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06/10/2016 | FRANCE | N°14DA00714

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 06 octobre 2016, 14DA00714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NC Déménagement a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 mai 2011 par laquelle la région Nord-Pas-de-Calais a rejeté son offre présentée en vue de l'attribution du marché ayant pour objet le déménagement, stockage, transfert de mobilier et de machines outils dans les établissements publics locaux d'enseignement dont la région a la charge, ensemble le marché conclu le 23 juin 2011 par la région avec la société Brevière ;

Par un jugement n° 110413

6 du 18 février 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions tendant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NC Déménagement a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 mai 2011 par laquelle la région Nord-Pas-de-Calais a rejeté son offre présentée en vue de l'attribution du marché ayant pour objet le déménagement, stockage, transfert de mobilier et de machines outils dans les établissements publics locaux d'enseignement dont la région a la charge, ensemble le marché conclu le 23 juin 2011 par la région avec la société Brevière ;

Par un jugement n° 1104136 du 18 février 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 mai 2011 et a annulé le marché conclu le 23 juin 2011 avec la société Brevière.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 avril 2014 et 27 mars 2015, la région Nord-Pas-de-Calais, représentée par Me D...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 18 février 2014, en tant qu'il a annulé le marché conclu le 23 juin 2011 avec la société Brevière ;

2°) à titre principal, de rejeter, dans cette mesure, les conclusions de la société NC Déménagement ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer l'annulation du marché du 23 juin 2011 avec effet différé ;

4°) de mettre à la charge de la société NC Déménagement la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le choix de ne pas allotir le marché en litige lui a permis de réaliser des économies d'échelle et avoir réalisé une économie de 20% en moyenne par rapport aux offres présentées dans le cadre d'un marché alloti ;

- l'annulation sans effet différé du contrat en litige ne lui permettrait pas d'assurer la continuité du service public ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'impact financier important vis à vis de la société Brevière ne faisait pas obstacle à l'annulation du marché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2015, la société NC Déménagement représentée par la SCP Savoye et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la région Nord-Pas-de-Calais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- le président de la région Nord-Pas-de-Calais n'avait pas qualité pour introduire une requête d'appel ;

- les autres moyens soulevés par la région Nord-Pas-de-Calais ne sont pas fondés.

Un mémoire récapitulatif a été enregistré le 15 septembre 2016, présenté par la région Hauts de France Nord/Pas-de-Calais/Picardie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me C...E..., représentant la région Hauts de France Nord/Pas-de-Calais/Picardie, et de Me A...B..., représentant la société NC Déménagement.

1. Considérant que la région Nord-Pas-de-Calais a lancé en mars 2011 une procédure d'appel d'offres en vue de la passation d'un marché à bons de commande, sans minimum ni maximum, couvrant l'ensemble du territoire régional, ayant pour objet les déménagement, stockage, transfert de mobilier et de machines outils dans les établissements publics locaux d'enseignements dont la région a la charge ; que, parmi les six candidats admis à présenter une offre, figurait la société NC Déménagement ; que, par un courrier en date du 20 mai 2011, la région Nord-Pas-de-Calais a informé cette dernière du rejet de son offre, classée en deuxième position, par la commission d'appel d'offres et de l'attribution du marché à la société Brevière ; que le contrat conclu avec cette dernière société a été signé le 23 juin 2011 ; que par un jugement du 18 février 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de la société NC Déménagement tendant à l'annulation de la décision du 20 mai 2011 et a annulé le marché conclu le 23 juin 2011 ; que la région Nord-Pas-de-Calais relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation du marché conclu avec la société Brevière ;

2. Considérant qu'indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;

3. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du code des marchés publics alors applicable : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. Les candidats ne peuvent présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être obtenus. Si plusieurs lots sont attribués à un même titulaire, il est toutefois possible de ne signer avec ce titulaire qu'un seul marché regroupant tous ces lots. / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination. / (...) " ; que, saisi d'un moyen tiré de l'irrégularité du recours à un marché global, il appartient au juge de déterminer si l'analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu'il fournit sont, eu égard à la marge d'appréciation qui lui est reconnue pour estimer que la dévolution en lots séparés présente l'un des inconvénients que les dispositions précitées mentionnent, entachées d'appréciations erronées ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les marchés ayant un objet identique, précédemment conclus par la région, avaient été allotis conformément à une division géographique du territoire régional ; que le marché en litige, alors qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'un allotissement était possible, avait pour assiette géographique la totalité du territoire de la région Nord-Pas-de-Calais ; que cette collectivité ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle pouvait estimer, au moment ou elle a défini l'objet du marché en litige et retenu un contrat global, que la dévolution en lots séparés était de nature à rendre financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations prévues au contrat ; que si elle fait valoir que la dévolution d'un marché global lui a permis de réaliser des économies d'échelle de l'ordre de 20% en moyenne par comparaison avec la précédente consultation lancée en 2007, et produit pour étayer cette allégation un tableau simulant le coût de prestations selon les tarifs pratiqués au titre du marché de 2007 et les comparant au coût résultant de l'application des tarifs obtenus au titre du marché signé le 23 juin 2011, ce document qui n'a pu être réalisé que postérieurement à la dévolution du marché en litige ne permet pas d'établir qu'au jour ou elle a décidé de la passation d'un marché global la région espérait ainsi obtenir à l'issue de la consultation, des conditions financières, pour elle, avantageuses ; qu'au demeurant le tableau précité, qui ne permet pas de déterminer la méthodologie retenue par la région pour aboutir au résultat positif dont elle se prévaut, n'est pas probant ; que la méconnaissance de l'article 10 du code des marchés publics constitue un vice d'une particulière gravité qui portant sur l'objet même du marché, en justifie l'annulation ; que la circonstance alléguée que l'annulation du marché prononcée sans effet différé porterait atteinte à l'intérêt général et à la continuité du service public dès lors qu'elle aurait pour effet d'empêcher le transfert prévu pendant la période des vacances d'été, de machines outils au sein des établissements scolaires dont elle a la charge, n'est pas établi dès lors qu'au jour de la lecture du jugement contesté, la région Nord-Pas-de-Calais disposait d'un délai de quatre mois avant les vacances d'été pour éventuellement lancer une nouvelle procédure de dévolution du marché ou rechercher toute solution permettant d'effectuer les transferts précités ; qu'enfin il ne résulte pas de l'instruction que l'annulation du marché en cause aurait des conséquences financières importantes vis à vis de la société Brevière ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société NC Déménagement, que la région Nord-Pas-de-Calais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé, sans effet différé le marché conclu le 23 juin 2011 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la région Hauts de France Nord/Pas-de-Calais/Picardie une somme de 1 500 euros à verser à la société NC Déménagement sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la région Nord-Pas-de-Calais est rejetée.

Article 2 : La région Hauts de France Nord/Pas-de-Calais/Picardie versera à la société NC Déménagement une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Hauts de France Nord/Pas-de-Calais/Picardie et à la société NC Déménagement.

Copie sera adressée pour information à la société Brevière.

Délibéré après l'audience publique du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 octobre 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00714
Date de la décision : 06/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : SCP DOMINIQUE LEVASSEUR VIRGINIE LEVASSEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-10-06;14da00714 ?
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