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15/11/2016 | FRANCE | N°15DA00158

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2016, 15DA00158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société ENEDIS (anciennement ERDF) à lui verser une somme de 1 076 082 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident survenu le 11 septembre 2005.

Par un jugement n° 1106112 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2015 et le 1er juillet 2015, M. E..., représenté par

Me C... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société ENEDIS (anciennement ERDF) à lui verser une somme de 1 076 082 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident survenu le 11 septembre 2005.

Par un jugement n° 1106112 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2015 et le 1er juillet 2015, M. E..., représenté par Me C... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 décembre 2014 ;

2°) à titre principal, d'une part, d'ordonner une expertise afin d'évaluer l'aggravation de ses préjudices et l'importance des séquelles psychologiques et, d'autre part, de condamner la société ENEDIS au versement d'une indemnité provisionnelle ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société ENEDIS à lui verser la somme de 1 076 082 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident survenu le 11 septembre 2005 ;

4°) de mettre à la charge de la société ENEDIS le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité d'ENEDIS est engagée en raison tant du caractère exceptionnellement dangereux du site, que des manquements dans la sécurisation du site et la signalisation du danger ;

- il n'a pas commis de faute présentant un caractère de gravité suffisant pour exonérer entièrement ENEDIS de sa responsabilité ;

- une nouvelle expertise est nécessaire compte tenu de l'aggravation de son état de santé tant physique que psychique ;

- l'allocation d'une indemnité provisionnelle est justifiée ;

- l'accident lui a causé des préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 22 mai et 1er juin 2015, la société ENEDIS, représentée par Me G...A..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- M. E...avait la qualité d'usager anormal du service public, sa responsabilité sans faute n'est, dès lors, pas susceptible d'être engagée ;

- les normes de sécurité en vigueur étaient respectées ;

- la faute de M. E...l'exonère de toute responsabilité ;

- ni la seconde expertise, ni l'allocation d'une indemnité provisionnelle ne sont justifiées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me C...F...représentant M.E..., et de Me G... A..., représentant la société ENEDIS.

1. Considérant que M. D...E...a été victime, le 11 septembre 2005, d'une électrocution et d'une chute après avoir pénétré dans l'enceinte d'un transformateur électrique ; qu'il relève appel du jugement du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société ENEDIS à lui verser une somme de 1 076 082 euros au titre des préjudices qu'il a subis suite à son accident ;

Sur la responsabilité d'ENEDIS :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du compte rendu des résultats de l'enquête menée par les services de police, rédigé le 7 mars 2006, que D...E..., alors âgé de treize ans et son cousin Kevin, âgé de douze ans à la date de l'accident, se sont introduits dans l'enceinte du site d'Electricité de France situé rue de Tourcoing à Roubaix (Nord) ; qu'après avoir escaladé une grille, ils ont pris appui sur celle-ci pour atteindre un rebord de fenêtre, puis un second, afin de pouvoir se hisser sur le toit d'un bâtiment en brique, avant d'en redescendre par une échelle métallique, et de pénétrer dans l'enceinte du transformateur électrique ; que le jeune D...E...a été grièvement brûlé suite à la formation d'un arc électrique alors qu'il montait sur le transformateur, et a chuté d'une hauteur de trois mètres ; qu'il doit être regardé dans ces conditions comme un usager anormal de l'ouvrage public que constitue le transformateur électrique ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 44 de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique : " § 2. Les postes extérieurs doivent être entourés d'une clôture d'une hauteur de 2 mètres au minimum, munie d'une porte pouvant être fermée à clef ou dont l'accès est surveillé. Des écriteaux très apparents doivent être apposés partout où il est nécessaire pour avertir le public du danger. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les murs d'enceinte du transformateur mesurent plus de deux mètres de hauteur, et que les deux voies d'accès direct à ce poste électrique, depuis les rues Jacquard et Turgot, étaient munies de portes cadenassées et de panneaux signalant un danger de mort ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le site concerné respectait ainsi les normes de sécurité prévues par l'article 44 de l'arrêté du 17 mai 2001 et citées au point 3 ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, cet ouvrage public ne peut être regardé comme présentant un caractère exceptionnellement dangereux susceptible d'engager pour ce motif la responsabilité sans faute de la société ENEDIS ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit au point 4, le site respectait les normes de sécurité et était muni de clôtures hautes et de panneaux signalant un danger de mort sur les deux accès directs ; que si l'accès emprunté par D...E...et son cousin, par la façade et le toit d'un bâtiment administratif proche de l'entrée du public, situé rue de Tourcoing, ne comportait pas de signalisation particulière, il résulte des pièces du dossier, et notamment du rapport d'enquête mentionné au point 2, comme l'a reconnu la victime elle-même, qu'il ne s'agissait pas d'une voie d'accès direct, mais d'un moyen d'accès détourné utilisé pour y pénétrer illégalement ; qu'en outre, des panneaux informant d'un danger grave obstruaient la zone des transformateurs une fois sur le site ; que si la maçonnerie de la façade du bâtiment administratif offrait quelques opportunités d'escalade, le parcours emprunté par les adolescents, détaillé au point 2, tel qu'il a été rapporté par le requérant et son cousin, s'avérait difficile et nécessitait à la fois de la ténacité et une grande agilité physique ; que, dans ces circonstances, les mesures prises par la société ENEDIS doivent être regardées comme suffisantes pour éviter les intrusions dans le périmètre du transformateur ;

6. Considérant qu'il résulte en outre de l'instruction, que le père du jeune B...avait, préalablement à l'accident, informé son fils de l'interdiction de pénétrer sur le site d'EDF ; que les deux adolescents ont affirmé, durant leurs auditions par les officiers de police judiciaire, avoir vu les panneaux leur signalant un danger de mort, et avoir néanmoins continué leur parcours ; que, par suite, l'accident en cause est imputable uniquement à la grave imprudence de la victime, entrée délibérément dans l'emprise du transformateur, après avoir escaladé un bâtiment et franchi une zone signalant le danger ; que, dans ces conditions, les premiers juges ont pu estimer à bon droit que la faute commise par M. E...exonérait la société ENEDIS de toute responsabilité ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions à fin d'expertise, ni à celles tendant au versement d'une indemnité provisionnelle ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société ENEDIS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. E...une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et à la société ENEDIS.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing.

Délibéré après l'audience publique du 18 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 novembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : M. H...La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

2

N°15DA00158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00158
Date de la décision : 15/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS SYLVIE VERNASSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-11-15;15da00158 ?
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