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20/09/2016 | FRANCE | N°16DA00696

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (quater), 20 septembre 2016, 16DA00696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1510543 du 24 décembre 2015, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé, par son article 1er, la décision fixant le pays à destinati

on duquel M. B...pouvait être reconduit d'office et a rejeté, par son article 2, le surplu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1510543 du 24 décembre 2015, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé, par son article 1er, la décision fixant le pays à destination duquel M. B...pouvait être reconduit d'office et a rejeté, par son article 2, le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par son article 1er, il a annulé la décision fixant le pays à destination duquel M. B...pouvait être reconduit d'office ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille dans cette mesure.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a estimé que M. B...était exposé à des mauvais traitements ou persécutions prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'intéressé, qui n'établit pas être de nationalité afghane, ne démontre pas qu'il encourrait des menaces réelles et personnelles en cas de retour en Afghanistan.

La requête a été communiquée à M. B...qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M.B..., qui se déclare ressortissant afghan, né le 1er janvier 1973, a été interpellé le 21 décembre 2015 par les services de la police aux frontières du Pas-de-Calais, démuni de tout visa ou document de séjour, sur le site d'Eurotunnel ; que la préfète de ce département lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé son placement en rétention administrative ; que si, comme le soutient M. B..., la province de Nangarhâr constitue une zone où le degré de violence généralisée a atteint un niveau suffisamment élevé pour que des motifs sérieux et avérés permettent de penser qu'un civil renvoyé dans la région concernée, du seul fait de sa présence sur ce territoire, encourra un risque réel de subir une menace grave, directe et individuelle, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que l'intéressé, qui a au demeurant lors de son interpellation déclaré une autre identité, serait originaire de cette province, ses déclarations sur ce point n'étant étayées d'aucun commencement de preuve ; qu'en se bornant, en outre, devant le tribunal administratif, à faire état de l'instabilité généralisée du pays et de la situation sécuritaire en Afghanistan, et à se prévaloir des violences perpétrées dans la province de Nangarhâr, M. B...ne démontre pas qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que l'intéressé, qui n'a au demeurant présenté aucune demande d'asile en France et dont la carte de demande d'asile britannique dont il se prévaut aurait été délivrée le 21 mai 2009, soit plus de six ans avant la décision en litige, serait exposé à une menace grave en cas de retour dans son pays d'origine et que la préfète du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de la décision en litige ;

4. Considérant que, par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...A..., chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment les décisions fixant le pays de destination des mesures d'éloignement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté ;

5. Considérant que la décision attaquée énonce les considérations de droit qui la fondent, fait état de la nationalité afghane de M. B...et précise qu'il n'établit pas être exposé personnellement et directement à des peines et traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;

6. Considérant que si M. B...soutient que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de fait dans la mesure où le préfet a estimé à tort qu'il avait quitté son pays d'origine pour raisons économiques alors qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort toutefois des termes mêmes de l'arrêté en litige que la préfète du Pas-de-Calais a examiné la situation de l'intéressé au regard des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine en estimant que M. B...n'établissait pas être exposé personnellement et directement à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que par suite, la décision ne révèle aucune erreur de fait susceptible de modifier le sens de la décision prise ;

7. Considérant que si M. B...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette mesure d'éloignement ;

8. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 2, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision fixant le pays à destination duquel M. B...pouvait être reconduit d'office ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1510543 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille du 24 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...B....

Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 6 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : M. D...La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 16DA00696
Date de la décision : 20/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Guyau

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-20;16da00696 ?
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