Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2014 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et la plaçant en rétention administrative.
Par un jugement n° 1407594 du 6 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2015, MmeD..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 novembre 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2014 du préfet du Nord ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 700 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français a été édicté par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'erreur de fait ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 511-1 et L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 2 de l'arrangement entre la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas sur la prise en charge de personnes à la frontière du 16 avril 1964 ;
- le refus de délai de départ volontaire a été édicté par une autorité incompétente ;
- il est illégal à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite a été édictée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 2 de l'arrangement entre la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas sur la prise en charge de personnes à la frontière du 16 avril 1964 ;
- la décision ordonnant son placement en rétention administrative a été édictée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
La requête a été communiquée au préfet du Nord qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le décret n° 64-473 du 28 mai 1964 portant publication d'un arrangement entre la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas sur la prise en charge de personnes à la frontière du 16 avril 1964 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante iranienne, née le 4 février 1983, relève appel du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2014 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination du pays où elle établit être légalement admissible et ordonnant son placement en rétention administrative ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 3 novembre 2014 a été signé par M. F...G..., adjoint au directeur de l'immigration et de l'intégration ; que ce dernier était titulaire d'une délégation de signature du 29 septembre 2014 du préfet du Nord, régulièrement publiée le même jour au recueil spécial n° 278 des actes administratifs de la préfecture du Nord, l'habilitant à signer en cas d'absence ou d'empêchement concomitant du secrétaire général, du secrétaire général adjoint et de M. I...E..., directeur de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord, notamment les obligations de quitter le territoire français, les décisions fixant le délai de départ et le pays de destination ainsi que les placements en rétention administrative ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que le secrétaire général de la préfecture, le secrétaire général adjoint et le directeur de l'immigration et de l'intégration n'aient pas été absents ou empêchés à la date à laquelle a été signé l'arrêté du 3 novembre 2014 par lequel une obligation de quitter le territoire français a été prononcée à l'encontre de la requérante ; que le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit dès lors être écarté ;
3. Considérant, d'une part, qu'en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans plusieurs cas, notamment lorsqu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire ou qu'il s'y est irrégulièrement maintenu ; qu'une telle mesure peut également être décidée, selon l'article L. 511-2 du même code, à l'égard de l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui n'a pas respecté les conditions d'entrée prévues dans le règlement n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ou qui, en provenance directe d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, ne justifie pas être entré sur le territoire français ou s'y être maintenu conformément aux stipulations de cette convention ;
4. Considérant que l'article L. 531-1 du même code dispose : " Par dérogation aux articles (...) L. 511-1 à L. 511-3, (...) l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'État membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les États membres de l'union européenne. (...) " ; que l'article L. 531-2 prévoit, en ses deuxième, troisième et quatrième alinéas, que de telles mesures de réadmission peuvent également être prises à l'encontre de l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux stipulations de cette convention que mentionne le deuxième alinéa de l'article L. 531-2, à l'encontre de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre et qui n'a pas régularisé sa situation en France, enfin, à l'encontre de l'étranger détenteur d'une carte de séjour temporaire portant la mention " carte bleue européenne " en cours de validité accordée par un autre Etat membre de l'Union européenne lorsque lui est refusée en France la délivrance de la carte de séjour temporaire portant cette mention ou lorsque la " carte bleue européenne " qu'il détient expire ou lui est retirée durant l'examen de sa demande en France ; qu'il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre ;
5. Considérant, toutefois, que si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de l'arrangement susvisé entre la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas sur la prise en charge de personnes à la frontière en date du 16 avril 1964 : " 1. Le gouvernement de chacun des Etats du Benelux reprendra, à la demande des autorités françaises, les personnes qui ne sont pas ressortissantes d'un des pays parties au présent arrangement lorsque, aux termes de la réglementation en vigueur en France, elles ont pénétré irrégulièrement sur le territoire français par la frontière commune. / 2. Cette disposition ne sera applicable que si la demande de prise en charge est introduite dans les six mois qui suivent la sortie du territoire du Benelux et si ces personnes ont séjourné au moins quinze jours dans le territoire du Benelux ou si, y ayant séjourné moins de quinze jours, elles y sont entrées régulièrement. L'obligation de reprise cesse si, après avoir pénétré en France, ces personnes y ont obtenu une autorisation de séjour d'au moins six mois (...) " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...a été interpellée par les services de police le 3 novembre 2014 en provenance directe de la Belgique et n'a pu justifier de son entrée régulière sur le territoire français ; que si les autorités de ce pays ont été saisies par le préfet du Nord dans le cadre de la procédure de réadmission, celui-ci, eu égard à ce qui a été énoncé au point 4, n'a pas commis d'erreur de droit en faisant obligation à Mme D...de quitter le territoire français ; qu'en outre, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet du Nord a pris en compte les documents de Mme D...émanant des autorités belges concernant son séjour en Belgique et a présenté aux autorités belges une demande de reprise en charge ; que, dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ;
8. Considérant enfin que le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;
Sur le refus de délai de départ volontaire :
9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;
12. Considérant que Mme D...était dépourvue de tout document d'identité et ne justifiait pas de domicile fixe sur le territoire français où elle était entrée irrégulièrement et n'avait pas depuis sollicité de titre de séjour ; qu'ainsi, après avoir constaté que l'intéressée relevait des dispositions du a du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne présentait pas des garanties suffisantes de représentation au sens du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer qu'il existait un risque que Mme D...se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont elle faisait l'objet et, ainsi légalement refuser l'octroi à l'intéressée d'un délai de départ volontaire ;
Sur le pays de renvoi :
13. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ; qu'il doit dès lors être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
15. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, il est constant que le préfet du Nord n'a pas entendu faire application des stipulations de l'article 2 de l'arrangement entre la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas sur la prise en charge des personnes à la frontière du 16 avril 1964 ; qu'en tout état de cause, aucune stipulation de cet arrangement n'oblige les autorités nationales à procéder en priorité à la remise de l'étranger dans l'un de ces pays ; que de surcroît il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet du Nord a pris en compte les allégations de Mme D...concernant son séjour en Belgique et a présenté aux autorités belges une demande de reprise en charge ; que, dès lors, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que l'autorité préfectorale aurait méconnu les stipulations de l'arrangement précité ;
Sur le placement en rétention administrative :
16. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ; qu'il doit dès lors être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention administrative, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
18. Considérant que Mme D...ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 15 de la directive 2008/115/CE dès lors qu'elles ont été transposées en droit interne par la loi du 16 juin 2011 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait cet article de la directive est inopérant ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2016
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. H...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00185