purement administrative, d'intervenir dans les missions techniques tant au niveau de la conception que de la surveillance ou de la réception des travaux, ces missions étant confiées explicitement et exclusivement à l'Etat à travers le CETE Nord-Picardie, qui doit seul la garantir entièrement des condamnations prononcées à son encontre ;
- le groupement d'entreprises n'a émis aucune réserve quant au choix de la solution anticorrosion et n'a pas fait de proposition alternative ;
- la responsabilité de la société Sanef doit être retenue à hauteur de 50 % au titre, d'une part, de l'absence d'entretien de l'ouvrage et, d'autre part, de son ingérence, en tant que maître d'ouvrage, dans l'opération de construction ;
- l'indemnisation du préjudice subi doit être ramenée à la somme de 1 800 000 euros HT.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 22 mai 2015, la SA Entreprise Philippe Lassarat conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre que son appel n'est pas tardif.
La société Prezioso Linjebygg et l'Entreprise Roth et compagnie SAS, représentées par Me B...F..., ont présenté leurs observations par deux mémoires enregistrés le 28 janvier 2016.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que l'Etat soit intégralement garanti de toute condamnation mise à sa charge par la SARL Acogec et les entreprises Prezioso, Roth et compagnie et Lassarat.
Elle soutient que :
- la société Sanef était dépourvue de qualité pour agir ;
- les entreprises sont responsables des désordres ;
- à titre subsidiaire, l'Etat devra être garanti compte tenu des fautes respectives des constructeurs.
La société Sanef, représentée par la SELARL Grange, D..., Ramdénie, a présenté ses observations par un mémoire enregistré le 17 juin 2016.
Vu l'ordonnance du 29 juillet 2016 prononçant la clôture immédiate de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me E...A..., représentant la société Acogec, de Me B...F..., représentant la société Prezioso Linjebygg et la société Entreprise Roth et compagnie SAS, et de Me H... D..., représentant la société Sanef.
Une note en délibéré présentée par Me E...A..., pour la SARL Acogec, a été enregistrée le 18 octobre 2016.
1. Considérant que la société Sanef, concessionnaire de l'Etat pour la construction, l'entretien et l'exploitation de l'autoroute A 16, a conclu, en sa qualité de maître d'ouvrage, le 18 décembre 1995, un marché de construction de trois viaducs à Quehen, Herquelingue et Echinghen (dits " viaducs du boulonnais "), situés sur l'autoroute A16, à la hauteur de Boulogne-sur-Mer ; que ces travaux ont été réceptionnés le 12 janvier 1998 et les réserves levées ; que des phénomènes de corrosion ayant été relevés à compter du mois d'août 1999, le tribunal administratif de Lille a désigné, le 2 janvier 2003, M.C..., en qualité d'expert, pour analyser les causes de ces désordres ; qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise de ce dernier, les parties au marché de construction ont transigé et, notamment, l'assureur du groupement d'entreprises a versé à la société Sanef la somme de 4 400 000 euros pour une remise en peinture complète des viaducs ; que, le 21 janvier 2005, la maîtrise d'oeuvre des travaux de réfection a été confiée au groupement de maîtrise d'oeuvre solidaire composé de la SARL Acogec, mandataire, et du centre d'études techniques de l'équipement (CETE) Nord-Picardie, tous deux ayant pour sous-traitant, chargé du suivi des travaux, la société ICRS ; que le 27 mars 2006, les travaux de réfection ont été confiés au groupement solidaire d'entreprises composé de la société Prezioso Linjebygg, de la société Roth et compagnie et de la société Entreprise Philippe Lassarat SA, mandataire, ayant pour sous-traitant la société Soprotec, chargée du traitement des platines et bracons ; que ces travaux ont fait l'objet de " réceptions partielles " sans réserve au fur et à mesure de leur réalisation puis d'une réception globale, le 25 septembre 2008, avec effet au 15 mars 2008, assortie de deux réserves dont l'une portant sur les platines des bracons des trois viaducs, où sont apparues, dès novembre 2006, des traces de corrosions ; que, le 19 février 2008, le tribunal administratif de Lille a désigné M. G...en qualité d'expert pour analyser l'étendue et les causes de ces désordres ; que ce dernier a déposé son rapport le 30 avril 2010 ; que, saisi par la société Sanef, le tribunal administratif de Lille a, aux termes des articles 1er et 2 de son jugement du 15 décembre 2014, condamné les sociétés formant le groupement des entreprises à lui verser la somme de 2 403 997, 17 euros hors taxes (HT), avec intérêts à compter du 4 juillet 2011, au titre des travaux nécessaires à la reprise des peintures anticorrosion des viaducs ; que, par l'article 3 de ce jugement, il a mis les frais d'expertise, s'élevant à 59 381, 40 euros toutes taxes comprises (TTC), à la charge des trois entreprises du groupement ; que, par l'article 4 du même jugement, il a condamné la maîtrise d'oeuvre, soit la SARL Acogec et l'Etat, dont relève le CETE Nord-Picardie, à garantir la société Entreprise Philippe Lassarat SA, la société Entreprise Roth et compagnie SAS et la société Prezioso Linjebygg, à hauteur de 70 % des sommes mises à leur charge ; qu'il a, aux termes de l'article 5, mis à la charge in solidum de ces sociétés ainsi que de la SARL Acogec et de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à la société Sanef sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, par l'article 6 de ce jugement, rejeté le surplus des conclusions des parties ;
2. Considérant que, par la présente requête, la société Entreprise Philippe Lassarat SA relève appel de ce jugement, en tant que, par l'article 4, le tribunal n'a pas prononcé de condamnation solidaire de la SARL Acogec et de l'Etat ; que la SARL Acogec reprend ses conclusions d'appel principal présentées sous le n° 15DA00291 ; que l'Etat conclut à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, demande à être totalement garanti des conclusions prononcées à son encontre par les autres constructeurs ;
Sur les conclusions d'appel principal de la société Entreprise Philippe Lassarat SA dirigées contre l'article 4 du jugement :
3. Considérant que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a condamné la SARL Acogec et l'Etat à garantir les sociétés Philippe Lassarat SA, Entreprise Roth et compagnie SAS et Prezioso à concurrence de 70 % des condamnations prononcées à leur encontre ; que, s'il n'a pas explicitement prononcé une condamnation solidaire des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, il n'a pas pour autant procédé à la répartition de cette charge entre l'Etat et la SARL Acogec et a par ailleurs rejeté les conclusions de la SARL Acogec tendant à être garantie par l'Etat des condamnations prononcées à son encontre ; que, dans ce conditions, le dispositif doit dès lors être lu comme valant condamnation solidaire des deux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, ce qu'aucune des parties ne conteste ; qu'au demeurant, pour l'exécution de cet article l'Etat a payé l'intégralité du montant dû aux entreprises ; qu'il en résulte, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Acogec, que la société Entreprise Philippe Lassarat SA n'est pas fondée à demander à la cour de réformer l'article 4 du jugement précité en tant qu'il se serait abstenu de prononcer une condamnation solidaire ;
Sur les conclusions d'appel de la SARL Acogec et d'appel croisé de l'Etat :
4. Considérant que, par un appel principal enregistré sous le n° 15DA00291, la SARL Acogec a demandé, à titre principal, l'annulation de l'article 6 du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'appel en garantie de l'Etat, et, à titre subsidiaire, une diminution de l'assiette de l'indemnité que le groupement de maîtrise d'oeuvre avait été condamnée à garantir dans les proportions fixées à l'article 4 du même jugement ; que dans la même instance, l'Etat a présenté un appel incident contre la SARL Acogec ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y statuer à nouveau dans la présente instance où ces conclusions ne constituent qu'une reprise des conclusions de l'instance n° 15DA00291 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Entreprise Philippe Lassarat SA obtienne la somme demandée sur ce fondement ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à charge de la société Entreprise Philippe Lassarat SA une somme de 1 000 euros à verser à la SARL Acogec sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Entreprise Philippe Lassarat SA est rejetée.
Article 2 : La société Entreprise Philippe Lassarat SA versera la somme de 1 000 euros à la SARL Acogec sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la à la société Entreprise Philippe Lassarat SA, à la SAS Prezioso Linjebygg, à la société Entreprise Roth et compagnie SAS, à la société Sanef, à la société Acogec et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Délibéré après l'audience publique du 14 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 novembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°15DA00386 2