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12/07/2016 | FRANCE | N°15DA01469

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 12 juillet 2016, 15DA01469


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'architecture Alluin et Mauduit a demandé au tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de fixer à une somme nulle le montant définitif de sa dette à l'égard de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme en ce qui concerne tant les travaux supplémentaires que les incidences financières des retards de chantier et préjudices propres de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme, et de mettre à sa charge la somm

e de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'architecture Alluin et Mauduit a demandé au tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de fixer à une somme nulle le montant définitif de sa dette à l'égard de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme en ce qui concerne tant les travaux supplémentaires que les incidences financières des retards de chantier et préjudices propres de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme, et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1202608 du 30 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a fixé à la somme de 3 588 632,81 euros TTC le montant de la dette de la société d'architecture Alluin et Mauduit à l'égard de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme et mis à sa charge la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2015, la société d'architecture Alluin et Mauduit, représentée par la société d'avocats Parini, Tessier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 30 juin 2015 ;

2°) de dire que sa responsabilité n'est pas engagée, tant en ce qui concerne les travaux supplémentaires que l'allongement de la durée d'exécution des travaux ;

3°) de rejeter les demandes financières de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme ;

4°) de mettre à la charge de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal, qui a accordé foi aux conclusions erronées et imprécises de l'expert, a renversé la charge de la preuve ;

- s'agissant de la canalisation enterrée, les modifications de plan intervenues doivent être imputées aux discussions entre l'entreprise chargée de l'exécution et le maître de l'ouvrage mais non à des carences de l'architecte ;

- le tribunal n'a pas pris en compte la circonstance que le lot plomberie et le lot couverture ont été rattachés au lot gros-oeuvre, et qu'il n'en n'a résulté aucun préjudice pour l'hôpital ;

- le doublement des pieux constitue une simple adaptation technique, imputable à l'entreprise mais non à une faute de la maîtrise d'oeuvre ;

- la modification de la cuisine centrale et la modification de la structure de la zone cuisine ne sont pas imputables à une insuffisance des études d'architecte ;

- le regard de branchement d'eau résulte d'une décision de l'économiste et de l'entrepreneur et non d'une faute de l'architecte ;

- les retards d'exécution sont imputables à la carence de l'OPC Oger International ;

- c'est à tort que le marché a été résilié à ses torts, le chantier n'ayant pas été abandonné et l'hôpital ayant refusé de financer le prolongement de sa mission au titre de la phase DET ;

- en fixant la provision correspondant à l'indemnité due aux retards à la somme totale de 2 787 187,68 euros TTC, la cour, suivie par le tribunal statuant au fond, a comptabilisé deux fois plusieurs postes ;

- le surcoût d'exploitation et l'augmentation du coût de financement des travaux ne sont pas justifiés.

Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2016, le centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme conclut :

1°) à la confirmation du jugement ;

2°) à ce que la dette de la société d'architecture Alluin et Mauduit soit fixée à la somme de 9 697 428 euros ;

3°) à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la somme supplémentaire de 6 108 795,64 euros correspondant au total des réclamations financières des entreprises titulaires des marchés doit être mise à la charge de la requérante.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 mars 2016.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles, nouvelles en appel, du centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme.

Vu :

-le rapport de M.C..., expert, enregistré le 21 juillet 2010 ;

-les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- l'arrêté du 21 décembre 1993 ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président de la formation de jugement,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant le centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme.

Une note en délibéré présentée pour le centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme a été enregistrée le 5 juillet 2016.

1. Considérant que l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme a décidé d'engager une opération de restructuration et de construction de bâtiments dédiés aux fonctions administratives et d'accueil, aux unités de vie et d'hospitalisation et à la logistique, qui comportait la création de deux nouveaux bâtiments dédiés à la médecine et à l'hébergement et la restructuration d'un troisième ; que, par un marché du 13 janvier 2005, le groupement composé de la société à responsabilité limitée (SARL) d'architecture Alluin et Mauduit, architecte mandataire, de la société Economie 95, économiste, de la société Barbanel, bureau d'études techniques " fluides ", et de la société Argile, bureau d'études techniques " structures ", aux droits de laquelle vient la société Arcora, a été chargé par l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme de la maîtrise d'oeuvre de la restructuration et de la construction de bâtiments dédiés aux fonctions administratives et d'accueil, aux unités de vie et d'hospitalisation et à la logistique, pour un forfait définitif de rémunération fixé à 3 155 960 euros hors taxes (HT) ; que, par un acte d'engagement du 8 septembre 2003, la mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage a été confiée à la société AEPRIM aux droits de laquelle est venue la société Crédit agricole immobilier entreprise ; que, par un acte d'engagement du 12 janvier 2006, l'ordonnancement, le pilotage et la coordination (OPC) ont été confiés à la société Oger International ; que, par un marché du 27 novembre 2006, la réalisation du lot n° 1B " Démolition phase 2 / Gros-oeuvre / Structure / Charpente métallique " a été confiée au groupement conjoint et solidaire constitué de la société GCC, mandataire, et de la société Ramery Bâtiment, pour un prix global et forfaitaire de 9 220 000,00 euros HT, soit 11 027 120,00 euros TTC;

2. Considérant qu'en raison notamment du retard déjà constaté dès les premiers mois du chantier, la société GCC et la société Ramery Bâtiment ont sollicité une expertise en référé, laquelle a été ordonnée le 21 décembre 2007 par le président du tribunal administratif d'Amiens et étendue le 8 septembre 2008 à la demande de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme ; que l'expert, M.C..., ayant rendu son rapport le 21 juillet 2010, ces deux entreprises ont saisi le juge des référés d'une demande tendant à la condamnation de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, au versement d'une provision les indemnisant des travaux supplémentaires et des divers préjudices résultant des retards dans le déroulement du chantier ; que l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme a également saisi le juge des référés, d'une part d'une demande tendant à ce que le groupement de maîtrise d'oeuvre soit condamné à le garantir de la provision qu'il serait condamnée à verser aux sociétés GCC et Ramery Bâtiment, d'autre part à ce que la maîtrise d'oeuvre lui verse une provision l'indemnisant de son préjudice propre ; que, par deux ordonnances du 31 mai 2012, sous les nos 11DA00299 et 11DA00304, la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part condamné, au titre des travaux supplémentaires et des incidences financières des retards du chantier, l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme à verser aux sociétés GCC et Ramery Bâtiment une provision d'un montant de 2 988 932,81 euros TTC et la société d'architecture Alluin et Mauduit à garantir l'établissement hospitalier pour la totalité de la provision et, d'autre part, condamné la société d'architecture Alluin et Mauduit à verser à l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme, au titre de son préjudice propre, une provision d'un montant de 599 700 euros ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'aux termes de qu'aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel. " ;

4. Considérant que, par une requête enregistrée le 31 juillet 2012, la société d'architecture Alluin et Mauduit a demandé au tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de fixer à somme nulle le montant définitif de sa dette à l'égard de l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme ; qu'elle relève appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal a fixé le montant de sa dette à la somme de 3 588 632,81 euros TTC ;

5. Considérant que la demande de la société d'architecture Alluin et Mauduit ne tend pas à l'établissement du décompte général et définitif de ce marché qui, compte tenu de sa résiliation à ses frais et risques, ne pourra intervenir qu'après le règlement définitif du marché de substitution passé pour l'achèvement des travaux ; qu'elles tendent uniquement à ce que le juge du fond statue définitivement, suivant la procédure spéciale prévue par l'article R. 541-4 du code de justice administrative, sur le montant des dettes arrêté provisoirement à la somme totale de 3 588 632,81 euros par les deux arrêts nos 11DA00299 et 11DA00304 du 31 mai 2012 ; que l'indemnité dont le montant sera ainsi fixé ne constituera qu'un élément à prendre en compte pour l'établissement du décompte général et définitif à intervenir ; que, par suite, la demande de la société d'architecture Alluin et Mauduit est recevable ;

Sur la régularité du jugement :

6. Considérant que, pour écarter les critiques formulées par la société Alluin et Mauduit, le tribunal administratif d'Amiens, qui s'est fondé sur les conclusions de l'expert, a estimé que la requérante n'établissait pas que les surcoûts mis à sa charge n'étaient pas imputables à sa défaillance dans la conduite des travaux ni que leur montant était erroné ; qu'il a ainsi suffisamment motivé son jugement ; que si la requérante soutient que le jugement aurait ainsi méconnu les règles relatives à la charge de la preuve, cette circonstance n'affecte pas la régularité du jugement mais seulement son bien-fondé ;

Sur l'expertise :

7. Considérant que juge administratif n'est jamais tenu de suivre l'avis des experts et peut retenir à l'appui de sa décision les seules conclusions d'un rapport d'expertise qui lui paraissent conformes à la situation de fait ;

8. Considérant que si, dans une lettre du 12 octobre 2010 adressée au directeur de l'hôpital, la société d'architecture Alluin et Mauduit a critiqué le rapport de l'expert en ce qu'il aurait minimisé la responsabilité de la société Oger International chargée d'une mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC), elle n'a pas contesté la réalité des carences dans la phase de préparation, et des insuffisances dans la conduite des travaux qui lui étaient imputées, pas plus qu'elle n'a mis en cause le chiffrage des préjudices ; que si la société d'architecture Alluin et Mauduit a fait valoir dans le cadre de la présente instance, devant les premiers juges et en appel, que les affirmations de l'expert étaient " péremptoires et incontrôlables, et qu'elles ne s'appuyaient sur aucun raisonnement motivé et vérifiable ", elle n'assortit ses affirmations d'aucun fait de nature à établir que les constatations de l'expert seraient matériellement erronées ou que ses appréciations seraient infondées ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'expert n'a pas confondu dans son analyse les missions de la maîtrise d'oeuvre chargée de la mise au point des plans d'avant-projet et de projet, et celles des entreprises chargées de la mise au point des plans d'exécution ; qu'il a considéré que la mission des entreprises avait été indûment compliquée par la remise par la maîtrise d'oeuvre de plans initiaux inexploitables ou modifiés en permanence, ce qui les avait amenées à refaire le travail de l'architecte, à s'adapter à ses revirements, à engager des travaux supplémentaires et à assumer les conséquences du retard pris par le chantier ; que, d'autre part, l'expert, qui a souligné que la maîtrise d'oeuvre d'une part était responsable du respect du calendrier d'exécution, d'autre part assurait la direction et l'animation de la cellule de synthèse dont l'OPC était simplement chargé de la gestion administrative, a analysé les missions respectives confiées à la société d'architecture Alluin et Mauduit et à la société Oger International conformément aux documents des marchés ; que dès lors, il ne ressort pas de la lecture du rapport déposé par l'expert devant la juridiction administrative qu'en se fondant sur les constatations de l'homme de l'art, le tribunal administratif aurait retenu des conclusions inexploitables ou reposant sur un raisonnement radicalement vicié ; que la société d'architecture Alluin et Mauduit ne prétend d'ailleurs pas que cette expertise aurait dû être écartée comme irrégulière ; qu'il appartient donc à la cour, en faisant application des règles relatives à la charge de la preuve, de statuer sur les demandes de la requérante au vu des constatations et opinions de l'expert, en tenant compte des critiques et observations formulées par les parties dans le cadre de la présente instance ;

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

9. Considérant que, par une ordonnance n° 11DA00299 du 31 mai 2012, la cour d'appel de Douai a condamné l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme à verser aux sociétés GCC et Ramery Bâtiment une provision de 201 745,13 euros TTC au titre des travaux supplémentaires, et condamné la société d'architecture Alluin et Mauduit à garantir l'hôpital de cette condamnation ; que le tribunal administratif d'Amiens, saisi sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, a fixé à la même somme le montant définitif de la dette ; que l'appelante conteste ce montant ;

10. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 14 du cahier des clauses administratives particulières : " Le maître d'oeuvre est réputé avoir prévu dans le document servant de base à la consultation des entreprises tous les travaux nécessaires à la réalisation du programme et du projet " ; que le même article distingue les modifications dans la consistance du projet apportées par le maître d'oeuvre en cours de conception par suite d'imprévisions ou d'imprécisions dans ses études, ou d'erreurs dans la conduite des travaux, des modifications apportées dans le but d'améliorer le rapport qualité/prix des prestations, des modifications de programme acceptées par le maître d'ouvrage dans le respect du programme, et de celles qui s'imposent au maître d'ouvrage et au maître d'oeuvre du fait notamment d'un aléa imprévisible ; qu'il résulte de ces stipulations que les surcoûts résultant d'imprévisions ou d'imprécisions dans ses études, ou d'erreurs dans la conduite des travaux sont de nature à engager la responsabilité du maître d'oeuvre vis-à-vis du maître d'ouvrage ;

Sur les canalisations enterrées et les pannes support de couverture :

11. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que la réalisation des canalisations enterrées et celle des pannes supports de couverture qui, initialement, relevaient respectivement des lots " plomberie " et " couvertures " ont été en définitive réalisées par le groupement GCC et Ramery Bâtiment au titre du lot " gros-oeuvre " sans que ce dernier cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ait été modifié ; qu'en conséquence de quoi, l'hôpital a été amené à verser à ce groupement les sommes de 40 793,53 euros TTC et de 110 912,10 euros TTC au titre des travaux supplémentaires ainsi effectués ;

12. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le changement intervenu résulte d'un manquement de la maîtrise d'oeuvre à ses obligations ; que la société d'architecture Alluin et Mauduit fait valoir sans être contestée que les sommes versées au groupement GCC et Ramery Bâtiment au titre des travaux supplémentaires ont été retranchées des sommes dues aux titulaires des lots " plomberie " et " couvertures ", dès lors que ces derniers n'avaient pas réalisé ces travaux ; qu'en l'absence de faute contractuelle et de préjudice financier pour le maître d'ouvrage, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a considéré qu'elle devait garantir l'hôpital des sommes versées au groupement GCC et Ramery Bâtiment au titre de ces travaux supplémentaires ;

Sur le doublement des pieux :

13. Considérant que l'expert a relevé que, pour ne pas détériorer les réseaux divers lors des divers forages, les entreprises GCC et Ramery Bâtiment avaient dû poser quatre pieux supplémentaires ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux supplémentaires, dont la nécessité ne s'est révélée qu'en cours de chantier, une fois le sol affouillé, aient été la conséquence d'une carence avérée de la société d'architecture Alluin et Mauduit au stade de la réalisation des études d'avant-projet et de projet dont elle avait la charge ; que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a considéré qu'elle devait garantir l'hôpital des sommes versées au groupement GCC et Ramery Bâtiment au titre de ces travaux supplémentaires ;

Sur la modification de la cuisine centrale et de la structure de la zone cuisine :

14. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation de deux portes dans le voile béton de la cuisine sur le quai de livraison doive être imputée à des carences de l'architecte au stade de la conception du projet ; que c'est à tort que le tribunal administratif a condamné la société d'architecture Alluin et Mauduit à garantir l'hôpital de la somme de 5 241,47 euros TTC versée aux entrepreneurs ;

15. Considérant que, de la même manière, s'agissant des modifications de structure de la zone cuisine, le rapport d'expertise, qui ne précise pas leur objet et leur étendue et se borne à des considérations purement factuelles, ne permet pas d'établir qu'elles auraient été rendues nécessaires par des carences de la maîtrise d'oeuvre au stade de la conception du projet ou des défaillances au stade de la direction des travaux ; que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a considéré qu'elle devait garantir l'hôpital des sommes versées au groupement GCC et Ramery Bâtiment au titre de ces travaux supplémentaires ;

Sur le regard de branchement d'eau :

16. Considérant que l'expert a considéré que les entreprises GCC et Ramery Bâtiment étaient fondées à prétendre à une indemnisation au titre des études d'exécution pour la création d'un regard dans le branchement d'eau ; qu'il résulte de l'annexe au cahier des clauses administratives particulières relatives aux études de projet qui incombaient à la maîtrise d'oeuvre que, s'agissant de la plomberie, les plans devaient prévoir le positionnement des équipements des lieux techniques et l'implantation des matériels ; qu'il incombait donc à la maîtrise d'oeuvre, et non aux entreprises chargées de l'exécution, de prévoir ce regard de branchement d'eau au stade des études de projet ; que c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné la société d'architecture Alluin et Mauduit à garantir l'hôpital de la somme de 3 874,21 euros TTC versée aux entrepreneurs ;

Sur la poutre retroussée :

17. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que la maîtrise d'oeuvre a demandé en cours de chantier au groupement d'entreprises GCC et Ramery Bâtiment de supprimer les retombées des poutres permettant le passage des réseaux en sous-face de la dalle et, afin de soutenir les charges, de réaliser une poutre retroussée ; que cette demande en cours de chantier révèle une carence de la maîtrise d'oeuvre au stade de la conception ; que c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné la société d'architecture Alluin et Mauduit à garantir l'hôpital à hauteur de la somme de 7 633, 35 euros TTC retenue par l'expert ;

Sur le total des sommes dues au titre des travaux supplémentaires :

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société d'architecture Alluin et Mauduit doit être condamnée à garantir le centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme des sommes versées aux entrepreneurs à hauteur de la somme de 11 507,56 euros TTC ;

En ce qui concerne les incidences financières des retards du chantier :

19. Considérant que, par une ordonnance n° 11DA00299 du 31 mai 2012, la cour d'appel de Douai a condamné l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme à verser aux sociétés GCC et Ramery Bâtiment une provision de 2 787 187,68 euros TTC au titre des incidences financières des retards dans le déroulement du chantier, et condamné la société d'architecture Alluin et Mauduit à garantir l'hôpital de cette condamnation ; que le tribunal administratif d'Amiens, saisi sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, a fixé à la même somme le montant définitif de la dette ; que l'appelante conteste ce montant ;

Sur la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre :

20. Considérant qu'il résulte de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, dans sa rédaction issue du décret du 26 décembre 1978, applicable au marché en cause que la personne publique peut résilier le marché aux torts du titulaire quand celui-ci ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels ou quand le retard pris dans l'exécution du marché compromet gravement l'utilisation des résultats par la personne publique ; qu'aux termes du point 2.3 de l'annexe du cahier des clauses administratives particulières relative à la direction de l'exécution des contrats de travaux : " La maîtrise d'oeuvre doit s'assurer du respect du calendrier d'exécution, tant dans l'avancement des travaux que dans les dates d'intervention des différents corps d'état " et " organiser et diriger les réunions hebdomadaires de chantier " ; que le point 11 de l'annexe relative à la mission synthèse stipule que : " la maîtrise d'oeuvre assure la direction et l'animation de la cellule de synthèse " tandis que l'OPC en assure la gestion administrative ; qu'il résulte de ces stipulations contractuelles que la maîtrise d'oeuvre est seule responsable du respect des délais ;

21. Considérant que le rapport de l'expert souligne, de manière générale, que la mise au point des études s'est avérée longue et difficile du fait d'un dossier de consultation qui n'était pas abouti, que les plans de la maîtrise d'oeuvre ont connu six versions en trois mois, que ces remaniements incessants ne relèvent pas de bouleversements architecturaux mais de la " multitude de plans erronés envoyés par la maîtrise d'oeuvre " ; qu'il conclut qu'" en raison d'un dossier de consultation non abouti, la maîtrise d'oeuvre avait été contrainte de modifier de façon incessante ses plans pour s'adapter à la réalité d'un chantier qu'elle n'avait pas anticipé " ; que, par ailleurs, l'expert a relevé que les retards découlant de ces remaniements permanents des plans avaient été accentués par les absences de la maîtrise d'oeuvre aux réunions de synthèse et de pilotage et à l'absence de décision prise au cours de ces réunions ; que si l'expert a, par ailleurs, constaté certaines carences de la part de la société Oger International dans sa mission administrative de synthèse au titre des modifications apportées au projet, il n'a toutefois pas établi l'existence de lien entre ces carences et la survenance des retards ; que si les pièces produites par la société d'architecture Alluin et Mauduit reflètent la mésentente chronique entre la maîtrise d'oeuvre et la société Oger International, elles ne sont pas de nature à infirmer les conclusions du rapport d'expertise ; qu'ainsi la société d'architecture Alluin et Mauduit n'est pas fondée à soutenir que les fautes qu'elle attribue à la société Oger International l'exonéreraient de ses propres fautes qui, elles, sont établies ;

22. Considérant que la contestation par la société d'architecture Alluin et Mauduit du bien-fondé de la résiliation à ses frais et risques du marché de maîtrise d'oeuvre prononcée le 10 février 2011, sur laquelle la cour a, du reste, statué par un arrêt n° 14DA00595 du 24 mars 2016, est sans incidence sur l'issue du présent litige ;

23. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société d'architecture Alluin et Mauduit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a jugée responsable des préjudices résultant pour les entreprises GCC et Ramery Bâtiment des retards pris par le chantier ;

Sur le quantum :

24. Considérant que pour critiquer la somme de 2 787 187,68 euros TTC à laquelle le tribunal administratif d'Amiens a arrêté le montant des incidences financières pour les sociétés GCC et Ramery Bâtiment des retards dans le déroulement du chantier, et donc le montant que la société d'architecture Alluin et Mauduit doit garantir à l'hôpital, l'appelante fait essentiellement valoir que cette somme, retenue par la cour statuant sur la demande de provision et confirmée par les juges de première instance statuant au fond, intègre deux fois plusieurs postes et qu'elle est, de ce fait, excessive et injustifiée ;

25. Considérant que, pour fixer à la somme de 2 787 187,68 euros TTC le montant des incidences financières pour les sociétés GCC et Ramery Bâtiment des retards dans le déroulement du chantier, la cour a dans un premier temps, en se fondant sur les estimations de l'expert arrêtées à la date du 28 novembre 2008, fixé à la somme de 1 963 153,87 euros TTC les déboursés d'encadrement, main d'oeuvre et matériel, à la somme de 35 000 euros TTC le montant non sérieusement contestable du surcoût des études, et à la somme de 100 000 euros TTC le montant non sérieusement contestable de l'absence d'amortissement des frais généraux, dont elle a considéré qu'ils ne sauraient inclure les frais variables pris en compte au titre des déboursés déjà évoqués ou des travaux supplémentaires dus ; que dans un second temps, et au vu des éléments produits dans le cadre de l'instance n° 11DA00299, elle a ajouté les sommes non prises en compte par l'expert correspondant à la mobilisation persistante des moyens des entreprises entre le 28 novembre 2008 et le 4 octobre 2010 ; qu'elle a évalué à 629 033,81 euros TTC le montant des divers déboursés et à 60 000 euros TTC le non- amortissement des frais généraux pour cette période ; qu'elle a considéré en revanche qu'un surcoût pour les études n'était pas justifié pour la période comprise entre le 28 novembre 2008 et le 4 octobre 2010 ; que la société d'architecture Alluin et Mauduit n'est donc pas fondée à soutenir qu'en procédant ainsi, la cour aurait pris en compte deux fois plusieurs postes ;

26. Considérant que, pour le surplus, la société d'architecture Alluin et Mauduit ne conteste par aucun moyen utile le quantum des préjudices résultant pour les entreprises des retards pris par le chantier ; que c'est sans erreur que le tribunal administratif l'a condamnée à garantir l'hôpital de la somme de 2 787 187,68 euros TTC versée aux entrepreneurs ;

Sur le préjudice propre subi par le centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme :

27. Considérant que par une ordonnance n° 11DA00304 du 31 mai 2012, la cour administrative d'appel de Douai a condamné la société Alluin et Mauduit à verser à l'hôpital local de Saint-Valéry-sur-Somme une provision d'un montant de 599 700 euros au titre de ses préjudices propres ; que le tribunal administratif d'Amiens, saisi sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, a fixé à cette même somme le montant définitif de la dette ; que l'appelante conteste ce montant ;

28. Considérant que la responsabilité de la société d'architecture Alluin et Mauduit est engagée envers l'hôpital au titre des retards pour les motifs exposés aux points 20 à 22 du présent arrêt ;

29. Considérant que les préjudices propres de l'hôpital fixés à la somme non contestable de 599 700 euros, qui intègrent à hauteur de 178 000 euros les surcoûts dits " d'exploitation " et à hauteur de 421 700 euros l'augmentation du coût de financement des travaux, ont été arrêtés au vu des estimations de l'expert ; que si la société d'architecture Alluin et Mauduit fait valoir que le surcoût financier pour l'hôpital de la prolongation du chantier n'est pas justifié, cette critique extrêmement générale du rapport d'expertise n'est pas assortie de précisions suffisantes pour que la cour puisse apprécier son bien-fondé ;

30. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fixé à la somme de 599 700 euros les sommes dues à l'hôpital au titre de son préjudice propre ;

Sur les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme :

31. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 541-4 du code de justice administrative que si le juge du fond, saisi sur le fondement de ces dispositions, fixe définitivement le montant de la dette, il le fait dans les limites du litige qui avait donné lieu à la demande de versement d'une provision ; que les conclusions du centre hospitalier tendant à ce que la société d'architecture Alluin et Mauduit soit condamnée à la garantir des réclamations présentées entre le 27 novembre 2013 et le 31 décembre 2015 par diverses entreprises, portent sur des demandes qui n'avaient pas été soumises au juge du référé-provision et, par suite, elles n'entrent pas dans le cadre de la voie de recours ouverte par l'article R. 541-4 ; qu'elles sont, en outre, nouvelles en appel ; que, par suite, elles doivent être rejetées comme irrecevables;

Sur le montant de la dette de la société d'architecture Alluin et Mauduit :

32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant de la dette de la société d'architecture Alluin et Mauduit à l'égard de centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme, dans les limites des demandes précédemment portées devant le juge du référé-provision et sans qu'il soit préjugé des autres obligations qui pourraient résulter pour les parties de l'exécution du marché, doit être définitivement fixé à la somme de 3 398 395,24 euros TTC ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme la somme que la société d'architecture Alluin et Mauduit demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce fondement par le centre hospitalier ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le montant de la dette de la société d'architecture Alluin et Mauduit à l'égard du centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme est fixé à la somme de 3 398 395,24 euros TTC.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 30 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'architecture Alluin et Mauduit et au centre hospitalier intercommunal de la Baie de Somme.

Copie en sera adressée pour information à M. D...C..., expert.

Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2016.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : H. HABCHILe président de la formation de jugement,

Président-rapporteur,

Signé : C. BERNIER

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA01469 6


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