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20/09/2016 | FRANCE | N°16DA00602

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (quater), 20 septembre 2016, 16DA00602


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1510627 du 31 décembre 2015, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé, par son article 1er, la décision fixant le pays à destinati

on duquel M. B...pouvait être reconduit d'office et a rejeté, par son article 2, le surplu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1510627 du 31 décembre 2015, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé, par son article 1er, la décision fixant le pays à destination duquel M. B...pouvait être reconduit d'office et a rejeté, par son article 2, le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par son article 1er, il a annulé la décision fixant le pays à destination duquel M. B...pouvait être reconduit d'office ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille dans cette mesure.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a estimé que M. B...était exposé à des mauvais traitements ou persécutions prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'intéressé, qui n'établit pas être de nationalité afghane, ni être originaire de la province de Nangarhâr et qui n'a au demeurant pas déposé de demande d'asile, ne démontre pas qu'il encourrait des menaces réelles et personnelles en cas de retour en Afghanistan.

La requête a été communiquée à M. B...qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M.B..., qui se déclare ressortissant afghan, né le 1er janvier 1998, a été interpellé le 23 décembre 2015 par les services de la police aux frontières du Pas-de-Calais, démuni de tout visa ou document de séjour, dans la zone d'accès restreint sur le site d'Eurotunnel ; que la préfète de ce département lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé son placement en rétention administrative ; que si, comme le soutient M. B..., la province de Nangarhâr constitue une zone où le degré de violence généralisée a atteint un niveau suffisamment élevé pour que des motifs sérieux et avérés permettent de penser qu'un civil renvoyé dans la région concernée, du seul fait de sa présence sur ce territoire, encourra un risque réel de subir une menace grave, directe et individuelle, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que l'intéressé serait originaire de cette province, ses déclarations sur ce point n'étant étayées d'aucun commencement de preuve ; qu'en se bornant, en outre, devant le tribunal administratif, à faire état de l'instabilité généralisée du pays et de la situation sécuritaire en Afghanistan, et à se prévaloir des violences perpétrées dans la province de Nangarhâr, M.B..., qui s'est borné, lors de son audition par les services de police le 23 décembre 2015, à indiquer en termes généraux qu'il a quitté son pays à cause de la guerre et que sa vie est menacée sans faire état de risques particuliers le concernant, ne démontre pas qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que l'intéressé, qui n'a au demeurant présenté aucune demande d'asile en France, serait exposé à une menace grave en cas de retour dans ce pays et que la préfète du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de la décision en litige ;

4. Considérant que, par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...A..., chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment les décisions fixant le pays de destination des mesures d'éloignement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté ;

5. Considérant que la décision attaquée énonce les considérations de droit qui la fondent, fait état de la nationalité afghane de M. B...et précise qu'il n'établit pas être exposé personnellement et directement à des peines et traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;

6. Considérant que si M. B...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette mesure d'éloignement ;

7. Considérant que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut obliger un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant, à quitter le territoire français ; qu'elles prévoient que " l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; qu'en vertu de l'article L. 513-1 du même code, l'obligation de quitter le territoire français peut être exécutée d'office lorsqu'elle ne fait pas l'objet de l'un des recours prévus par l'article L. 512-1 ou qu'elle n'a pas fait l'objet d'une annulation et, lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'intéressé, une fois ce délai expiré ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, et notamment du I de l'article L. 511-1, que les décisions par lesquelles l'administration refuse ou retire à un étranger le droit de demeurer sur le territoire français, l'oblige à quitter ce territoire et lui signifie son pays de destination sont, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration, en principe, regroupées au sein d'un acte administratif unique ; que la décision fixant le pays de renvoi constitue, en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 513-3, une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, qui fait d'ailleurs l'objet d'une motivation spécifique ; que si la décision fixant le pays de renvoi est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, son adoption conditionne toutefois la possibilité pour l'administration d'exécuter d'office l'obligation de quitter le territoire français dans les conditions prévues à l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant que par la décision en litige, la préfète du Pas-de-Calais a fait obligation à M. B...de quitter le territoire français à destination du pays dont il revendique la nationalité ou tout autre pays où il établirait être légalement admissible ; que M. B... se déclarant de nationalité afghane, originaire de la province de Nangarhâr située à l'est de l'Afghanistan, la décision en litige doit être regardée comme fixant, notamment, ce pays comme destination d'une éventuelle exécution d'office de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé ; que contrairement à ce que fait valoir le requérant, la préfète du Pas-de-Calais a pu légalement édicter dans le même arrêté une mesure d'obligation de quitter le territoire français et décider du pays de renvoi de cette mesure ;

10. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 2, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision fixant le pays à destination duquel M. B...pouvait être reconduit d'office ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1510627 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille du 31 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...B....

Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 6 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : M. D...La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 16DA00602
Date de la décision : 20/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Guyau

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-20;16da00602 ?
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