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20/09/2016 | FRANCE | N°16DA00881

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 20 septembre 2016, 16DA00881


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2016 de la préfète du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant l'Afghanistan comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600845 du 5 février 2016, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'il fixe l'Afghanistan com

me pays de destination et ordonne le placement en rétention administrative de M. A....
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2016 de la préfète du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant l'Afghanistan comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600845 du 5 février 2016, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination et ordonne le placement en rétention administrative de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille du 5 février 2016 ;

2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2016 fixant le pays de destination.

Elle soutient que :

- M. A...n'établit pas être exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;

- les diligences nécessaires à l'éloignement de M. A...ont été accomplies.

La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 29 janvier 2016 dans une zone d'accès restreint du site Eurotunnel par les services de la police de l'air et des frontières, M. A..., de nationalité afghane, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le lendemain lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 5 février 2016 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination et ordonne le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

Sur le pays de destination :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que selon les termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ;

3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dépit de la gravité de la situation en Afghanistan, rendue publique par des rapports émanant d'organisations non gouvernementales et d'instances officielles, il règnerait dans cet Etat une situation de violence généralisée telle qu'un civil de nationalité afghane devrait de ce seul fait être regardé comme personnellement soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si M. A... fait valoir qu'il est originaire de la province du Logar située au Sud de Kaboul, désignée comme particulièrement dangereuse, notamment, par les services du ministère en charge des affaires étrangères, et qu'il serait menacé par les talibans, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément probant et ne peut, eu égard au caractère succinct et peu précis de ses déclarations, être regardé comme établissant qu'il serait effectivement originaire de cette province ; que, dans ces conditions, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 2 à 6 du jugement attaqué, les moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille contre la décision fixant le pays de renvoi, tirés de l'incompétence du signataire de l'acte, du défaut de motivation de cette décision, ainsi que, par voie d'exception, de l'incompétence du signataire de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, de l'insuffisante motivation de cette obligation, de la méconnaissance de son droit d'être entendu et de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette mesure, du défaut de délivrance d'une information relative au relevé des empreintes digitales, et de l'erreur manifeste commise par la préfète dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'intéressé ;

5. Considérant, en outre, que M. A...ne peut utilement se prévaloir du principe de non-refoulement consacré par l'article 33 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dès lors qu'il est constant que l'intéressé n'a pas la qualité de réfugié et qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, il avait manifesté son intention de demander l'asile, alors qu'il a déclaré lors de l'audition par les services de police qu'il n'avait formé aucune demande en ce sens et n'avoir pas pris de décision sur ce point ;

Sur le placement en rétention administrative :

6. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l' objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code, la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative " après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ;

7. Considérant que M.A..., qui se déclarait de nationalité afghane, était dépourvu de tout document d'identité lors de son interpellation ; que par suite, la préfète du Pas-de-Calais, qui avait à vérifier, avant de procéder à l'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, la nationalité de l'intéressé, a pu légalement prononcer le placement en rétention du requérant afin d'entreprendre les diligences nécessaires auprès des autorités consulaires afghanes, lesquelles ont été effectivement mises en oeuvre ; qu'elle n'était pas tenue de procéder à un relevé des empreintes digitales de M.A..., alors au demeurant que ce dernier a déclaré n'avoir entrepris aucune démarche administrative auprès des autorités des Etats par lesquels il a transité avant d'entrer sur le territoire français ; que les dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont donc pas été méconnues ; qu'ainsi, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a, par l'article 1er du jugement attaqué, prononcé l'annulation, au motif de la méconnaissance de ces dispositions, de la décision plaçant en rétention M. A...;

8. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'écarter les moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille, et tirés de l'incompétence du signataire de la décision et de l'insuffisante motivation de celle-ci, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 2 et 3 du jugement attaqué ;

9. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 4 et 5 du présent arrêt, les moyens par lesquels le requérant excipe de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés ;

10. Considérant que, si M. A...se prévaut, en outre, de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, il y a lieu, par voie d'adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2, 3 et 14 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés, par voie d'exception, de l'incompétence du signataire de l'acte, du défaut de motivation de cette décision et de son caractère injustifié au regard des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces dispositions, qui ont pour objet d'assurer la transposition de celles de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, ne sont pas, contrairement à ce que soutient le requérant, incompatibles avec les objectifs de cette directive ;

11. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de placer M. A... en rétention administrative soit entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision fixant le pays de destination et décidant le placement en rétention administrative de M.A... ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1600845 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille du 5 février 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination et de la décision le plaçant en rétention administrative est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 6 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : D. BUREAU La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°16DA00881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00881
Date de la décision : 20/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Guyau

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-20;16da00881 ?
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