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06/10/2016 | FRANCE | N°16DA00809

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 06 octobre 2016, 16DA00809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 juin 2015 par laquelle la préfète du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français, d'autre part, de faire injonction à la préfète du Pas-de-Calais de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1505691 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés le 28 avril 2016 et le 7 septembre 2016, M. A..., représenté par Me D...E....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 juin 2015 par laquelle la préfète du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français, d'autre part, de faire injonction à la préfète du Pas-de-Calais de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1505691 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2016 et le 7 septembre 2016, M. A..., représenté par Me D...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 mars 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la préfète du Pas-de-Calais du 22 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Pas-de-Calais de procéder, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que la décision contestée aurait été prise par une autorité valablement habilitée par une délégation de signature régulièrement consentie ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- pour estimer que sa présence sur le territoire français représentait une menace grave et actuelle pour l'ordre public, la préfète du Pas-de-Calais a méconnu l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- il figurait, à la date de la décision contestée, parmi les ressortissants étrangers visés au 5° de l'article L. 521-3 de ce code qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent légalement faire l'objet d'une mesure d'expulsion ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2016, la préfète du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me D...E..., représentant M.A....

1. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 22 juin 2015 contestée ;

2. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de cette décision que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la mesure d'expulsion du territoire français prise à l'égard de M.A..., ressortissant marocain ; que, par suite et alors même que ces motifs, s'ils exposent la nature des attaches familiales dont dispose l'intéressé en France, ne précisent pas que M. A...est hébergé par ses parents et ne font pas de référence expresse à son état de santé, cette décision est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., entré sur le territoire français au cours de l'année 2005 dans le cadre du regroupement familial, s'est, dès l'année 2009, fait défavorablement connaître des services de police pour de faits de vol qui ont justifié que le juge pénal le condamne à une peine d'emprisonnement assortie du sursis ; que l'intéressé a, ensuite, persisté dans son comportement délictueux, en réitérant de tels agissements dans des conditions croissantes de gravité, ce qui l'a conduit à faire l'objet à cinq autres reprises de condamnations pénales entre 2009 et 2012, à raison de faits de vol, de vol en réunion, puis de vol avec violences et d'extorsion ; qu'une nouvelle condamnation, pour des faits de vol aggravé commis ensuite, a été prononcée en 2013 ; que ces agissements récurrents de M. A...ne sauraient être justifiés par les seuls troubles du comportement résultant de la conjonction d'une addiction alcoolique avec le traitement qui lui est prescrit pour la prise en charge du diabète dont il est atteint ; que d'ailleurs, loin de s'amender à la suite de son incarcération en février 2013, l'intéressé, qui n'était alors plus sous l'emprise de l'alcool, a adopté un comportement ayant justifié l'établissement de treize comptes-rendus d'incidents disciplinaires et de quatre retraits de crédits de réduction de peine, M. A...s'étant même rendu coupable de menaces proférées à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique et ayant fait l'objet, à raison de ces faits commis au début de l'année 2014, soit à peine plus d'un an avant la date de la décision contestée, d'une nouvelle condamnation pénale le 15 avril 2014 ; qu'ainsi, malgré une amélioration tardive par M. A...de son comportement en milieu carcéral, à compter seulement d'octobre 2014, et le voeu de formation que celui-ci a émis au cours de l'année 2015, la préfète du Pas-de-Calais ne s'est pas manifestement méprise dans l'appréciation des faits de l'espèce en estimant, pour prendre l'arrêté d'expulsion en litige, qu'en raison de l'ensemble de son comportement et eu égard notamment à la gravité croissante des faits ayant donné lieu aux condamnations susmentionnées et à leur récidive, la présence de M. A... sur le territoire français constituait, à la date à laquelle la décision en litige a été prise, une menace grave et actuelle pour l'ordre public ; que la préfète n'a, en prenant cette décision, pas davantage méconnu l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / (...) / 5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé. / (...) " ;

6. Considérant qu'il est constant que M. A...bénéficie en France d'un suivi médical à raison d'un diabète insulinodépendant et de troubles psychologiques ; que, par un avis émis le 10 mars 2015, le médecin de l'agence régionale de santé du Nord - Pas-de-Calais a estimé, alors qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il n'aurait pas pris en considération, au vu du dossier médical qui lui a été communiqué, la globalité de l'état de santé de l'intéressé, que cet état rendait nécessaire une prise en charge médicale, dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que des traitements appropriés à la prise en charge des pathologies de M. A...étaient disponibles au Maroc, pays vers lequel l'intéressé pourrait voyager sans risque ; que le requérant ne critique pas utilement l'appréciation portée par l'autorité préfectorale au vu notamment de cet avis en faisant seulement état de ce qu'il pourrait ne pas être en mesure d'accéder financièrement à de tels traitements au Maroc, ces considérations étant, par elles-mêmes, sans incidence sur la disponibilité de ceux-ci dans ce pays ; qu'au demeurant, il n'est pas sérieusement contesté qu'un régime d'assurance médicale pour les plus démunis, qui couvre notamment les pathologies psychiatriques, y est en vigueur et M. A...n'avance aucun élément de nature à démontrer qu'il ne pourrait avoir accès à cette prise en charge ; qu'il suit de là qu'il n'est pas établi que l'intéressé se soit trouvé, à la date de la décision contestée, au nombre des ressortissants étrangers visés par les dispositions précitées du 5° de l'article L. 521-3 de ce code qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent légalement faire l'objet d'une mesure d'expulsion ;

7. Considérant que, si M.A..., entré en France en 2005, fait état de la présence auprès de lui de ses parents, qui l'hébergent, ainsi que de celle de l'un de ses frères, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant ; que M. A...n'établit pas, par les seules attestations versées au dossier, que la présence de ses parents lui serait indispensable au quotidien, ni qu'il serait dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel il a habituellement vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans, où il a effectué de nombreux séjours au cours des années 2007 à 2012 et où résident ses autres frères, une soeur, ainsi que ses oncles et tantes ; que l'intéressé, dont le comportement ne révèle pas une volonté notable d'intégration à la société française, n'a obtenu aucun diplôme durant la scolarité qu'il a poursuivie en France, ne s'est inscrit dans un processus de formation de remise à niveau durant sa détention qu'au cours de l'année 2015 et n'a fait état d'aucun projet professionnel ; que, par suite et eu égard à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressé, ainsi qu'au but de protection de l'ordre public poursuivi par la décision attaquée, il n'est pas établi que cette décision ait porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive, ni que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aient été méconnues par la préfète du Pas-de-Calais ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 octobre 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°16DA00809


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00809
Date de la décision : 06/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : BENMOUFFOK

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-10-06;16da00809 ?
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