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22/07/2016 | FRANCE | N°15DA01775

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 22 juillet 2016, 15DA01775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mai 2014 du préfet de la Seine-Maritime refusant de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1403166 du 25 août 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2015, M.A..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2

5 août 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mai 2014 du préfet de la Seine-Maritime refusant de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1403166 du 25 août 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2015, M.A..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 août 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime d'enregistrer sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;

- le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré de la violation de l'article 17-1 du règlement du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il aurait dû bénéficier de la clause discrétionnaire ;

- le tribunal a méconnu l'étendue de son pouvoir dans son contrôle juridictionnel :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 ;

- le préfet a connu une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de son refus sur sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens présentés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit notamment comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;

2. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie ; que la délivrance par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constituant pour le demandeur d'asile une garantie, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi du moyen tiré de l'omission ou de l'insuffisance d'une telle information à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour ou une décision de remise, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant algérien né le 23 décembre 1979, a sollicité son admission provisoire au séjour en France en qualité de demandeur d'asile le 17 avril 2014 et a reçu, à cette occasion, le guide du demandeur d'asile de 2011 ; qu'il ressort des pièces du dossier que les brochures " A " relatives à la détermination de l'Etat responsable et " B " concernant la " procédure Dublin " du règlement n° 604/2013/UE) ne lui ont été remises qu'à l'occasion de la notification de la décision de refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et non préalablement à l'édiction de cette dernière ; qu'il n'est par ailleurs pas établi qu'il aurait bénéficié de telles informations avant la notification de la décision refusant son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; que cette information tardive a été de nature à priver effectivement l'intéressé de la garantie prévue par les dispositions précitées ; que, par suite, le refus d'admission au séjour est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'il est constant que M. A...a été convoqué pour le 1er juillet 2014 en préfecture afin que sa demande d'asile, appelée finalement à être examinée selon la procédure prioritaire, puisse être complétée avec le livret rempli de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime d'enregistrer sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ; que compte tenu du motif d'annulation du refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour ; qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa demande d'admission provisoire dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 25 août 2015 du tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du 22 mai 2014 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa demande d'admission provisoire au titre de l'asile dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir.

Article 3 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à Me B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZET

Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01775
Date de la décision : 22/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-22;15da01775 ?
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