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15/09/2016 | FRANCE | N°16DA00432

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 15 septembre 2016, 16DA00432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 décembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a fait l'obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1510307 du 18 décembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'ar

rêté préfectoral en tant qu'il fixe le pays de destination et a rejeté le surplus des co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 décembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a fait l'obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1510307 du 18 décembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté préfectoral en tant qu'il fixe le pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.B....

Elle soutient qu'elle n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à M. B...qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

2. Considérant que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129 et 131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ;

3. Considérant que M.B..., qui se déclare ressortissant irakien kurde né le 1er janvier 1990 à Jalwala, est entré en France démuni de tout visa ou document de séjour, selon ses dires, au cours du mois d'octobre 2015 ; qu'après avoir été interpelé le 14 décembre 2015 par les services de la police aux frontières du Pas-de-Calais dans la remorque d'un poids lourd britannique à l'intérieur du site du tunnel sous la Manche, la préfète du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé son placement en rétention administrative ; qu'il a déclaré, lors de son audition par les services de police, avoir quitté l'Irak depuis 2008 en raison de la guerre et avoir vécu au Royaume-Uni en compagnie de sa compagne et son enfant ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du document produit par les autorités de l'immigration britanniques qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile par le Royaume-Uni, il a été procédé au renvoi de M. B...en Irak le 6 novembre 2012 et plus particulièrement dans la ville de Sulaimanyah qui se situe dans le Kurdistan irakien ;

4. Considérant qu'il ressort des informations publiques relatives à la situation géopolitique du pays rassemblées par des organismes internationaux que l'Irak est le terrain d'un conflit armé particulièrement violent opposant notamment les forces armées gouvernementales et celles de l'Etat islamique ; que ce conflit qui s'est étendu à la quasi-totalité du territoire du pays est à l'origine d'une crise humanitaire majeure, résultant du nombre de victimes et du nombre d'habitants déplacés, et d'un climat de violence généralisée ; qu'en outre, le Kurdistan irakien, y compris la région de Kirkouk, est également touché par le conflit en Irak et que les kurdes, qui ont pris part aux combats contre l'organisation de l'État islamique, sont particulièrement visés par ses attaques ; que la situation prévalant dans une partie du territoire du pays d'origine de M. B... s'est détériorée au point qu'elle peut être qualifiée de situation de violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ; qu'ainsi, dans ces circonstances et au regard de l'importance et du caractère généralisé des violences en Irak, M. B...est fondé à soutenir qu'il encourt, en cas de retour en Irak, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque avéré de subir des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 15 décembre 2015 fixant le pays de destination ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète du Pas-de-Calais est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre, rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°16DA00432 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00432
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;16da00432 ?
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