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15/09/2016 | FRANCE | N°15DA00312

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 15 septembre 2016, 15DA00312


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2015, et un mémoire, enregistré le 18 août 2015, la SARL Jutin, représentée par Me D...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 novembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires à créer à Grandvilliers un ensemble commercial de 2 832 m2 comportant un supermarché à l'enseigne Intermarché, une galerie marchande annexée et un point permanent de retrait d'achat

s au détail par la clientèle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2015, et un mémoire, enregistré le 18 août 2015, la SARL Jutin, représentée par Me D...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 novembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires à créer à Grandvilliers un ensemble commercial de 2 832 m2 comportant un supermarché à l'enseigne Intermarché, une galerie marchande annexée et un point permanent de retrait d'achats au détail par la clientèle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- exploitante d'un commerce alimentaire à l'enseigne Carrefour situé dans la zone de chalandise, elle justifie d'un intérêt à agir ;

- les services de l'Etat en charge de l'urbanisme et les ministres ont émis un avis défavorable ;

- le projet était affecté de nombreuses lacunes relevées par les administrations dans leurs avis ;

- l'autorisation accordée récemment par la Commission à trois projets représentant 10 387 m2 dans la même zone de chalandise à douze minutes du projet contesté, alors que la population n'a pas augmenté, porte atteinte à la pérennité des commerces existants ;

- le projet, qui menace la survie des commerces alimentaires de centre-ville, aura des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine et rurale ;

- l'impact sur les flux de véhicules particuliers et de livraison a été sous-évalué ;

- les aménagements pour l'accès des piétons sont insuffisants ;

- le projet n'est pas desservi par les transports collectifs.

Par deux mémoires, enregistrés les 8 juin 2015 et 28 septembre 2015, la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires, représentée par la SELARL Parme avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 mai 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me D...A..., représentant la SARL Jutin, et de Me C...B..., représentant la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires.

1. Considérant que si les ministres chargés de l'urbanisme et de l'environnement et la direction départementale des territoires de l'Oise ont émis un avis défavorable au projet, ces avis et les réserves qui les accompagnaient ne liaient pas la Commission nationale d'aménagement commercial quant au sens de sa décision ; qu'ils ne suffisent pas, en outre, par eux-mêmes à démontrer que la Commission nationale aurait fait une inexacte application des dispositions du code de commerce ;

2. Considérant que si la SARL Jutin fait valoir que le projet souffrirait de très nombreuses lacunes qui auraient dû conduire au refus d'autorisation, elle ne soutient pas que le dossier soumis à la Commission nationale ne satisfaisait pas aux exigences de l'article R. 752-7 du code de commerce ; qu'en tout état de cause, le dossier sur lequel la Commission nationale s'est prononcé précisait que le point permanent de retrait d'achats au détail commandés par la clientèle par voie télématique avait une superficie de 100 m2, ; que la Commission nationale a été tenue informée des projets de réaffectation du terrain occupé actuellement par le pétitionnaire, dont il n'est pas établi qu'il est exposé à devenir une friche commerciale ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la Commission nationale aurait statué sur un dossier incomplet doit être écarté ;

3. Considérant que la décision attaquée, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; que la Commission nationale n'avait pas à répondre à l'ensemble des réserves formulées par les ministres et les services de l'Etat défavorables au projet ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa version alors applicable : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés par ces dispositions ;

6. Considérant que l'opération consiste à déplacer de l'autre côté de la route départementale 151 un supermarché " Intermarché " dont la surface de vente passera de 1 764 à 2 492 m2, assortie d'une extension de la galerie marchande, actuellement limitée à une boutique de presse de 34 m2, dont la surface sera portée à 340 m2, et de la création d'un point permanent de retrait d'achats au détail commandés par la clientèle ; que la cession des anciennes installations à un commerce non alimentaire étant envisagée, cette opération qui se limite à un transfert d'emplacement du supermarché modernisé, avec une augmentation relativement limitée de la surface de vente n'est pas susceptible d'avoir un impact significatif sur la pérennité des onze commerces de bouche du centre-ville de Beauvilliers ; qu'ainsi la société Jutin n'est pas fondée à soutenir que le projet compromettrait l'objectif de maintien de l'animation de la vie urbaine ou rurale de ce secteur ;

7. Considérant que la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre des critères que la Commission nationale d'urbanisme commercial peut prendre en compte depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 ; qu'à supposer que la surface de vente de l'équipement en litige excède les besoins liés à l'augmentation de la population dans la zone de chalandise, une telle circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;

8. Considérant que la SARL Jutin n'assortit sa critique tirée de la sous-évaluation par le pétitionnaire de l'augmentation des flux de circulation, estimée à 14% sur la base de 930 clients par jour d'aucun élément précis qui permettrait à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'augmentation totale de la surface de vente de l'ordre de 1 000 m2 serait telle qu'elle engendrerait une augmentation sensible des flux de circulation dans le secteur ; qu'il n'est pas davantage démontré qu'il existerait un risque de saturation des voies d'accès à l'établissement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le projet aurait un impact négatif sur les flux de transports doit être écarté ;

9. Considérant que le nouvel établissement, situé à environ un kilomètre du centre-ville sera accessible aux piétons par un chemin piétonnier et une piste cyclable qui dessert actuellement les magasins Gitem et Gruel, tout proches, et qui sera prochainement prolongée ; que les risques pour la sécurité des clients qui n'utilisent pas leurs voitures ne sont pas établis ; qu'en tout état de cause, l'insuffisante accessibilité du site par les vélocipédistes et les piétons ne saurait justifier un refus d'autorisation ; que le moyen tiré de ce que le projet compromettrait l'objectif de développement durable doit être écarté ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet est situé dans une zone qui n'est pas actuellement desservie par les transports en commun mais qui est peu éloignée du centre de Beauvilliers ; que cette absence de desserte du supermarché par une ligne régulière de transports collectifs ne suffit pas, en l'espèce compte tenu des habitudes de déplacement dans le secteur, à justifier un refus d'autorisation de l'extension au regard des dispositions du b) du 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce relatives à l'insertion dans les réseaux de transports collectifs ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Jutin n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

12. Considérant que l'Etat et la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires n'étant pas les parties perdantes, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Jutin présentées sur ce fondement ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société la somme de 1 500 euros à verser à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Jutin est rejetée.

Article 2 : La SARL Jutin versera à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Jutin, à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le président-rapporteur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

S. DUPUIS

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N°15DA00312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00312
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : WAYMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;15da00312 ?
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