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03/11/2016 | FRANCE | N°14DA01844

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2016, 14DA01844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen de constater l'existence de faits de harcèlement moral qu'elle a subis au sein du collège Evariste Gallois de Breteuil-sur-Iton, de reconnaître qu'elle souffre d'une maladie professionnelle depuis le 11 mai 2012 et que celle-ci lui ouvre droit au maintien de son traitement jusqu'à son rétablissement, de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 15 200 euros au titre de l'indemnisation de la perte de salaire subie et d'une somme de 10 000 euros au titr

e de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1301297 du 7 octobre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen de constater l'existence de faits de harcèlement moral qu'elle a subis au sein du collège Evariste Gallois de Breteuil-sur-Iton, de reconnaître qu'elle souffre d'une maladie professionnelle depuis le 11 mai 2012 et que celle-ci lui ouvre droit au maintien de son traitement jusqu'à son rétablissement, de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 15 200 euros au titre de l'indemnisation de la perte de salaire subie et d'une somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1301297 du 7 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2014, Mme D...représentée par Me C...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de constater l'existence de faits de harcèlement moral qu'elle a subis au sein du collège Evariste Gallois de Breteuil-sur-Iton ;

3°) de juger qu'elle souffre d'une maladie professionnelle depuis le 11 mai 2012 et que celle-ci lui ouvre droit au maintien de son plein traitement jusqu'à son rétablissement ;

4°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 15 200 euros au titre de l'indemnisation de la perte de salaire subie ;

5°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation ;

- la réalité du harcèlement moral dont elle a été victime est établie ;

- sa maladie a dès lors une origine professionnelle ;

- elle doit être indemnisée de l'ensemble des préjudices subis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2015, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 50-531 du 25 mai 1950 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-François Papin, rapporteur public concluant en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative ;

1. Considérant que MmeE..., professeur certifiée de mathématiques, enseigne depuis 2007 au collège Evariste Gallois de Breteuil-sur-Iton (Eure) ; qu'elle relève appel du jugement du 7 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la constatation de l'existence de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime au sein de cet établissement, à la reconnaissance de sa maladie professionnelle depuis le 11 mai 2012 lui ouvrant droit au maintien de son traitement jusqu'à son rétablissement, à la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 15 200 euros au titre de l'indemnisation de la perte de salaire subie et d'une somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que ceux-ci énoncent avec une précision suffisante les considérations de fait et de droit constitutives de l'accusation de harcèlement moral portée par la requérante ; qu'en justifiant par " la réduction de la dotation horaire octroyée à cet établissement dans la discipline enseignée par l'intéressée " et " par les nécessités du service " le partage du poste de Mme D...entre les collèges Evariste Gallois de Breteuil-sur-Iton et Maurice de Broglie à Broglie, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement, sans qu'il ait à examiner les raisons ayant conduit la principale du collège Evariste Gallois à privilégier un modèle de répartition des heures d'enseignement par rapport à un autre, diminuant l'horaire d'enseignement des mathématiques au bénéfice d'autres matières ;

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il appartient à l'agent qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime de ce comportement ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant que MmeE..., pour établir avoir été victime de harcèlement moral, relève qu'elle a été informée, en février 2012, qu'à compter de la rentrée scolaire de septembre 2012, ses dix-huit heures hebdomadaires de service seraient réparties par moitié entre le collège Evariste Gallois de Breteuil-sur-Iton et le collège Maurice de Broglie à Broglie, distant de 38 kilomètres ; qu'il est constant qu'elle n'a pas demandé l'annulation de cette décision ; que l'absence d'écoute de sa hiérarchie sur les difficultés personnelles créées par cette situation, lui imposant ce parcours trois fois par semaine, alors qu'elle avait exercé pendant quinze ans les fonctions de maître auxiliaire dans différents établissements, a été selon la requérante à l'origine de son congé de longue maladie pour dépression à compter du 11 mai 2012 ; qu'elle soutient aussi avoir été victime de propos malveillants de la part de la principale du collège Evariste Gallois ;

6. Considérant, toutefois, que la réalité du motif de la mesure envisagée, tiré de la diminution de la dotation horaire globale en mathématique et de la situation de MmeE..., dernière arrivée au collège Evariste Gallois, est établie ; que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir du fait que des enseignants d'autres matières auraient bénéficié d'emplois du temps mieux répartis que le sien du fait de leur proximité avec la principale du collège Evariste Gallois ; que cette seule circonstance ne peut établir la réalité d'une situation de harcèlement moral ; que les propos maladroits, voire excessifs de la part de la principale du collège, implicitement reconnus par le ministre en cause d'appel, s'ils traduisent assurément une mauvaise ambiance de travail, n'établissent pas non plus la réalité d'une situation de harcèlement moral ; qu'au demeurant, la notation de MmeE..., établie par ce chef d'établissement au titre de l'année 2011, est bonne et ne manifeste aucune animosité à son égard ; qu'il est aussi constant qu'une partie de ses voeux en vue de l'année scolaire 2012-2013 avait été prise en compte par la principale du collège Evariste Gallois ; que, dès lors, la réalité du harcèlement moral évoqué par Mme D...n'est pas établie ;

7. Considérant que par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires de Mme D... doivent être rejetées ;

8. Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de procéder à des déclarations de droits ; que, par suite, les conclusions de Mme D...tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, fondées sur l'existence d'un harcèlement moral sont irrecevables et doivent être rejetées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience publique du 20 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 novembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°14DA01844

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01844
Date de la décision : 03/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Papin
Avocat(s) : GRUAU

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-11-03;14da01844 ?
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