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18/10/2016 | FRANCE | N°15DA00076

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 18 octobre 2016, 15DA00076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1107099 du 22 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2015 et le 26 mars 2015, M. E..., r

eprésenté par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1107099 du 22 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2015 et le 26 mars 2015, M. E..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 décembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Lille est irrégulier en ce qu'il a omis de viser un mémoire enregistré au greffe le 28 août 2014 et que la minute du jugement n'est pas signée par les magistrats et le greffier ;

- l'administration a procédé à une reconstitution théorique du solde de caisse à la date du 10 juin 2010 alors qu'elle avait connaissance de la déclaration de résultats souscrite au titre de l'exercice clos le 31 mars 2010 ; le revenu distribué aurait ainsi dû lui être notifié au titre de l'année 2010 ;

- elle aurait dû limiter la rectification à l'année 2010 et ne pas procéder à des redressements sur les années antérieures ;

- le montant du solde de caisse retenu par le service au 31 mars 2006 n'est pas cohérent avec l'activité de l'entreprise ;

- l'administration n'a pas tenu compte du vol à l'arraché d'une mallette contenant des espèces et de détournements de fonds commis par un employé qui étaient de nature à justifier la différence entre le solde comptable de la caisse et le solde réel ;

- elle n'a pas mis en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts pour connaître l'identité des bénéficiaires des revenus distribués ;

- elle n'a pas démontré qu'il avait appréhendé les sommes regardées comme désinvesties de la société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- l'administration ne pouvait engager d'opérations de contrôle sur l'exercice clos le 31 mars 2010 dès lors que la date limite de dépôt des liasses concernant cet exercice n'était pas intervenue ;

- le solde du compte caisse au 31 mars 2006 retenu par le service est celui mentionné dans les écritures comptables de l'entreprise et est cohérent avec celui constaté par le relevé matériel de caisse effectué le 10 juin 2010 ; le requérant, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre, en tout état de cause, pas l'erreur comptable qu'il allègue ;

- le montant de la somme déclarée volée alléguée par le requérant est excessif dans la mesure où il est six fois supérieur aux versements habituels ;

- le requérant n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations relatives aux détournements de fonds opérés par un membre de son personnel qui seraient de nature à justifier l'intégralité des mouvements de caisse constatés ;

- M.E..., qui possède l'intégralité des parts sociales de l'EURL Pharmacie Takenne et est maître de l'affaire, doit être regardé comme le bénéficiaire des revenus distribués au sens de l'article 109-1-2° du code général des impôts ; l'administration apporte ainsi la preuve de l'appréhension par l'intéressé des recettes dissimulées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de l'EURL Pharmacie Takenne portant sur la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2009 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a mis à la charge de M.E..., gérant et associé unique de cette société, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre des années 2007, 2008 et 2009 ; que M. E...relève appel du jugement du 22 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision rendue par une juridiction administrative " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ;

3. Considérant qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement du 22 décembre 2014 que les premiers juges ont visé l'ensemble des mémoires échangés entre les parties et analysé tous leurs moyens et conclusions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu les dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative manque en fait ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;

5. Considérant que si M. E...soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas comporter l'ensemble des signatures requises par ces dispositions, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement, jointe au dossier de première instance transmis à la cour, que ce moyen manque en fait ; que la circonstance que l'expédition notifiée à l'intéressé ne comportait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur le bien fondé des impositions contestées :

6. Considérant, en premier lieu, qu'au cours de la vérification de comptabilité de l'EURL Pharmacie Takenne engagée le 10 février 2010, l'administration a limité son contrôle, dans le cadre de son droit de reprise, aux exercices clos les 31 mars 2007, 2008 et 2009 ; qu'elle a constaté des décaissements inexpliqués en comparant le solde comptable au solde réel de la caisse de l'entreprise au 31 mars 2009, date du dernier exercice vérifié ; que pour effectuer cette comparaison, elle a procédé à un contrôle matériel de cette caisse le 10 juin 2010 ; qu'il est constant qu'à cette date, la déclaration de résultats de l'exercice clos le 31 mars de l'année 2010 n'était pas intervenue ; que par suite, l'administration ne pouvait se fonder sur la déclaration de résultats de l'entreprise relative à l'exercice clos le 31 mars 2010 établie le 3 août 2010, pour procéder au contrôle du solde de caisse ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué le solde de caisse au 31 mars 2009, pour le fixer à 37 373,08 euros au lieu d'un solde comptable de 116 465,80 euros, en se fondant sur le relevé des mouvements effectués entre cette date et le montant constaté le 10 juin 2010 établi par l'entreprise à la demande du vérificateur ainsi que sur les écritures comptables de la société ; que M. E... ne démontre pas plus en appel qu'en première instance que la méthode de reconstitution ainsi retenue par l'administration serait radicalement viciée ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant critique le montant du solde de caisse retenu par l'administration au 31 mars 2006 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'administration a retenu le montant du solde du compte caisse de l'EURL Pharmacie Takenne au 31 mars 2006 indiqué dans les écritures comptables de l'entreprise, soit la somme de 3 763 euros ; que M.E..., à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas que ce solde ne serait pas cohérent avec l'activité de l'entreprise alors que la somme de 3 763 euros apparaît compatible avec celle figurant dans la caisse au 10 juin 2010 ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si M. E...fait valoir qu'il a été victime d'un vol à l'arraché d'une mallette d'un montant de 59 600 euros contenant des espèces alors qu'il se rendait à la banque et de détournements de fonds commis par un employé pour justifier la différence entre le solde comptable de la caisse et le solde réel, toutefois, le seul procès-verbal de police produit, qui reprend les propres déclarations du requérant, n'est corroboré par aucun autre élément alors qu'il résulte de l'instruction que l'administration a constaté au cours de la période vérifiée des versements en espèces excédant rarement un montant de 10 000 euros ; que par suite, l'administration a pu estimer que ces éléments n'étaient pas de nature à justifier les mouvements de caisse constatés et en l'absence d'éléments permettant de dater précisément ces revenus appréhendés, les taxer à la clôture de chacun des exercices vérifiés ;

9. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article 41 de l'annexe II du code général des impôts : " Il est procédé à la comparaison du total des postes de capital, de réserves et de résultats figurant au bilan à la clôture de la période considérée avec le total des mêmes postes figurant au bilan à la clôture de la période précédente (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution (...) " ;

10. Considérant que, lorsque l'identité du bénéficiaire d'une distribution opérée par une société résulte sans ambiguïté des circonstances de l'affaire elle-même, la circonstance que l'administration n'ait pas, en application des dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts, invité la société à lui fournir des indications complémentaires ne fait pas obstacle à ce qu'elle puisse procéder, en application de l'article 109 du même code, à l'imposition entre les mains du bénéficiaire des revenus correspondant aux sommes ainsi distribuées ;

11. Considérant qu'à l'issue de la reconstitution théorique du solde de caisse de l'EURL Pharmacie Takenne, l'administration a considéré comme des revenus distribués au sens de l'article 109 du code général des impôts et mis à la charge de M.E... le montant total des différences entre le solde de caisse au bilan de clôture et le solde de caisse au bilan d'ouverture constatées pour les exercices vérifiés ; qu'il résulte de l'instruction que M. E... est le gérant et associé unique de l'EURL Pharmacie Takenne dont il possède l'intégralité des parts ; qu'il est le seul détenteur de la clé du coffre de la pharmacie où sont déposées les espèces et peut ainsi disposer sans contrôle des fonds sociaux ; qu'il est aussi destinataire des comptes établis par l'expert comptable de la société et est le seul à décider de la mise en place des contrôles internes au sein de l'entreprise ; qu'en conséquence, l'administration, qui a pris en compte ces éléments précis et concordants tirés du fonctionnement même de l'EURL, a démontré qu'il était bien le seul maître de l'affaire ; que par suite, elle doit être regardée comme ayant apporté la preuve, qui lui incombe, que M. E...est le bénéficiaire des sommes en litige et a pu, par suite, mettre celles-ci à sa charge sans mettre en oeuvre la procédure spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 20 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 octobre 2016.

Le rapporteur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA00076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 15DA00076
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-10-18;15da00076 ?
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