La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2016 | FRANCE | N°15DA01532-15DA01533

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 07 juillet 2016, 15DA01532-15DA01533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A..., Mme C...A...néeE..., son épouse, et M. F...A..., leur fils majeur, ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 31 juillet 2014 par lesquels le préfet du Nord leur a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office et de faire injonction au préfet du Nord de leur délivrer un certificat de résidence o

u, à défaut, de procéder à un nouvel examen de leur situation.

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A..., Mme C...A...néeE..., son épouse, et M. F...A..., leur fils majeur, ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 31 juillet 2014 par lesquels le préfet du Nord leur a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office et de faire injonction au préfet du Nord de leur délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de leur situation.

Par un jugement n°s 1501842-1501845-1501851 du 16 juin 2015, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2015 sous le n° 15DA01532, Mme C...A..., représentée par Me D...G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 juin 2015, en ce qu'il la concerne, ainsi que l'arrêté pris le 31 juillet 2014 par le préfet du Nord à son égard ;

2°) de faire injonction au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence est insuffisamment motivée ;

- cette motivation lacunaire révèle que, pour prendre cette décision, le préfet du Nord n'a pas procédé à un examen suffisamment attentif de sa situation ;

- cette même décision méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour refuser de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet du Nord a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne pourra qu'être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;

- cette décision a elle-même été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet du Nord a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle est prise ;

- pour prendre cette décision, le préfet du Nord a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de MmeA..., qui se borne à reprendre l'énoncé des mêmes moyens que ceux soulevés devant les premiers juges, ne satisfait pas à l'exigence de motivation posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative et pourra, ainsi, être rejetée pour irrecevabilité ;

- aucun de ces moyens n'est fondé.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015.

II. Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2015 sous le n° 15DA01533, M. B...A..., représenté par Me D...G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 juin 2015, en ce qu'il le concerne, ainsi que l'arrêté pris le 31 juillet 2014 par le préfet du Nord à son égard ;

2°) de faire injonction au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence est insuffisamment motivée ;

- cette motivation lacunaire révèle que, pour prendre cette décision, le préfet du Nord n'a pas procédé à un examen suffisamment attentif de sa situation ;

- cette même décision méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour refuser de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet du Nord a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne pourra qu'être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;

- cette décision a elle-même été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet du Nord a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle est prise ;

- pour prendre cette décision, le préfet du Nord a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de M.A..., qui se borne à reprendre l'énoncé des mêmes moyens que ceux soulevés devant les premiers juges, ne satisfait pas à l'exigence de motivation posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative et pourra, ainsi, être rejetée pour irrecevabilité ;

- aucun de ces moyens n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

1. Considérant que les requêtes susvisées, introduites par M. B...A...et par Mme C... A...néeE..., son épouse, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la légalité des refus de séjour :

2. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs des arrêtés contestés que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules stéréotypées, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fondent les décisions refusant de délivrer un certificat de résidence à M. A...et à MmeA..., ressortissants algériens ; que, par suite, alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation des intéressés et de leur famille, ces décisions de refus de séjour sont suffisamment motivées au regard de l'exigence posée par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point 2, que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen suffisamment attentif de la situation de M. et Mme A...avant de prendre ces décisions ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) " et qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories (...) qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) " ;

5. Considérant que M. et MmeA..., entrés régulièrement sur le territoire français le 5 janvier 2013 en compagnie de leurs quatre enfants, nés en 1995, 2004, 2006 et 2009, se prévalent des liens privilégiés qui les unissent à la France, où leurs enfants sont scolarisés, le deuxième y étant d'ailleurs né, et où ils indiquent s'être efforcés de s'intégrer, grâce notamment à une bonne maîtrise de la langue française, et avoir noué des liens amicaux et sociaux ; qu'il est toutefois constant que M. et MmeA..., qui font tous deux l'objet d'une décision de refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, se trouvent en situation de séjour irrégulier sur le territoire français ; qu'en outre, les intéressés, qui sont tous deux de nationalité algérienne, n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales proches dans leur pays d'origine, où résident un frère, une soeur et la mère de M.A..., ainsi que les six frères et soeurs de Mme A...; que, dans ces conditions et eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de M. et MmeA..., pour estimer qu'un refus de séjour ne porterait au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions contestées ont été prises, le préfet du Nord, qui ne s'est pas fondé sur l'insuffisance des moyens d'existence de la famille, mais a seulement relevé, à titre surabondant, que les intéressés avaient déclaré tirer leurs moyens d'existence des aides du département et d'associations, n'a pas méconnu les stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage établi, dans ces conditions, que, pour refuser de délivrer un certificat de résidence à M. et MmeA..., malgré la scolarité poursuivie par leurs enfants et en dépit des perspectives d'insertion professionnelle dont faisait état M. A...et dont témoignerait la promesse d'embauche dont il allègue avoir bénéficié, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle des intéressés ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens que M. et Mme A...dirigent contre les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour doivent être écartés ;

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de ce que les décisions faisant obligation de quitter le territoire français à M. et Mme A...devraient être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions refusant de leur délivrer un certificat de résidence ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, les moyens tirés de ce que les décisions faisant obligation à M. et Mme A...de quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que, pour prendre ces décisions à leur égard, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celles-ci sur la situation personnelle des intéressés doivent être écartés ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens que M. et Mme A...dirigent contre les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays à destination duquel les intéressés pourront être reconduits d'office :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9 que le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays à destination duquel M. et Mme A...pourront être reconduits d'office devraient être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 et eu égard notamment à ce que M. et Mme A...n'apportent aucun élément au soutien de leur allégation selon laquelle ils seraient isolés dans leur pays d'origine pour avoir rompu tout lien avec les membres de leur famille qui y résident, le moyen tiré de ce que, en prenant ces décisions, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet du Nord, que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 16 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 15DA01532 et n° 15DA01533, respectivement présentées par Mme et M.A..., sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Mme C...E...épouseA..., à Me D...G...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président

de la formation de jugement,

Signé : O. NIZET

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

''

''

''

''

1

3

N°s15DA01532,15DA01533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01532-15DA01533
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN ; DANSET-VERGOTEN ; DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-07;15da01532.15da01533 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award