Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1510698 du 4 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, par son article 1er, la décision fixant le pays de destination, par son article 2, a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et a rejeté, par son article 3, le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que, par son article 1er, il a annulé la décision fixant le pays de destination et, par son article 2, mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a estimé que M. A...était exposé à des mauvais traitements ou persécutions prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'intéressé, qui n'a au demeurant pas déposé de demande d'asile, ne démontre pas qu'il encourrait des menaces réelles et personnelles en cas de retour en Afghanistan ;
La requête de la préfète du Pas-de-Calais a été communiquée à M.A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 28 décembre 2015 par les services de la police aux frontières alors qu'il se trouvait à l'intérieur de l'enceinte clôturée de la gare ferroviaire du lien fixe transmanche, démuni de tout document permettant de justifier de son identité et de sa nationalité, M.A..., se disant de nationalité afghane, né le 1er janvier 1996 dans la province de Kapisa, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 4 janvier 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination de l'éloignement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que selon les termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. c. France, n° 18039/11) ;
3. Considérant qu'il ressort des informations publiques relatives à la situation géopolitique du pays, rassemblées par des organismes internationaux, notamment par le Bureau européen d'appui en matière d'asile sur l'Afghanistan (EASO) de janvier 2015, que la province de Kapisa située au centre de l'Afghanistan, dont M. A...prétend être originaire, est caractérisée par un niveau de violence généralisée qualifiée de faible intensité, ainsi qu'il ressort également d'une note d'actualité sur la situation sécuritaire dans ce pays diffusée en mai 2015 par les services de la Cour nationale du droit d'asile ; que le rapport de l'EASO de janvier 2016 ne révèle pas d'évolution notable de la situation au regard du nombre relativement faible d'incidents, en l'occurrence 118, recensés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2015 ; que la situation de la province en cause, dont la responsabilité de la sécurité avait, au demeurant, été transférée dès l'année 2012 aux forces afghanes par les unités de l'OTAN, demeure marquée par une certaine stabilité ; que le degré de violence généralisée qui caractérise la zone dont l'intéressé est originaire doit atteindre un niveau suffisamment élevé pour que des motifs sérieux et avérés permettent de penser qu'un civil renvoyé dans la région concernée courrait, du seul fait de sa présence sur ce territoire, un risque réel de subir une menace grave, directe et individuelle ; qu'il résulte de ce qui a été dit que tel n'est pas le cas dans la province de Kapisa ; que, dans ces conditions, l'intéressé doit démontrer que des éléments propres à sa situation personnelle l'exposent aux risques en cause ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...se borne à faire état de menaces émanant des talibans, sans assortir ses allégations d'éléments suffisamment précis et probants ou vérifiables ; que, dès lors, il n'établit pas davantage faire l'objet en cas de renvoi en Afghanistan, de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, de menaces quant à sa vie ou sa liberté ou de risques d'être exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant la juridiction administrative ;
6. Considérant que par un arrêté n° 2015-10-57 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. F... B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer notamment les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les décisions fixant le pays de destination de l'éloignement et les décisions de placement en rétention administrative ; que, dès lors le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté ;
7. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé est éloigné, qui vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle comporte ainsi, également, les considérations de fait qui en constituent le fondement ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée ;
8. Considérant que, si l'intéressé se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille, dont il y a lieu d'adopter les motifs, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision fixant le pays de destination ; que, par suite, c'est à tort qu'il a condamné l'Etat, qui n'était pas la partie perdante, à verser à Me E...une somme de 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'article 2 du jugement attaqué ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 4 janvier 2016 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision du 28 décembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit versée à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D...A...et à Me C...E....
Copie en sera transmise pour information à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
Lu en audience publique le 27 juillet 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : 0. NIZET
Le président de chambre,
président-rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00592