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15/09/2016 | FRANCE | N°16DA00217

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 15 septembre 2016, 16DA00217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 12 juin 2015 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 1503034 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2

016, M. B...C..., représentée par la SELARL Eden avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 12 juin 2015 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 1503034 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2016, M. B...C..., représentée par la SELARL Eden avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son avocat, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, à titre subsidiaire, à son profit, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination de son éloignement est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2016, la préfète de la Seine-Maritime a conclu, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet au fond.

Elle soutient que la requête d'appel est identique à la requête de première instance et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Seine-Maritime ;

Sur le refus de titre de séjour :

1. Considérant que M.C..., ressortissant arménien né le 22 décembre 1980, déclare être entré en France irrégulièrement le 11 novembre 2012 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 avril 2013 selon la procédure prioritaire ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 11 juin 2013 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que les recours formés par l'intéressé contre cet arrêté ont été rejetés par le tribunal administratif de Rouen le 8 octobre 2013, puis par la cour administrative d'appel de Douai le 8 septembre 2014 ; que M. C... a alors sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui lui a été refusé par l'arrêté en litige ;

2. Considérant que l'épouse de M. C...et ses parents ont également vu leurs demandes d'asile rejetées et ont fait chacun l'objet de refus de titre de séjour assortis de l'obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, toute la famille se trouve en France en situation irrégulière ; que si les trois enfants de M. et MmeC..., âgés de douze, quatorze et quinze ans à la date de l'arrêté attaqué, sont scolarisés en classes de primaire ou au collège et obtiennent de bons résultats, l'entrée de la famille sur le territoire français demeure récente et rien ne s'oppose à ce qu'elle se recompose en Arménie où les enfants pourront poursuivre leurs études ; qu'enfin, la circonstance que l'état de santé des parents de M.C..., dont les demandes de titre de séjour présentées sur ce fondement ont d'ailleurs été rejetées, nécessiterait sa présence à leurs côtés n'est étayée par aucun élément du dossier ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ; que celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes raisons ;

3. Considérant que si un étranger peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, la décision du préfet serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu, dans le cadre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, adresser aux préfets, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation de chaque cas particulier, pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du point 2.1.1 de la circulaire relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour doit être écarté ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 et 2 que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du refus de titre de séjour en litige sur la situation personnelle et familiale de M.C... ;

4. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. [...] " ; qu'il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

5. Considérant que Bella, Armen et KarenC..., respectivement âgés de huit, dix et onze ans lors de leur arrivée en France, étaient scolarisés au collège ou en classes de primaire depuis deux ans et demi à la date de l'arrêté attaqué ; que si leurs bons résultats scolaires, leur participation à différentes activités parascolaires et les nombreuses attestations de leurs professeurs et directeurs d'établissement démontrent un travail sérieux et assidu, une bonne maîtrise de la langue française et une réelle volonté d'intégration, il n'est pas allégué -et aucun élément du dossier ne permet de considérer- qu'ils ne pourraient reprendre leur scolarité en Arménie, pays dont leurs parents, tous deux en situation irrégulière sur le territoire français, ont la nationalité ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de M. et MmeC... ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant que l'obligation qui est faite à M. C...de quitter le territoire français a pour fondement le refus de titre de séjour qui lui est opposé dans le même arrêté, lequel mentionne l'ensemble des dispositions fondant les décisions qu'il contient et reprend les éléments pertinents de sa situation, y compris la présence et la scolarisation de ses enfants ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision d'éloignement doit, dès lors, être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;

9. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé doivent être écartés pour les raisons exposées au point 2 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige est entachée d'illégalité ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant que le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé sa décision en mentionnant, outre les dispositions applicables, qu'elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 11 que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;

13. Considérant que si M. C...soutient avoir été l'objet, en raison de son appartenance à la communauté Yézidie, de rackets et de menaces, et avoir été agressé en 2009 et 2011, de même que toute sa famille l'aurait été, à deux reprises, en 2012, ce qui les aurait conduit à fuir, il ne produit aucun élément de nature à appuyer son récit, au demeurant très peu circonstancié quant aux circonstances et motivations de ces agressions, et à étayer l'actualité des craintes de mauvais traitements dont il fait état en cas de retour en Arménie ; que, dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a méconnu ni les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant la décision en litige ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D....

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00217
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;16da00217 ?
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