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22/07/2016 | FRANCE | N°15DA00579

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 22 juillet 2016, 15DA00579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 janvier 2015 du préfet de l'Oise lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n° 1500679 du 31 janvier 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions et a enjoint au p

réfet de l'Oise de procéder au réexamen de la situation de M. B...dans un délai de qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 janvier 2015 du préfet de l'Oise lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n° 1500679 du 31 janvier 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de l'Oise de procéder au réexamen de la situation de M. B...dans un délai de quinze jours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2015, le préfet de l'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2015 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- les déclarations de M. B...sont fausses, la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui a été régulièrement notifiée ;

- dans le cadre de l'examen de l'effet dévolutif, les moyens dirigés contre l'arrêté du 27 janvier 2015, qui ne sont pas fondés, doivent être écartés.

Une mise en demeure a été adressée le 18 août 2015 à M.B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2008/115 CEE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MB..., ressortissant du Bangladesh entré en France de manière irrégulière le 15 avril 2010, après avoir fait l'objet d'un refus de reconnaissance du statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 août 2010 confirmé par un arrêt du 23 décembre 2011 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et dont la demande de réexamen a été rejetée le 22 mai 2013 par cette juridiction, a fait l'objet d'un arrêté du 2 septembre 2013 du préfet de la Moselle refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le Bangladesh comme pays de destination ; qu'un contrôle d'identité opéré le 27 janvier 2015 en gare de Beauvais a fait apparaitre sa situation irrégulière ; que le préfet de l'Oise relève appel du jugement du 31 janvier 2015 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 27 janvier 2015 faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, lui refusant un délai de départ volontaire et le plaçant en rétention administrative ;

2. Considérant que le préfet de l'Oise produit en cause d'appel l'accusé de réception de la lettre de la Cour nationale du droit d'asile notifiant à M. B...l'ordonnance rejetant sa demande de réexamen de sa situation, signé par ce dernier et daté du 4 juin 2013 ; que le préfet de l'Oise est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Lille s'est fondé pour annuler son arrêté du 27 janvier 2015 sur le moyen tiré d'une notification irrégulière de la décision de la CNDA ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant la juridiction administrative ;

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant que la décision contestée a été signée par M. C...D..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, bénéficiaire d'une délégation de signature du préfet de l'Oise, régulièrement publiée, l'autorisant notamment à signer tout arrêté relevant des attributions de l'Etat ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

5. Considérant que la décision contestée énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

6. Considérant que M. B...est célibataire et sans attache familiale en France ; qu'il y est entré irrégulièrement et s'y maintient en dépit du rejet de ses demandes d'asile et de l'arrêté du 2 septembre 2013 du préfet de la Moselle l'obligeant à quitter le territoire français ; qu'il a vécu au Bangladesh, pays où réside sa femme et l'ensemble de sa famille et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans ; que, bien que séjournant en France depuis près de cinq ans à la date de la décision en litige, et en dépit de son travail dans les cuisines du restaurant Sushi Tori de Beauvais, il n'en maîtrise pas la langue ; que dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M.B..., l'arrêté du 27 janvier 2015 du préfet de l'Oise n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

7. Considérant que M. B...ne peut utilement se prévaloir des orientations générales adressées aux préfets par le ministre de l'intérieur dans sa circulaire du 28 novembre 2012 destinées à les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ;

8. Considérant que la circonstance que M. B...dispose d'un contrat de travail ne constitue pas un motif humanitaire ou un motif exceptionnel de nature à lui permettre l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, s'il se prévaut d'une durée de séjour en France de quatre ans et neuf mois, il ressort des pièces qu'il se maintient irrégulièrement en France en dépit de l'arrêté du 2 septembre 2013 du préfet de la Moselle l'obligeant à quitter le territoire national ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commis le préfet de l'Oise doit, dès lors, être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 5, la décision contestée énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

10. Considérant que, si M. B...soutient qu'il serait menacé en cas de retour dans son pays d'origine du fait de son militantisme au sein du Parti nationaliste du Bangladesh Bangladesh Jatiyatabadi Dal, il ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourrait ; qu'au demeurant, ainsi qu'il est dit au point 1, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 7 août 2010 et par la Cour nationale du droit d'asile, par des décisions du 23 décembre 2011 et du 22 mai 2013 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

11. Considérant qu'ainsi qu'il est dit aux points 5 et 9, la décision contestée énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) ) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

13. Considérant qu'en se fondant sur la circonstance que M. B...avait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait et n'offrait pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il ne disposait d'aucun autre lieu d'hébergement que le restaurant Sushi Tori qui l'employait et alors que son contrat de travail mentionne une autre adresse à La Garenne, le préfet de l'Oise a pu, sans commettre d'erreur de droit, décider de ne pas lui octroyer de délai de départ volontaire ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

14. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 4, l'auteur de la décision contestée était bien compétent ;

15. Considérant qu'ainsi qu'il est dit aux points 5, 9 et 11, la décision contestée énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

16. Considérant que, comme il a été dit au point 13, M. B...ne justifie pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, bien qu'il soit titulaire d'un passeport en cours de validité ; que dans ces conditions, en ordonnant par la décision contestée le placement de M. B...en centre de rétention administrative, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle, ni entaché sa décision d'une erreur de fait ; qu'elle ne méconnaissait pas le principe de proportionnalité porté par la directive n° 2008/115 du 16 décembre 2008 ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 27 janvier 2015 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.

.

Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00579
Date de la décision : 22/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-22;15da00579 ?
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