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07/07/2016 | FRANCE | N°15DA00610

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 07 juillet 2016, 15DA00610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Auger Frères Transports a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 février 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 20 septembre 2012 de l'inspecteur du travail de la 7e section de l'unité territoriale de la Seine-Maritime autorisant le licenciement pour faute de M. L...E....

Par un jugement n° 1301140 du 19 mars 2015, l

e tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société Auger Frères...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Auger Frères Transports a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 février 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 20 septembre 2012 de l'inspecteur du travail de la 7e section de l'unité territoriale de la Seine-Maritime autorisant le licenciement pour faute de M. L...E....

Par un jugement n° 1301140 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société Auger Frères Transports.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 14 avril 2015, 26 août 2015 et le 16 juin 2016, la société Auger Frères Transports et Me I...D...liquidateur judiciaire la société Auger Frères Transports, représentés par Me H... B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler la décision du 15 février 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 20 septembre 2012 de l'inspecteur du travail de la 7e section de l'unité territoriale de la Seine-Maritime autorisant le licenciement de M.E... ;

3°) de mettre à la charge de M. E...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- M. E...a commis une faute dans l'exercice de ses mandats en faisant un usage abusif des panneaux d'affichages mis à la disposition des organisations représentatives du personnel de nature à troubler le bon ordre et le bon fonctionnement de l'entreprise ;

- l'existence de manquements antérieurs et la récurrence des faits reprochés doivent être pris en compte ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 juin 2015 et le 28 septembre 2015, M. E..., représenté par Me F...C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Auger Frères Transports d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Auger Frères Transports ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 26 avril 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par la société Auger Frères Transports ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- les observations de Me A...K..., substituant Me F...C..., représentant M. E....

1. Considérant que M.E..., employé en tant que chauffeur livreur au sein de la société Auger Frères Transports, est titulaire des mandats de délégué syndical, de délégué du personnel et de secrétaire du comité d'entreprise ; qu'au cours de l'année 2012, M. E...a affiché plusieurs documents portant atteinte à la confidentialité des débats au sein du comité d'entreprise, sur les panneaux d'affichages réservés aux communications de ce comité ; qu'en raison de ces affichages, la société Auger Frères Transports a sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail de la 7e section de l'unité territoriale de la Seine-Maritime de licencier son salarié ; que, par décision du 15 février 2013, le ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique, a annulé la décision du 20 septembre 2012 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. E...et a refusé son licenciement ; que la société Auger Frères Transports relève appel du jugement du 19 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2013 ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; qu'un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2325-5 du code du travail : " Les membres du comité d'entreprise sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication. / Les membres du comité d'entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l'employeur. " ;

4. Considérant qu'il est reproché à M.E... d'avoir affiché sur le premier panneau du comité d'entreprise une note adressée à ses membres par la direction de l'entreprise, relative à un projet de licenciement le concernant personnellement ; que ce document invitait les membres du comité d'entreprise, compte-tenu, du caractère confidentiel et personnel de cette procédure, à la plus grande discrétion ; que toutefois ces faits, dont la matérialité n'est pas contestée, ont été commis dans le cadre des fonctions représentatives dont M. E...est investi ; qu'en dépit de leur caractère polémique, ils ne traduisent pas la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de son contrat de travail ;

5. Considérant qu'il est également reproché à M. E...d'avoir tenu des propos diffamatoires à l'égard de son employeur dans une lettre affichée au panneau du comité d'entreprise et d'y avoir dessiné le sigle de son syndicat à l'aide d'aimants ; que cependant ce courrier portant sur l'attitude du président de la société à l'égard de M.E..., ne comportait aucun terme diffamatoire à l'encontre du dirigeant, et les appréciations portées par M. E...dans ce courrier peuvent être regardées comme se rattachant à un exercice normal des fonctions représentatives dont il était investi ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces faits, auraient eu une quelconque répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise ; qu'eu égard à la nature des fonctions occupées par M. E...et à l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail, ils ne rendent pas impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise ; que par suite le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social pouvait, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, estimer que les faits reprochés à M. E...n'étaient pas de nature à justifier un licenciement et, par conséquent, refuser l'autorisation sollicitée ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Auger Frères Transports n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. E...présentées sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Auger Frères Transports est rejetée

Article 2 : Les conclusions de M. E...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me I...D...liquidateur judiciaire de la société Auger Frères Transports, à Me J...G..., administrateur judiciaire de la société Auger Frères Transports, à M. L...E...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée pour information au directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi de Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-J GAUTHE Le président

de la formation de jugement,

Signé : O. NIZET

Le greffier,

Signé : I. GENOT La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Isabelle Genot

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N°15DA00610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00610
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP GARRAUD - OGEL - LARIBI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-07;15da00610 ?
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