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22/07/2016 | FRANCE | N°14DA00412

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 22 juillet 2016, 14DA00412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Oisselec a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner solidairement la société Octant architecture, venant aux droits de la société Japac, et son assureur la Mutuelle des architectes français (MAF), et la société PCV services et son assureur la société Sagena, à lui verser la somme de 80 742,71 euros, en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de l'inondation du sous-sol du centre aquatique de la communauté de communes de la région d'Yvetot.

Par un jugemen

t n° 1100527 du 7 janvier 2014, le tribunal administratif de Rouen a condamné solidai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Oisselec a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner solidairement la société Octant architecture, venant aux droits de la société Japac, et son assureur la Mutuelle des architectes français (MAF), et la société PCV services et son assureur la société Sagena, à lui verser la somme de 80 742,71 euros, en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de l'inondation du sous-sol du centre aquatique de la communauté de communes de la région d'Yvetot.

Par un jugement n° 1100527 du 7 janvier 2014, le tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement les sociétés Octant architecture et PCV services à verser la somme de 57 659,91 euros à la société Oisselec.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 mars 2014 et 4 février 2016 la société Octant architecture et la Mutuelle des architectes français, représentées par Me I...J..., demandent à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 janvier 2014 ;

2°) à titre subsidiaire, que les sociétés PCV services, Girus, Syma et la communauté de communes de la région d'Yvetot soient condamnées à la garantir de toutes ses condamnations ;

3°) de mettre à la charge de la société Oisselec la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'expert a fait preuve de partialité ;

- le rapport d'expertise méconnaît l'article 237 du code de procédure civile et le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne pouvait dans ces conditions fonder le jugement attaqué ;

- la société Oisselec ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute commise par la société Japac, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ce préjudice et cette faute ;

- la société PCV services était responsable de la canalisation défectueuse dès lors que l'ouvrage n'était pas réceptionné ;

- le gardiennage du chantier était dévolu à la société Syma tant en vertu du marché dont elle était titulaire que de l'article 31-4 du cahier des clauses administratives générales ;

- ne jamais avoir demandé la suppression du compteur d'eau provisoire ;

- ne jamais avoir demandé l'utilisation du réseau d'adduction d'eau définitif, ni avoir constaté qu'il était utilisé ;

- le maître d'oeuvre n'a pas vocation à être en permanence présent sur le chantier ;

- la société Oisselec ne démontre pas avoir dû supporter la charge définitive du préjudice qu'elle invoque dès lors qu'elle était assurée ;

- les sommes demandées par la société Oisselec ne sont pas justifiées ;

- le volume d'eau répandu n'est pas établi ;

- la société Oisselec s'est abstenue d'engager la responsabilité de la communauté de communes ;

- la société PCV services devra la garantir de sa responsabilité dès lors que cette société était la gardienne de l'ouvrage ;

- la communauté de communes de la région d'Yvetot a tardé à agir en justice suite au sinistre et n'a pas introduit de demande de constat d'urgence devant le tribunal administratif ;

- la responsabilité de la société Syma est engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil, dès lors qu'elle était chargée du gardiennage du chantier ;

- la responsabilité de la société Girus, titulaire du lot " fluide " est engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2014, la société Oisselec, représentée par Me C...G..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge de la société Octant architecture sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Octant architecture ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2014, la société Girus représentée par Me A...B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Octant architecture sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport d'expertise ne lui est pas opposable ;

- elle n'a commis aucune faute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2015, la communauté de communes de la région d'Yvetot, représentée par la SCP Emo Hebert et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Octant architecture sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient n'avoir commis aucune faute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2016, les sociétés SYMA, PCV services et SMA SA, venant aux droits de la société SAGENA, représentées par Me H...F..., concluent au rejet de la requête et à ce que le versement, à la société SYMA de la somme de 3 800 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, soit mise à la charge de la société Octant architecture.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par la société Octant architecture ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel en tant qu'elle émane de la Mutuelle des architectes français auquel le jugement de première instance ne fait pas grief.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me E...D..., représentant la société Girus et de Me C...G..., représentant la société Oisselec.

1. Considérant que la communauté de communes de la région d'Yvetot a confié la maitrise d'oeuvre de la construction d'un centre aquatique à un groupement conjoint réunissant les sociétés Japac, mandataire, CIRCE, ITAC, D et H paysage et Girus SA ; que la mission d'ordonnancement, pilotage, coordination a été confiée à la société Japac ; que le lot 7 " plomberie " a été confié à la société PCV services et le lot 8 " électricité courant fort et faible " à la société Oisselec ; qu'une importante inondation résultant de la rupture d'une canalisation établie par la société PCV services, a affecté le chantier pendant les samedi 4 et dimanche 5 avril 2009, détériorant les ouvrages déjà construits par la société Oisselec ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement les sociétés Octant architecture et PCV services à verser la somme de 57 659,91 euros à la société Oisselec en réparation des préjudices subis ; que la société Octant architecture et la Mutuelle des architectes français, qui relèvent appel de ce jugement, demandent, à titre principal, que leur responsabilité soit écartée, et, à titre subsidiaire, à être garanties par les sociétés PCV services, Girus, Syma et la communauté de communes de la région d'Yvetot ;

Sur la recevabilité de l'appel en tant qu'il émane de la Mutuelle des architectes français :

2. Considérant que les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué ; que, par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions de la demande qu'avait présentée l'appelant en première instance ; que, de même, le défendeur en premier ressort n'est pas recevable à interjeter appel du jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur ou qui a donné acte du désistement de ces conclusions ;

3. Considérant que la société Oisselec s'est désistée en première instance, de ses conclusions tendant à la condamnation de la Mutuelle des architectes français ; que le jugement attaqué a donné acte de ce désistement ; que, par suite, la Mutuelle des architectes français est irrecevable à demander l'annulation du jugement rendu le 7 janvier 2014, par le tribunal administratif de Rouen ;

En ce qui concerne le rapport d'expertise :

4. Considérant que le rapport d'expertise ordonné par le président du tribunal de commerce de Rouen, qui a été soumis au débat contradictoire et à la critique des parties, retient que la société Japac a commis des fautes dans l'exécution de ses missions ; que selon la requérante, l'expert a fait preuve de partialité dès lors que ses conclusions manquent de fondements et de justifications ; que cependant ces seules considérations à les supposer avérées, alors qu'il n'est ni soutenu ni établi que l'expert entretiendrait ou aurait entretenu des relations directes ou indirectes avec l'une ou plusieurs des parties au litige, ne sont pas de nature à susciter un doute sur son impartialité ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce rapport devrait être écarté des débats dès lors qu'il méconnaîtrait, le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en tout état de cause, l'article 237 du code de procédure civile ;

En ce qui concerne la responsabilité de la société Japac :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le centre aquatique en construction était au jour du sinistre alimenté en eau, non par la canalisation provisoire de chantier, mais par le réseau d'adduction réalisé par l'entreprise PCV services ; que le vendredi 3 avril 2009, en fin de journée, alors qu'un employé de la société PCV services travaillait avec l'entreprise chargée de la mise en place des appareils de traitement d'eau, une fuite est apparue sur la canalisation amenant au premier de ces appareils ; que le plombier ne voulant pas reprendre immédiatement le raccord fuyant, a isolé la zone comportant ce raccord en fermant, à chacune de ses extrémités, un robinet quart de tour ; que cependant le lundi matin, à la reprise du chantier, les ouvriers ont trouvé le sous-sol du bâtiment totalement inondé ; qu'il a été constaté, alors que la vanne générale d'arrivée d'eau était en position ouverte, que le raccord fuyant s'était désaccouplée, faute d'être collé ; que l'expert retient que soit la pression de l'eau, soit des coups de bélier dans le réseau ont fini par ouvrir les robinets quart de tour insuffisamment fermés, et ont conduit au désaccouplement du raccord ;

6. Considérant que le tribunal administratif a retenu que la société Japac avait commis deux fautes en décidant que l'alimentation en eau du chantier se ferait pas une canalisation objet des travaux, non encore réceptionnée et en s'abstenant de prévoir le gardiennage des locaux ;

7. Considérant, cependant, qu'à supposer que la société Japac ait été informée que la société PCV services ait abandonné l'arrivée d'eau provisoire au profit d'une alimentation du chantier par la canalisation qu'elle avait construite, la circonstance qu'elle ne s'est pas opposée à l'usage ainsi fait de l'ouvrage, au motif qu'il n'était pas réceptionné, n'est pas constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité au titre de ses fonctions de maître d'oeuvre ou de sa mission d'ordonnancement, coordination et pilotage, dès lors que l'usage de l'ouvrage par les entreprises participant à l'acte de construire, n'est pas interdit antérieurement à la réception, prononcée au demeurant par le maitre d'ouvrage, dont le seul objet est de libérer le constructeur de ses obligations contractuelles, de transférer la garde de l'ouvrage construit et la responsabilité en découlant, et de déclencher les différents délais de garantie ; qu'en outre, comme il a été dit au point 4, le sinistre ne résulte pas de l'usage quotidien du réseau par les entreprises intervenant sur le chantier, mais d'une mise en eau dudit réseau nécessaire aux essais des appareils de traitement d'eau et de l'absence de fermeture, par l'entreprise PCV services, de la vanne générale d'arrivée d'eau, à l'issue de ces essais ; que, de surcroît, il n'y a pas de lien entre la faute éventuelle de la société Japac d'avoir autorisé l'usage d'un réseau non achevé et le sinistre ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise titulaire du lot gros oeuvre avait notamment pour mission d'assurer la clôture et la fermeture du chantier ; qu'alors qu'aucune circonstance particulière n'imposait une telle mesure, la société Japac n'a pas commis de faute en ne prévoyant pas, en plus de cette clôture, le gardiennage du centre aquatique, alors qu'au demeurant la décision de passer un marché ayant cet objet appartenait au seul maître de l'ouvrage ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que le sinistre trouverait son origine dans l'intrusion de personnes étrangères aux entreprises intervenant sur le site, en fin de semaine, ni que la présence d'un gardien aurait empêché la survenue du sinistre ou en aurait limité l'étendue ; que, par suite, l'existence d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi, n'est pas plus établie ;

9. Considérant, d'une part, que si en première instance la société Oisselec relevait à l'encontre du maître d'oeuvre, des défauts de coordination lors de la mise en place du compteur d'eau définitif, la prise en compte par le cahier des clauses administratives particulières, rédigé par le maître d'oeuvre, d'un document technique unifié périmé, d'avoir fixé des délais de réalisation irréalistes, d'avoir incité, suite à la survenue du sinistre le maître d'ouvrage à déposer une plainte auprès de la gendarmerie, une gestion approximative du chantier et des manquements dans son devoir de conseil à l'égard du maître d'ouvrage, ces circonstances sont sans lien avec le préjudice invoqué, qui résulte de la seule faute de la société PCV services ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que la société Japac qui était présente à chacune des réunions de chantier hebdomadaires, ait méconnu son obligation de surveillance du chantier ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et alors qu'il a été répondu par le présent arrêt à l'ensemble des moyens invoqués, tant en première instance qu'en appel, par la société Oisselec tendant à voir reconnaître la responsabilité de la société Japac dans la survenue du sinistre, que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a condamné la société Octant architecture, solidairement avec la société PCV services, à indemniser la société Oisselec en lui versant la somme de 57 659,91 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de rejeter les conclusions réciproques des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 5 du jugement du 7 janvier 2014 sont réformés en tant qu'ils condamnent la société Octant architecture à verser à la société Oisselec la somme de 57 659,91 euros, à garantir la société PCV services de la moitié de sa condamnation et mettent à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Octant architecture, Oisselec, Girus, PCV services, SYMA, SMA SA, à la Mutuelle des architectes français et à la communauté de commune de la région d'Yvetot.

Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°14DA00412

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00412
Date de la décision : 22/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Mauvaise exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BARRABE VALLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-22;14da00412 ?
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