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15/09/2016 | FRANCE | N°15DA00114

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 15 septembre 2016, 15DA00114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Belle Dune Village a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le titre exécutoire n° 9 du 23 juillet 2012 par lequel la commune de Fort-Mahon Plage a mis en recouvrement la somme de 133 400 euros correspondant à la participation pour raccordement au réseau d'assainissement collectif.

Par un jugement n° 1202687 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la SNC Belle Dune Village de l'obligation de payer cette somme.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2015, la commune ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Belle Dune Village a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le titre exécutoire n° 9 du 23 juillet 2012 par lequel la commune de Fort-Mahon Plage a mis en recouvrement la somme de 133 400 euros correspondant à la participation pour raccordement au réseau d'assainissement collectif.

Par un jugement n° 1202687 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la SNC Belle Dune Village de l'obligation de payer cette somme.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2015, la commune de Fort-Mahon, représentée par la SCP Croissant, de Limerville, Orts, Legru, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de la SNC Belle Dune Village ;

3°) de mettre à la charge de la SNC Belle Dune Village la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le montant de la participation pour le raccordement à l'égout a été fixé par l'arrêté de permis de construire du 13 septembre 2010 devenu définitif faute d'avoir été contesté dans les délais du recours contentieux ;

- la requérante ne peut plus, dès lors, en contester le bien-fondé ;

- c'est à tort que le tribunal a annulé le titre de paiement comme dépourvu de cause, la participation exigée ne faisant pas double emploi avec les travaux de raccordement réalisés par l'aménageur de la ZAC ;

- en effet, l'aménageur n'a pas contribué au financement des travaux du réseau d'assainissement situés en dehors de la ZAC auquel il s'est raccordé et dont les propriétaires bénéficient ;

- la SNC Belle Dune Village ne peut pas exciper de l'illégalité de la délibération du 13 avril 2010 fixant le montant de la participation, cette décision étant devenue définitive ;

- le montant de la participation forfaitaire étant justifié par l'augmentation des coûts des travaux des entreprises chargées des raccordements, la délibération ne contrevient pas à l'article L. 1331-7 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2016, la SNC Belle Dune Village, représentée par la SELARL Genesis avocats, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du 12 novembre 2014 ainsi qu'à la mise à la charge de la commune de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable à exciper de l'illégalité des prescriptions financières du permis de construire du 13 septembre 2010 pour contester le titre exécutoire ;

- la participation financière prévue par l'article L. 1331-7 du code de la santé publique n'est pas exigée dans le cas de constructions situées à l'intérieur d'une zone d'aménagement concerté lorsque l'aménageur a financé la construction des installations d'évacuation ou d'épuration collective desservant leurs immeubles ;

- l'aménageur ayant répercuté sur le prix de vente des terrains le coût des travaux de réseaux réalisés par lui dans la ZAC, les propriétaires ne peuvent être astreints à payer deux fois pour la même prestation ;

- la commune ne justifie pas de l'importance des travaux de réseau d'assainissement réalisés par elle à l'extérieur de la ZAC ;

- la délibération du 13 avril 2010 présentant un caractère réglementaire, son illégalité peut être invoquée par la voie de l'exception.

Par un mémoire, enregistré le 22 août 2016, la commune de Fort-Mahon Plage, en réponse à une demande de la cour, indique que le raccordement au réseau général a été réalisé par le promoteur en juin 2012, la déclaration d'achèvement étant du 6 juillet 2012.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me B...A..., représentant la SNC Belle Dune Village.

1. Considérant que, par un permis de construire du 13 septembre 2010, le maire de la commune de Fort-Mahon-Plage a autorisé la SNC Belle Dune Village à construire cinquante-huit unités d'hébergement pour résidence de tourisme sur un terrain situé dans la zone d'aménagement concerté du Royon et fixé à la somme de 133 400 euros le montant de la participation pour raccordement à l'égout à la charge du constructeur, en application de la délibération du conseil municipal du 13 avril 2010 ; que le raccordement au réseau général étant intervenu en juin 2012, ainsi qu'il ressort de la déclaration d'achèvement de travaux du 6 juillet 2012, le maire a émis le 23 juillet 2012 un titre exécutoire de 133 400 euros ; que la commune de Fort-Mahon Plage relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la SNC Belle Dune Village de l'obligation de payer cette somme ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-4 du code de l'urbanisme, applicable aux zones d'aménagement concerté : " Il ne peut être mis à la charge de l'aménageur de la zone que le coût des équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans la zone (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 332-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / (...) 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1 (...) / 3° La réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15 (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 332-6-1 du même code, dans cette même rédaction, les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 comprennent notamment la participation pour raccordement au réseau d'assainissement collectif prévue à l'article L. 1331-7 du code de la santé publique ; qu'aux termes de ce dernier article, dans sa rédaction applicable à la date du raccordement effectif : " Les propriétaires des immeubles soumis à l'obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées en application de l'article L. 1331-1 peuvent être astreints par la commune, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent en matière d'assainissement collectif, pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d'une telle installation, à verser une participation pour le financement de l'assainissement collectif. / Cette participation s'élève au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose de l'installation mentionnée au premier alinéa du présent article, diminué, le cas échéant, du montant du remboursement dû par le même propriétaire en application de l'article L. 1331-2. / La participation prévue au présent article est exigible à compter de la date du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées de l'immeuble, de l'extension de l'immeuble ou de la partie réaménagée de l'immeuble, dès lors que ce raccordement génère des eaux usées supplémentaires " ;

3. Considérant qu'eu égard à son objet et aux termes de l'article L. 1331-7 du code de la santé publique, la participation prévue par cet article ne saurait, sans double emploi, être imposée au propriétaire ou au constructeur de l'immeuble lorsque celui-ci a déjà contribué, en vertu d'obligations mises à sa charge par l'autorité publique, au financement d'installations collectives d'évacuation ou d'épuration pour un montant égal ou supérieur au maximum légal prévu par l'article L. 1331-7 ; qu'en revanche, la participation reste due lorsque le propriétaire ou le constructeur de l'immeuble a seulement contribué à l'exécution, même sous la voie publique, d'ouvrages qui, étant destinés à la conduite des eaux usées de l'immeuble vers l'égout public existant, lui évitent d'avoir à procéder à une installation individuelle ; que la circonstance que des équipements réalisés au sein d'une zone d'aménagement concerté puissent être qualifiés d'équipements publics, au sens de l'article L. 311-4 du code de l'urbanisme, ne conduit pas, par elle-même, à les regarder comme des installations collectives d'évacuation ou d'épuration, pour l'application de la règle rappelée ci-dessus ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le syndicat mixte pour l'aménagement de la côte picarde, devenu le syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard, chargé d'aménager la zone d'aménagement concerté du Royon où sont situées les parcelles acquises par la SNC Belle Dune Village, a, conformément au cahier des charges, réalisé les réseaux d'assainissement dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté et a assuré leur raccordement effectif à un réseau municipal d'évacuation en juin 2012, il n'est pas contesté que les ouvrages municipaux d'assainissement et d'épuration préexistaient à la construction du réseau de collecte et d'évacuation des eaux usées au sein de la zone et qu'ils lui étaient nécessaires ; qu'il résulte de ce qui est dit au point précédent que la construction du réseau secondaire de collecte et d'évacuation des eaux usées au sein de la zone est sans influence sur l'exigibilité de la participation pour le raccordement à l'égout, dès lors que ce réseau est raccordé à des installations collectives d'évacuation et d'épuration au financement desquelles l'aménageur n'a pas contribué ; que, par suite, la commune de Fort-Mahon Plage est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la participation réclamée à la SNC Belle Dune Village, le tribunal administratif d'Amiens a retenu le motif tiré de ce que la participation réclamée à la société pour le raccordement à l'égout faisait double emploi avec les charges résultant, pour le propriétaire ou le constructeur, de l'aménagement de la zone ;

5. Considérant qu'il y a lieu, toutefois, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la SNC Belle Dune Village devant la juridiction administrative ;

6. Considérant que la délibération du 13 avril 2010 par laquelle le conseil municipal de Fort-Mahon-Plage a arrêté le montant forfaitaire de la taxe de raccordement à l'égout présente un caractère réglementaire ; que la SNC Belle Dune Village est recevable à exciper de son illégalité à l'appui de sa demande tendant à être déchargée des sommes qui lui sont réclamées sur son fondement ;

7. Considérant que cette délibération, qui porte de 1 500 à 2 300 euros le montant de la participation forfaitaire réclamé aux propriétaires, est motivée par la circonstance que le coût des travaux de raccordement réalisés par les entreprises est très supérieur au montant arrêté en 2009 ; que ce motif pouvait légalement fonder cette décision ; qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que cette augmentation aurait dû être justifiée par de nouvelles dépenses auxquelles aurait été exposée la commune ; qu'il n'est pas établi que la participation exigée de la SNC Belle Dune Village excéderait 80 % du coût de fourniture et de pose de l'installation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1331-7 du code de la santé publique citées au point 2 ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 13 avril 2010 doit être écarté ;

8. Considérant que la SNC Belle Dune Village ne peut utilement invoquer l'illégalité des dispositions de l'article 3 du permis de construire qui fixent à la somme de 133 400 euros le montant de la participation pour raccordement à l'égout mise à sa charge dès lors que le fait générateur de la créance ne se trouve pas dans ce permis de construire mais dans le raccordement effectif au réseau général qui, ainsi qu'il a été dit, est intervenu en juin 2012 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée aux demandes de la SNC Belle Dune Village en première instance, que la commune de Fort-Mahon Plage est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé cette société de l'obligation de payer la somme de 133 400 euros ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Belle Dune Village la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Fort-Mahon Plage sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SNC Belle Dune Village demande au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 12 novembre 2014 est annulé.

Article 2 : Les demandes de la SNC Belle Dune Village sont rejetées.

Article 3 : La SNC Belle Dune Village versera à la commune de Fort-Mahon-Plage une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fort-Mahon Plage et à la SNC Belle Dune Village.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le président-rapporteur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et à la ministre du logement et de l'habitat durable chacun en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA00114 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00114
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-024-07 Urbanisme et aménagement du territoire. Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public. Participation pour raccordement à l'égout.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;15da00114 ?
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