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04/10/2016 | FRANCE | N°15DA01989

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 04 octobre 2016, 15DA01989


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 15 avril 2011 du maire de Machemont refusant de mettre fin aux nuisances sonores découlant de l'utilisation de la salle communale mitoyenne à sa propriété et d'enjoindre, sous astreinte, à la commune de procéder aux travaux préconisés par le rapport d'expertise du 2 janvier 2006 ou de mettre fin à l'utilisation de la salle communale.

Par un jugement n° 1101222 du 18 mars 2013, le tribunal administratif d'Amiens a re

jeté sa demande.

Par un arrêt n° 13DA00583 du 21 janvier 2014, la cour administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 15 avril 2011 du maire de Machemont refusant de mettre fin aux nuisances sonores découlant de l'utilisation de la salle communale mitoyenne à sa propriété et d'enjoindre, sous astreinte, à la commune de procéder aux travaux préconisés par le rapport d'expertise du 2 janvier 2006 ou de mettre fin à l'utilisation de la salle communale.

Par un jugement n° 1101222 du 18 mars 2013, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13DA00583 du 21 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. C...contre ce jugement.

Par une décision n° 376474 du 11 décembre 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 avril 2013, le 11 décembre 2013, le 22 décembre 2015 et le 14 septembre 2016, M.C..., représenté par Me A...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 mars 2013 ;

2°) d'annuler la décision du 15 avril 2011 du maire de Machemont ;

3°) d'enjoindre à la commune de Machemont, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, de procéder à des travaux sur la salle communale ou, à défaut, de cesser d'utiliser cette salle ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Machemont une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par son jugement du 10 novembre 2009 ;

- le fonctionnement de la salle communale est à l'origine de troubles sonores qui excèdent les sujétions normales inhérentes au voisinage ;

- le fonctionnement de la salle communale ne respecte pas la règlementation sur le bruit ;

- le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 novembre 2009, qui a relevé que la salle communale ne respecte pas la règlementation en vigueur sur le bruit, est revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

- les travaux entrepris par la commune sont insuffisants pour remédier aux troubles subis.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 août 2013 et le 29 août 2016, la commune de Machemont, représentée par la SCP Lebegue Pauwels Derbise, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les nuisances sonores alléguées ne sont pas établies ;

- les travaux d'insonorisation ont été réalisés ;

- les règles de fonctionnement de la salle communale sont de nature à empêcher les nuisances sonores.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de Machemont a acquis en 1981 un immeuble contigu à l'habitation occupée par M. C...afin de l'utiliser comme salle des fêtes ; que par un jugement du 10 novembre 2009, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune à verser à M. C...la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices résultant des nuisances sonores provenant de cette salle ; que l'intéressé, estimant que les troubles persistaient, a demandé à la commune par lettre du 16 février 2011 d'y mettre fin soit en réalisant les travaux préconisés par un rapport d'expertise judiciaire déposé le 2 janvier 2006, soit en cessant d'utiliser cette salle communale ; que, par jugement du 18 mars 2013, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision du 15 avril 2011 par laquelle le maire de Machemont a rejeté cette demande et à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder aux travaux préconisés par le rapport d'expertise du 2 janvier 2006 ou de mettre fin à l'utilisation de cette salle communale pour faire cesser les nuisances sonores ; que par un arrêt du 21 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre ce jugement ; que par une décision n° 376474 du 11 décembre 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, M. C...soutenait notamment que l'existence des nuisances sonores provenant de la salle communale mitoyenne et constitutives de troubles excédant les sujétions normales inhérentes au voisinage d'un tel bâtiment était établie en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 novembre 2009 ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif d'Amiens ;

Sur la légalité de la décision du 15 avril 2011 du maire de Machemont :

4. Considérant, d'une part, que si M. C...se plaint de la persistance d'importantes nuisances sonores provenant de la salle communale mitoyenne à sa propriété, le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 novembre 2009, qui a condamné la commune de Machemont à lui verser une indemnité de 8 000 euros en réparation des troubles qu'il a subis de 1995 à 2009, n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne l'ampleur des nuisances sonores dont le requérant fait état pour contester la légalité de la décision en date du 15 avril 2011 par laquelle le maire de Machemont a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin aux nuisances sonores résultant de l'utilisation de cette salle, alors qu'il ressort en outre des pièces du dossier que le règlement intérieur de la salle communale, applicable depuis le 1er janvier 2011, en a restreint les conditions d'utilisation ;

5. Considérant, d'autre part, que les constats d'huissier des 6 et 14 juin 2012 produits par M.C..., qui bien qu'établis plus d'un an après la décision attaquée, relatent une situation existante à la date de cette décision du 15 avril 2011, mentionnent, pour l'un, qu'à 20 heures 15 " des bruits de pas sont perceptibles dans la cuisine " de M. C...et que " par les fenêtres ouvertes de la salle des fêtes (...) de la musique (salsa) est diffusée " et, pour l'autre, qu'entre 20 heures 05 et 20 heures 20, ont été entendus, dans la cuisine, le salon et le premier étage du domicile de M. C..., " des bruits de pas, de la musique (basses) et des applaudissements " et que, à l'extérieur, on peut entendre " de la musique, des applaudissements ainsi que des claquements de pieds ", les fenêtres de la salle communale étant ouvertes ; que toutefois, et alors que la salle communale est essentiellement occupée, à la date de la décision attaquée, par les associations et les personnes âgées organisant des réunions ou des repas une fois par mois entre 14 heures et 19 heures, par l'association de danse le mercredi et jeudi soir de 18 heures 30 à 21 heures et par les 20 enfants de l'école s'y restaurant le midi en semaine de 12 heures 15 à 13 heures, sauf le mercredi, et qu'en application du règlement intérieur de la salle communale en vigueur depuis le 1er janvier 2011, celle-ci n'est plus utilisée après 22 heures, les bruits ainsi constatés provenant de la salle communale n'excèdent pas, par leur intensité, leur fréquence ou leur durée, les sujétions inhérentes au voisinage d'un ouvrage public ;

6. Considérant en revanche que la diffusion de la musique, établie par les constats d'huissier des 6 et 14 juin 2012, méconnaît l'article 2 du règlement d'utilisation de la salle communale, aux termes duquel " le contractant est tenu de s'assurer (...) qu'aucune musique ne soit produite ou diffusée à l'intérieur comme à l'extérieur de la salle " ; que la décision du 15 avril 2011 du maire de la commune de Machemont, auquel il appartient de faire respecter cette règlementation, est ainsi entachée d'illégalité dans cette mesure ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que la décision du 15 avril 2011 du maire de Machemont est illégale en tant qu'elle refuse de faire cesser, conformément au règlement d'utilisation de la salle communale, la diffusion de musique à l'intérieur et à l'extérieur de la salle communale ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

9. Considérant que le présent arrêt implique seulement que le maire de la commune de Machemont fasse respecter les prescriptions de l'article 2 du règlement d'utilisation de la salle communale selon lequel " le contractant est tenu de s'assurer (...) qu'aucune musique ne soit produite ou diffusée à l'intérieur comme à l'extérieur de la salle " ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre à la commune de Machemont de faire respecter cette règlementation ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C...qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la commune de Machemont la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Machemont une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1101222 du 18 mars 2013 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La décision du 15 avril 2011 du maire de Machemont est annulée en tant qu'elle refuse de mettre fin aux nuisances sonores découlant de l'utilisation de la salle communale à raison de la diffusion de musique à l'intérieur comme à l'extérieur de la salle.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Machemont de faire respecter l'article 2 du règlement d'utilisation de la salle communale en ce qui concerne la diffusion de la musique.

Article 4 : La commune de Machemont versera à M. C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune de Machemont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et à la commune de Machemont.

Délibéré après l'audience publique du 20 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 octobre 2016.

Le rapporteur,

Signé : R. FERALLa présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01989


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01989
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-03-03-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. Conception et aménagement de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-10-04;15da01989 ?
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