Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Eiffage thermie Est, venant aux droits de la société Crystal Est, a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner solidairement, la communauté de communes de la région d'Yvetot, la société Octant architecture, venant aux droits de la société Japac, et son assureur la Mutuelle des architectes français (MAF), et la société PCV services et son assureur la société Sagena, à lui verser la somme de 41 412 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de l'inondation du sous-sol du centre aquatique de la communauté de communes de la région d'Yvetot.
Par un jugement n° 1003229 du 7 janvier 2014, le tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement les sociétés Octant architecture et PCV services à verser les sommes de 41 412 euros à la société Eiffage thermie Est et de 1 045 euros chacun à la communauté de communes de la région d'Yvetot.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée, le 6 mars 2014, et un mémoire enregistré le, 5 février 2016, la société Octant architecture et la Mutuelle des architectes français, représentées par Me K...L..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 janvier 2014 ;
2°) à titre subsidiaire, que les sociétés Eiffage thermie Est, PCV services, Girus, Syma et la communauté de communes de la région d'Yvetot soient condamnées à la garantir de toutes ses condamnations ;
3°) de mettre à la charge de la société Eiffage thermie Est, de la communauté de communes de la région d'Yvetot, de la société Girus une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'expert a fait preuve de partialité ;
- le rapport d'expertise méconnaît l'article 237 du code de procédure civile et le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne pouvait dans ces conditions fonder le jugement attaqué ;
- la société Eiffage thermie Est ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute commise par la société Japac, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ce préjudice et cette faute ;
- la société PCV services était responsable de la canalisation défectueuse dès lors que l'ouvrage n'était pas réceptionné ;
- le gardiennage du chantier était dévolu à la société Syma tant en vertu du marché dont elle était titulaire que de l'article 31-4 du cahier des clauses administratives générales ;
- ne jamais avoir demandé la suppression du compteur d'eau provisoire ;
- ne jamais avoir demandé l'utilisation du réseau d'adduction d'eau définitif, ni avoir constaté qu'il était utilisé ;
- le maître d'oeuvre n'a pas vocation à être en permanence présent sur le chantier ;
- la société Eiffage thermie Est ne démontre pas avoir dû supporter la charge définitive du préjudice qu'elle invoque dès lors qu'elle était assurée ;
- les sommes demandées par la société Eiffage thermie Est ne sont pas justifiées ;
- le volume d'eau répandu n'est pas établi ;
- le préjudice de la communauté de communes de la région d'Yvetot n'est pas établi ;
- le lien de causalité entre le préjudice et le sinistre que soutient avoir subi la communauté de communes de la région d'Yvetot, n'est pas établi ;
- la société PCV services devra la garantir de sa responsabilité dès lors que cette société était la gardienne de l'ouvrage ;
- la communauté de communes de la région d'Yvetot a tardé à agir en justice suite au sinistre et n'a pas introduit de demande de constat d'urgence devant le tribunal administratif ;
- la responsabilité de la société Syma est engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil, dès lors qu'elle était en charge du gardiennage du chantier ;
- la responsabilité de la société Girus, titulaire du lot " fluide " est engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2015, la communauté de communes de la région d'Yvetot, représentée par la SCP Emo Hebert et associés, conclut au rejet de la requête, à ce que la requérante lui rembourse le surplus de consommation d'eau qu'elle a supporté et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Octant architecture sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient n'avoir commis aucune faute.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2015, la société Girus représentée par Me A...B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Octant architecture sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport d'expertise ne lui est pas opposable ;
- elle n'a commis aucune faute.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2016, les sociétés SYMA, PCV services et SMA SA, venant aux droits de la société SAGENA, représentées par Me I...H..., concluent au rejet de la requête et à ce que le versement, à la société SYMA de la somme de 3 800 euros soit mise à la charge de la société Octant architecture sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens soulevés par la société Octant architecture ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2016, la société Eiffage Energie Thermie Grand Est, venant aux droits de la société Crystal SA, représentée par Me J... D..., conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête, à la réformation du jugement en tant qu'il met hors de cause la communauté de communes de la région d'Yvetot ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire de la communauté de communes de la région d'Yvetot, de la société Octant architecture, de la société PCV services à lui verser la somme de 41 412 euros, assortie des intérêts légaux ;
- à ce que le versement d'une somme de 10 000 euros soit mis à la charge de la société Octant architecture sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel en garantie formé par la société Octant architecture à son encontre est irrecevable ;
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de la demande de la société MAF ;
- les moyens soulevés par la société Octant architecture ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel en tant qu'elle émane de la Mutuelle des architectes français auquel le jugement de première instance ne fait pas grief.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure civile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- et les observations de Me E...C..., représentant la société Eiffage énergie grand Est, et de Me G...F..., représentant la société Girus.
1. Considérant que la communauté de communes de la région d'Yvetot a confié la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un centre aquatique à un groupement conjoint réunissant les sociétés Japac, mandataire, CIRCE, ITAC, D et H paysage et Girus SA ; que la mission d'ordonnancement, pilotage, coordination a été confiée à la société Japac ; que le lot 7 " plomberie " a été confié à la société PCV services et le lot 10 " traitement d'eau et animation aquatique " à la société Crystal Est ; qu'une importante inondation résultant de la rupture d'une canalisation établie par la société PCV services, a affecté le chantier pendant les samedi 4 et dimanche 5 avril 2009, détériorant les ouvrages déjà construits par la société Crystal Est ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement les sociétés Octant architecture, venant aux droits de la société Japac et PCV services à verser la somme de 41 412 euros à la société Eiffage thermie Est venant aux droits de la société Crystal Est, en réparation des préjudices qu'elle a subis ; que la société Octant architecture et son assureur la Mutuelle des architectes français (MAF) relèvent appel de ce jugement et demandent, à titre principal, que leur responsabilité soit écartée et à titre subsidiaire à être garanties par les sociétés Eiffage thermie Est, PCV services, Girus, Syma et la communauté de communes de la région d'Yvetot ;
Sur la recevabilité de l'appel en tant qu'il émane de la Mutuelle des architectes français :
2. Considérant que les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué ; que, par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions de la demande qu'avait présentée l'appelant en première instance ; que, de même, le défendeur en premier ressort n'est pas recevable à interjeter appel du jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur ou qui a donné acte du désistement de ces conclusions ;
3. Considérant que la société Eiffage thermie grand Est s'est désistée en première instance, de ses conclusions tendant à la condamnation de la Mutuelle des architectes français; que le jugement attaqué a donné acte de ce désistement ; que, par suite, la Mutuelle des architectes français est irrecevable à demander l'annulation du jugement rendu le 7 janvier 2014, par le tribunal administratif de Rouen ;
Sur le rapport d'expertise :
4. Considérant que le rapport d'expertise ordonné par le président du tribunal de commerce de Rouen, qui a été soumis au débat contradictoire et à la critique des parties, retient que la société Japac a commis des fautes dans l'exécution de ses missions ; que selon la requérante, l'expert a fait preuve de partialité dès lors que ses conclusions manquent de fondements et de justifications ; que cependant ces seules considérations à les supposer avérées, alors qu'il n'est ni soutenu ni établi que l'expert entretiendrait ou aurait entretenu des relations directes ou indirectes avec l'une ou plusieurs des parties au litige, ne sont pas de nature à susciter un doute sur son impartialité ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce rapport devrait être écarté des débats dès lors qu'il méconnaîtrait, le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en tout état de cause, l'article 237 du code de procédure civile ;
Sur la responsabilité de la société Japac :
En ce qui concerne les demandes de la société Eiffages thermie Est :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le centre aquatique en construction était au jour du sinistre alimenté en eau, non par la canalisation provisoire de chantier, mais par le réseau d'adduction réalisé par l'entreprise PCV services ; que le vendredi 3 avril 2009, en fin de journée, alors qu'un employé de la société PCV services travaillait avec l'entreprise chargée de la mise en place des appareils de traitement d'eau, une fuite est apparue sur la canalisation amenant au premier de ces appareils ; que le plombier ne voulant pas reprendre immédiatement le raccord fuyant, a isolé la zone comportant ce raccord en fermant, à chacune de ses extrémités, un robinet quart de tour ; que cependant le lundi matin, à la reprise du chantier, les ouvriers ont trouvé le sous-sol du bâtiment totalement inondé ; qu'il a été constaté, alors que la vanne générale d'arrivée d'eau était en position ouverte, que le raccord fuyant s'était désaccouplée, faute d'être collé ; que l'expert retient que soit la pression de l'eau, soit des coups de bélier dans le réseau ont fini par ouvrir les robinets quart de tour insuffisamment fermés, et ont conduit au désaccouplement du raccord ;
6. Considérant que le tribunal administratif a retenu que la société Japac avait commis deux fautes en décidant que l'alimentation en eau du chantier se ferait pas une canalisation objet des travaux, non encore réceptionnée et en s'abstenant de prévoir le gardiennage des locaux ;
7. Considérant, cependant, qu'à supposer que la société Japac ait été informée que la société PCV services ait abandonné l'arrivée d'eau provisoire au profit d'une alimentation du chantier par la canalisation qu'elle avait construite, la circonstance qu'elle ne s'est pas opposée à l'usage ainsi fait de l'ouvrage, au motif qu'il n'était pas réceptionné, n'est pas constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité au titre de ses fonctions de maître d'oeuvre ou de sa mission d'ordonnancement, coordination et pilotage, dès lors que l'usage de l'ouvrage par les entreprises participant à l'acte de construire, n'est pas interdit antérieurement à la réception, prononcée au demeurant par le maitre d'ouvrage, dont le seul objet est de libérer le constructeur de ses obligations contractuelles, de transférer la garde de l'ouvrage construit et la responsabilité en découlant, et de déclencher les différents délais de garantie ; qu'en outre, comme il a été dit au point 4, le sinistre ne résulte pas de l'usage quotidien du réseau par les entreprises intervenant sur le chantier, mais d'une mise en eau dudit réseau nécessaire aux essais des appareils de traitement d'eau et de l'absence de fermeture, par l'entreprise PCV services, de la vanne générale d'arrivée d'eau, à l'issue de ces essais ; que, de surcroît, il n'y a pas de lien entre la faute éventuelle de la société Japac d'avoir autorisé l'usage d'un réseau non achevé et le sinistre ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise titulaire du lot gros oeuvre avait notamment pour mission d'assurer la clôture et la fermeture du chantier ; qu'alors qu'aucune circonstance particulière n'imposait une telle mesure, la société Japac n'a pas commis de faute en ne prévoyant pas, en plus de cette clôture, le gardiennage du centre aquatique, alors qu'au demeurant la décision de passer un marché ayant cet objet appartenait au seul maître de l'ouvrage ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que le sinistre trouverait son origine dans l'intrusion de personnes étrangères aux entreprises intervenant sur le site, en fin de semaine, ni que la présence d'un gardien aurait empêché la survenue du sinistre ou en aurait limité l'étendue ; que, par suite, l'existence d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi, n'est pas plus établie ;
9. Considérant que si en première instance la société Crystal Est relevait également, à l'encontre du maître d'oeuvre, des défauts de coordination lors de la mise en place du compteur d'eau définitif, la prise en compte par le cahier des clauses administratives particulières d'un document technique unifié périmé, d'avoir fixé des délais de construction irréalistes et d'avoir incité, suite à la survenue du sinistre le maître d'ouvrage à déposer une plainte auprès de la gendarmerie, ces circonstances, à les supposer fautives, sont sans lien avec le préjudice invoqué, qui résulte de la seule faute de la société PCV services ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et alors qu'il a été répondu par le présent arrêt à l'ensemble des moyens invoqués, tant en première instance qu'en appel, par la société Eiffage thermie Est tendant à voir reconnaitre la responsabilité de la société Japac dans la survenue du sinistre, que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a condamné la société Octant architecture, solidairement avec la société PCV services, à indemniser la société Eiffage thermie Est en lui versant la somme de 41 412 euros et la communauté de communes de la région d'Yvetot en lui versant la somme de 1 045 euros ;
En ce qui concerne les demandes de la communauté de communes de la région d'Yvetot :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, que la demande de la communauté de communes de la région d'Yvetot, tendant à ce que la société Japac soit condamnée à lui rembourser le surcoût de consommation d'eau qu'elle a dû supporter en raison de la fuite en litige, doit être rejetée ;
Sur les conclusions d'appel provoqué de la société Eiffage Energie Thermie Grand Est :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que la communauté de communes de la région d'Yvetot n'a pas commis de faute en s'abstenant de prévoir le gardiennage du chantier ; que, par suite, et en tout état de cause, la société Eiffage Energie Thermie Grand Est n'est pas fondée à soutenir que cette collectivité aurait fait preuve de " laxisme " sur ce point et à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a mise hors de cause ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions réciproques des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 4, 6 et 7 du jugement du 7 janvier 2014 sont réformés en tant qu'ils condamnent la société Octant architecture à verser à la société Eiffage thermie Est la somme de 41 412 euros, à garantir la société PCV services de la moitié de sa condamnation, à verser la somme de 1 045 euros à la communauté de communes de la région d'Yvetot et mettent à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Octant architecture, Eiffage Energie Thermie Grand Est, Girus, PCV services, SYMA, SMA SA, à la Mutuelle des architectes français et à la communauté de communes de la région d'Yvetot.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°14DA00413
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